L’Espace Fraternel à Liège

Un habitat collectif de transition ?

Pascale Thys, 2009

Contexte

En 1987, le projet a pris son envol, après la rencontre entre des personnes sans abri ayant des expériences de squatt, et Germain Dufour qui avait des difficultés à payer son loyer car il n’avait pas de revenus à cette époque.

Au début ils étaient 8 personnes, mais rapidement ils se sont retrouvés à 14, car il était difficile de dire non à d’autres. Entre 3 et 5 personnes logeaient par chambre. « C’était comme une sorte de squatt organisé ». Chacun à son tour faisait le nettoyage ; les colocataires allaient chercher les invendus dans les magasins ; il était interdit de boire dans la maison ; il était permis d’avoir des relations sexuelles ; on pouvait y amener ses meubles ; …

Très vite une deuxième maison, située juste à côté de la première, a été louée pour permettre de répondre à toutes les demandes, et surtout pour pallier à la « surcharge ».

Les deux maisons, situées au 44-46 rue Volière sont louées à la ville. Aujourd’hui, l’une abrite 3 personnes et l’autre 5 personnes.

En 1994 une ancienne école, au n° 1 de la rue Volière, a été investie et louée 250 € à un privé avec un bail emphytéotique de 27 ans. Quinze personnes (domiciliées), dont Germain Dufour, y vivent. L’étage a été réaménagé en logements et espaces communs par les locataires et : le rez-de-chaussée est sous-loué à Médecin Sans Frontière , le réfectoire dans la cour accueille l’opération Thermos d’octobre à avril , tous les mercredi midi la communauté Krishna organise un repas dans la cour.

Le lieu a été rebaptisé Espace fraternel, ce qui montre que le projet est plus vaste que le fait simplement d’avoir un abri.

Depuis quelques années une maison en mauvais état est louée, pour 25€, près de Tournai dans un petit village de 400 habitants. Elle peut accueillir 3 à 4 personnes. Elle sert principalement pour des projets environnementaux (par exemple offrir ses services aux fermiers pour divers petits travaux), mais la plupart des locataires actuels des 3 maisons rue Volière n’aiment pas la campagne. Ici il n’y a pas de logement permanent, excepté chez des fermiers.

L’idée d’organiser un projet collectif (de type service au quartier, EFT) a été étudiée, mais cela n’a pas été possible car le public – excepté quelques personnes - est trop abîmé, trop mouvant et a d’abord besoin de se refaire une santé sociale et psychique.

Depuis un an, grâce à l’un des résidents, les anniversaires sont fêtés les derniers vendredis du mois à la rue Volière.

Type de public

Ce sont principalement des hommes venant de la rue. Pour les 3 maisons il y a 1/3 d’alcooliques, 1/3 de toxicomanes et 1/3 de sans papiers.

Aux alentours de l’école il y a des personnes qui squattent des abris, mais sans être repris dans les locataires « officiels » et il y a une liste de 10 résidents pour l’adresse.

Les personnes émargeant au CPAS sont considérées comme co-habitantes.

Conditions d’accès et motivation

Lorsqu’une place se libère c’est Germain Dufour qui, actuellement, prend la décision d’accepter ou non tel ou tel nouveau. Les demandes sont nombreuses, il refuse environ deux personnes par jour. Mais la sélection se fait surtout par le bouche-à-oreille. En effet, les lieux et les conditions de vie sont connus par les gens de la rue.

Les motivations principales sont de ne pas dormir dehors, et de ne pas vivre seul (« ce qui tue la personne c’est le fait d’être seule »).

On reste le temps souhaité et on peut revenir une ou deux fois pas plus.

Mode de fonctionnement

« Au début on avait imaginé que la vie nous apprendrait le règlement ». Mais très vite beaucoup de questions se sont posées concernant par exemple le nettoyage, la confection des repas, la gestion des problèmes dû à la violence, …

Une réunion décisionnelle se tient chaque semaine. A une époque tout était voté (comme, par exemple, les exclusions ou l’arrivée de nouveaux), mais il n’a pas été possible de continuer vu le renouvellement du groupe et le fait qu’il n’y a pas de structure d’accompagnement.

Il n’existe pas de règlement écrit, mais bien des règles exprimées oralement. Chaque fois qu’une nouvelle règle est apparue c’est suite à un problème qui s’est posé.

En ce qui concerne les locataires de l’école on peut citer par exemple que : chacun une fois tous les 15 jours s’occupe du nettoyage des locaux, d’aller chercher les invendus, de faire la cuisine, de faire la vaisselle.

Un problème de violence important peut conduire à l’exclusion (parfois un transfert est organisé vers une d’autres maisons).

On ne va pas dans les chambres des autres, sauf si on y est invité pour l’affectif.

Chacun a une clé.

Chacun est indépendant et libre, mais pas de bruit entre 23h et 7h.

Il n’y a pas de sonnette, on appelle depuis la cour.

L’alcool est interdit, excepté de la bière dans les chambres et ce individuellement.

Il n’y a aucune interdiction en matière de drogue si cela se fait dans sa chambre, mais pas de médicaments psychotropes. Pas de commerce de drogue à partir de la maison.

Le joint est permis dans les lieux collectifs.

Au niveau financier la participation aux charges pour les deux maisons varie entre 80 et 90€/mois/personne et celui pour l’école est de 100 €/mois. Mais avec une certaine souplesse en fonction des cas personnels (sortie de prison, sans papiers, …) où on essaye de trouver une autre formule, comme par exemple le crédit ou la recherche d’un parrain extérieur qui verse une participation financière.

Les animaux sont permis s’ils sont compatible avec le chien et le chat qui y habitent déjà.

Types d’accompagnement social

Il n’y a pas de structure d’accompagnement.

Germain Dufour passe chaque semaine 15 minutes dans les 2 maisons et vit dans l’école 4jours/semaine car il y a plus de nouveaux. Selon lui, l’écoute est importante.

Les locataires connaissent bien mieux que lui les endroits où ils peuvent trouver une aide.

La mixité entre les populations

Dans les trois habitats il y a 1/3 d’alcooliques, 1/3 de toxicomanes (les propriétaires n’acceptent pas ce genre de public), et 1/3 de sans papiers (souvent sans revenus). Il n’y a pas, actuellement, beaucoup d’alcoolique car le CPAS s’en occupe (d’où augmentation des deux autres groupes).

Il n’y a pas de personnes trop abîmées au niveau psychiatrique.

Dans les deux maisons il n’y a pas de toxicomanes car il y a beaucoup de bois (danger du feu) et par respect pour les voisins.

Actuellement il n’y a que des hommes. A certains moments il y a aussi des femmes, mais ce n’est pas constant. Par exemple : pendant quelques temps une prostituée a permis de donner un certain équilibre : ; une femme battue est aussi passée, mais elle est tombée amoureuse d’un autre locataire et cela s’est mal terminé et elle est partie ; il y a aussi eu un couple avec un enfant (règle : pas d’enfants de plus de cinq ans).

Il est difficile pour une femme de vivre parmi tant d’hommes et surtout de faire attention à ce qu’elle ne soit pas utilisée par eux (par exemple : prostitution pour se fournir de la drogue).

Des personnes extérieures passent de temps en temps. Comme, par exemple ce voisin, ancien professeur, qui vient prendre son petit déjeuner, ou encore cette personne avec voiture qui aide à récupérer les légumes après le marché, et aussi de nombreuses écoles (réthorique). Outre leur aide, ces personnes apportent un autre genre de conversation.

Pour Germain Dufour le nombre de 14 personnes est à ne pas dépasser pour la cohabitation.

Il se pose la question aussi du mélange des genres. Pour lui l’idée de vivre tous ensemble par exemple : chrétien, musulman, hétéro, homo, …) est un idéal, mais ce n’est peut-être pas la bonne solution. Il faudrait peut-être en revenir à un seul public, mais cela pose le problème du ghetto et il faudrait l’introduction d’une mini structure.

Type de solution

Cela varie de quelques semaines à plusieurs années. Il y a quelques personnes qui y vivent depuis plusieurs années.

En 2003, huit personnes ont repris un appartement, mais peu de toxicomanes.

Divers

Le schéma « mon logement mon indépendance » n’est pas valable pour un petit pourcentage de personnes qui a besoin d’un habitat collectif. Cette expérience de logement collectif est intéressante des points de vue psychologique (par exemple : en cas de crise on la passe moins au café et on souffre moins de grosse dépendance) et économique. Il y a une prise en charge des uns par les autres (pour le bien comme pour le mauvais).

Ce type d’expérience est aussi couplé avec un combat d’idée concernant, notamment :

Cette expérience montre aussi qu’il est possible d’utiliser des bâtiments abandonnés de type école, et autres et de les transformer en logement, d’en faire son nid. Ce qui est préférable à des maisons toutes équipées.

Para ir más allá