Des élus ruraux plus loin des citoyens ?

Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2011

[Lire la fiche analyse : Quand les territoires coopèrent, les citoyens s’éloignent-ils ? L’intercommunalité, un retour en arrière en matière de politique locale ?->article83]

Dans un contexte de décentralisation et de refonte de l’intercommunalité, les élus ruraux doivent construire leur légitimité sur le registre de la gestion de « proximité » (disponibilité, médiation, écoute, etc.) mais aussi sur le registre du management. Depuis les lois de décentralisation, le pouvoir des maires s’est considérablement accru. Le maire n’est plus simplement intercesseur entre les services de l’État et la communauté viIlageoise, il doit être un décideur efficace. Ce rôle suppose la détention de compétences et la maîtrise de savoir-faire et de connaissances plus pointues en matière de gestion publique.

Cette évolution profite aux catégories moyennes (instituteurs, fonctionnaires de catégorie B, techniciens principalement) et supérieures salariées (cadres d’entreprise et du secteur public ingénieurs, professeurs) dont la part ne cesse d’augmenter, même si elle reste moins élevée que chez les maires des grandes villes. Si les agriculteurs sont toujours sur-représentés, leur part décline.

Par contre, les élus ruraux dans leur ensemble restent beaucoup plus à l’écart des partis politiques que leurs collègues urbains. L’enquête par questionnaire réalisé dans le département de la Somme l’atteste : moins de 17 % des maires des communes de moins de 2 000 habitants élus en mars 2001 déclarent avoir été ou être encore membres d’un parti.

Avec l’intercommunalité, on assiste à un renforcement du processus de sur-sélection sociale des dirigeants intercommunaux. La surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures s’accélère au fur et à mesure que les EPCI (établissement public de coopération intercommunale) ne gagnent en compétence. À la veille du renouvellement de 2008, 36%des maires des communes rurales et périurbaines détenant une présidence ou une vice-présidence des communautés sont issus de cette catégorie. Leur part à la direction des EPCI enregistre une progression supérieure à 10 points : 42 % des responsables de ces structures sont issus de cette catégorie contre 24 % des maires élus à l’issue du scrutin municipal. Les catégories populaires, déjà marginalisées dans ces instances exécutives, sont en recul. Même si le processus n’est pas achevé, la recomposition du paysage politico-institutionnel, y compris dans les espaces dits « ruraux » provoque des changements dans les modes d’administration et de gouvernement Ces derniers se traduisent par la spécialisation des activités de l’élu local et une professionnalisation progressive des compétences et des savoir-faire nécessaires pour l’administration des instances intercommunales.

Referencias

  • Desage Fabien et David Guéranger, La politique confisquée, sociologie des réformes et des institutions intercommunales, Editions du Croquant, Savoir/Agir, 2011, 247p.

  • Vignon Sébastien, « Les rétributions inégales de l’intercommunalité pour les maires ruraux. Les improbables retour(s) sur investissements(s) politique(s) », in Rémi Le Saout, François Madoré, Les effets de l’intercommunalité, Presses universitaires de Rennes, 2004, pp. 17-38.