Régions urbaines, villes et quartiers, cœurs des stratégies de développement soutenable en Europe

Claude Jacquier, 2008

Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)

Cette fiche est extraite des propositions pour le Conseil européen des ministres de la ville, qui s’est tenu à Marseille le 25 novembre 2008.

Elle revient sur le rôle essentiel des territoires (régions urbaines, villes, quartiers) dans les approches intégrées de développement urbain soutenable, pour ensuite proposer des options leur permettant de répondre pleinement aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques locaux.

Les politiques intégrées de développement urbain soutenable dont la Charte de Leipzig rappelait la nécessité, en 2007, sont issues de préoccupations ayant trait à la fragmentation sociale et spatiale des villes et à l’existence de territoires durablement placés à la marge de leur dynamique de prospérité (Carrefour des villes de 1993 qui initie les programmes Urban, Forum de Vienne 1998, Communication de la commission 2006). Assez généralement, ces territoires ont été stigmatisés et affublés de qualificatifs oscillant entre caricature et euphémisation (quartiers dégradés, quartiers en crise, ghettos, quartiers sensibles, etc.). Trop rarement, en revanche, on les a caractérisé par leurs dynamiques d’évolution et par leurs potentialités. L’approche des territoires urbains du point de vue du développement soutenable permet d’envisager leurs caractéristiques, leur place et leur rôle dans les structures urbaines ainsi que leur dynamique d’une toute autre manière, ce qui peut permettre d’éviter le piège de jugements de valeur de peu d’intérêt.

Le développement soutenable mettant essentiellement l’accent sur les processus de transformation des systèmes et des structures dans la longue durée, on peut s’autoriser à échapper aux exigences de l’immédiateté politique pour examiner les différents territoires de la ville sous l’angle de leur cycle de vie et donc du recyclage possible de leurs éléments constituants à moyen ou long terme1. Il faut pour cela mobiliser une approche plus « systémique » des territoires urbains afin de rendre compte de la dérive différentielle de leurs composantes essentielles dans l’espace et le temps (transformations, mutations). Les approches comparatives européennes et internationales permettent de retenir une définition du territoire identique à celle utilisée pour définir la communauté (community) dans sa version anglophone, à savoir « …à la fois un endroit, des gens vivant en cet endroit, l’interaction entre ces gens, les sentiments qui naissent de cette interaction, la vie commune qu’ils partagent et les institutions qui règlent cette vie2». Cette définition souligne trois composantes essentielles des territoires : des lieux (place), des gens (people) et des institutions. Ces composantes sont pertinentes à différentes échelles (quartier, commune, agglomération, métropoles, régions, pays). A y regarder de près, ces trois composantes renvoient aux trois sphères du développement soutenable : environnement, social et économique au sens large.

Dans leur conception et leur mise en œuvre, les approches intégrées de développement urbain soutenable doivent être pleinement de la compétence politique des régions urbaines et des villes. Compte tenu de l’affaiblissement des États-nations (réduction de leur maîtrise budgétaire et monétaire, transferts de compétences vers l’UE, décentralisation des responsabilités vers les collectivités territoriales), c’est principalement à leurs échelles, sur leurs territoires et grâce à leurs compétences qu’il est pensable de pouvoir réguler au mieux, de manière globale, « holistique », les interactions entre les trois sphères du développement soutenable que sont l’environnement, le social et l’économique. En leur sein et à l’articulation des échelles territoriales (quartiers, communes et agglomérations), les régions urbaines et les villes doivent prendre en compte les caractéristiques des composantes des territoires, leurs dynamiques d’évolution et leurs interactions afin d’être en capacité d’intervenir sur leurs dérives et de les réguler au mieux. Plus que jamais, c’est à elles qu’il incombe, désormais, de « faire avec » ces réalités complexes et de réguler les logiques parfois contradictoires qui animent les acteurs des trois sphères (environnement, social et économique) que le développement soutenable cherche à ré-encastrer.

Les options possibles pour les régions urbaines, les villes et les quartiers :

1 VIVIEN F-D. 2005). Le développement soutenable, La Découverte.

2 MEDARD J-F. 1969. Communauté locale et organisation communautaire aux États-Unis, Cahier de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Armand Colin, p. 58

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