Développement local et tourisme monumental sur la vallée ouest de Louxor

Louxor, ÉGYPTE

Laurent CORROYER, 2014

Centre Sud - Situations Urbaines de Développement

Cette fiche présente l’habitat traditionnel, en terre, de Louxor (Egypte) et esquisse l’aménagement des espaces domestiques égyptiens.

Émergeant des opportunités économiques et des emplois issus de l’archéologie et du tourisme, les villages de la vallée ouest de Louxor se sont développés depuis plus d’un siècle au pied de la Vallée des Rois et de son immense patrimoine pharaonique.

Sujets à des tentatives de déplacement de population au cours des 60 dernières années, dont Gurna et le projet d’Hassan Fathy sont emblématiques, ces villages ont été considérés comme une menace pour le patrimoine de l’Égypte antique. Ses habitants, stigmatisés et accusés à tort de pillage, sont pourtant les bâtisseurs de l’architecture traditionnelle thébaine qui reflète un savoir-faire immense qu’il est indispensable de préserver.

La Maison thébaine
L. CORROYER, 2007

La Maison thébaine

L’étude de l’habitat thébain, basée ici sur le cas du village de Medinet Habu au pied du temple qui lui a donné son nom, révèle un mode d’organisation lié à des processus culturels et environnementaux de grandes qualités.

L’habitat thébain s’ouvre généralement par une sqifa (entrée) faisant le plus souvent office de salon pour les personnes étrangères à la famille. La sqifa (dispositif de filtre que l’on trouve aussi au Maghreb) est un sas qui permet par la suite de rentrer par étapes dans l’intimité domestique. Accolé à sa droite ou à sa gauche, et indépendamment des autres pièces de la maison, le beit el joulous (pièce où s’asseoir) sert de salon pour recevoir les personnes plus connues ou amis de la famille. Cette pièce est généralement utilisée comme salon pour les hommes où ceux-ci reçoivent leurs amis. On peut y dormir, regarder la télévision, manger ou encore fumer le narguilé. Les femmes ne sont pas exclues mais sont moins présentes. Dans les habitations les plus grandes, elles possèdent leur propre salon, plus en arrière, dans l’intimité.

La torga (couloir) suit généralement la sqifa. Plus qu’un simple couloir, c’est un espace « occupé » qui dessert les différentes pièces de la maison comme la matbakh (cuisine), le hammam (toilettes), le beit el joulous des femmes ou des pièces servant de makhzen (réserve) ou d’oda (pièce/chambre). Le plus souvent ouverte, cette véritable artère est l’un des éléments principaux de la typologie de la maison thébaine. Lorsque la maison comprend un étage (généralement prévu pour le mariage des enfants), l’escalier se trouve au niveau de la torga.

Maison thébaine
L. CORROYER, 2007

On trouve généralement à l’arrière de la maison un houch (enclos pour animaux en briques de boue dont la toiture rudimentaire est faite avec des branches de palmier). Parfois placés à l’avant, comme c’est le cas du village voisin de Gurnet Marai, ces enclos servent aussi de réserve foncière et permettent leur conversion future en logement au moment de l’expansion familiale. Si la taille de la parcelle le permet, les houch sont repoussés (soit vers l’avant, soit vers l’arrière selon l’emplacement), ce qui entraîne un processus d’expansion prenant la forme d’un amas d’habitations structurellement unies.

Par ailleurs, le mode constructif de l’habitat thébain renseigne de son adaptation au climat. La brique de boue, déjà utilisée avant les égyptiens de l’Antiquité, est un régulateur thermique naturel de qualité pour les hautes températures estivales. Pour les mêmes raisons, les habitations possèdent peu de fenêtres ou quelques ouvertures de petite taille pour limiter l’apport de chaleur. Dans la plupart des cas, des trous de 30 x 30 cm sont également dispersés en façade et sur les murs intérieurs des maisons. Ceux-ci permettent une ventilation naturelle dont la circulation est assurée par l’ouverture de la torga.

Les volumes de la maison thébaine sont définis par les matériaux qui les constituent. Ainsi, la résistance à la compression de la brique de boue limite de façon naturelle la hauteur des constructions à un étage. Généralement de 50 cm, les murs du rez-de-chaussée sont constitués de 2 rangées de brique de 25 cm. A l’étage, les murs, soumis à des charges moins importantes, ne font plus que 40 cm. Plus rarement, certaines habitations s’élèvent sur 2 étages et nécessitent une épaisseur de mur de 80 cm en rez-de-chaussée. Les fondations sont généralement filantes et constituent des tranchées de 60 cm de profondeur remplies de pierre. Les planchers et toitures utilisent eux aussi des matériaux naturels locaux comme le sand et le palmier dont les troncs servent de poutres principales et les branchages séchés de latrines recouvertes d’une fine couche de boue. Cette fois limitée par une résistance en flexion, la portée des pièces résultantes avoisine les 3,50 m.

Plan du village de Medinet Abu
L. CORROYER, 2007

Sources

Laurent CORROYER (Consultant en Urbanisme et Architecture paysagère), Free-Lance - www.geoplanning.fr, ancien étudiant ENSAPLV. Extraits de : « Développement local et tourisme monumental sur la vallée ouest de Louxor », PFE sous la direction de Philippe Revault, pôle ASM, 2007.

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