Analyse socio-spatiale des processus de relogement de populations en situation de précarité.

Comparaison de deux études de cas à Marseille : Chieusse Pasteur et Campagne Fenouil

Marion SERRE, 2014

Centre Sud - Situations Urbaines de Développement

Cette fiche invite à prendre en considération les usages et à intégrer les compétences des habitants aux projets de rénovation urbaine.

Notre étude propose d’appréhender le cadre institutionnel de deux opérations de relogement in situ à Marseille, pour une compréhension des effets sociaux associés à ce type de mutation spatiale. Nous comparons deux opérations de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI) considérées comme les derniers bidonvilles marseillais1 et situées à l’Estaque : les bidonvilles de Chieusse Pasteur et de Campagne Fenouil, dont les populations étaient respectivement d’origine kabyle et gitane. La temporalité de ces opérations, commencées dans les années 80 et terminées dans les années 2000, permet un retour critique sur les effets des différentes phases de l’opération.

Dans le cas de Chieusse Pasteur, notre travail de terrain a montré un changement de repères et l’émergence de pratiques induites par le passage de l’auto-construction à la production normative de logements. Nous observons ainsi un changement de mode de vie en relation avec la recomposition des rapports entre l’espace public et l’espace privé. Avec la verticalisation des logements, les espaces communs ont disparu, remplacés par des balcons privés qui ne permettent plus les échanges mais qui introduisent des relations nouvelles au paysage et à l’urbain. Pour Campagne Fenouil, nous remarquons que l’opération de relogement a suivi la trame initiale et l’esprit du bidonville. De même que le bidonville, le lotissement fonctionne de manière introvertie et souffre encore de la stigmatisation. Les échanges avec le quartier sont rares : les habitants, en particulier les femmes, sont confinés à l’intérieur. Sur ce plan, nous observons une situation très différente de celle de Chieusse Pasteur, où nous avons mis en évidence de nouveaux réseaux, repris par les personnalités militantes du bidonville. Ces nouvelles mobilisations ont des objectifs différents, plus ouverts sur la totalité de la population de l’Estaque. Nous nous sommes également intéressés à l’analyse des lieux de pratiques collectives et avons établi des relations existantes avec le développement de capacités à prendre position et à s’exprimer.

Dans notre analyse socio-spatiale des processus de relogement, nous avons observé que la prise en compte des pratiques ou non dans le projet par les concepteurs influe sur la fabrication des liens sociaux au sein des opérations mais aussi avec le quartier. Dans ce sens, nous pensons qu’il est important de mettre à profit les compétences des habitants pour le projet et souhaitons alimenter le débat pour que « de simples citadins [puissent] être des acteurs de premier plan de la production de l’habitat2 » et plus généralement de la ville.

1 « On les croyait disparus mais ils se reforment sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment. En 2010, la Ville a recensé une centaine de taudis.», publié dans La Provence, consulté le 15.11.12

2 LEGROS O. (dir.), 2008, Participations citadines et action publique, Gap, ed. Yves Michel, p.8