L’exemple de Wesserling : l’apport d’une démarche paysagère dans la recomposition d’un site industriel en pôle culturel et économique

Odile Marcel, Régis AMBROISE, 2013

Collection Passerelle

Cette fiche aborde une étude de cas sur le sauvetage du site de Wesserling (Alsace) qui a consisté à assurer la reconversion d’un ancien site industriel en déclin en territoire touristique.

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Installée à partir du XVIIIe siècle dans une vallée au sud du massif des Vosges, la manufacture de Wesserling développa un art de l’impression textile qui lui donna célébrité et ampleur jusqu’aux années 1960. Des plans anciens réalisés à partir de différents points de vue dans la montagne prouvent que l’implantation des usines dans ce site correspond à un souci de composition de l’espace porté par la bourgeoisie industrielle et reflétant les valeurs de l’époque. D’une surface totale de 70 hectares, le site industriel tombé dans le déclin fermait définitivement en 2001. Il fut acquis par la communauté de communes de la vallée de Saint–Amarin qui souhaitait redonner vie à une filière textile. La propriété comprenait aussi 17 hectares de parc en friche autour de la maison de maître et 29 hectares de prés que le Conseil Général avait acheté antérieurement dans le but d’implanter à Wesseling un écomusée de l’industrie textile alsacienne. Le Conseil Général envisage de transformer une partie des bâtiments en hôtel de luxe. Les familles ouvrières qui y habitaient autrefois fondent alors une association pour que soit prise en compte la mémoire des lieux, elles y implantent un jardin vivrier, ce faisant elles redécouvrent le jardin à la française masqué sous les broussailles et l’association fait inscrire le parc à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques (1998). Le Conseil Général, qui a changé de majorité, obtient la protection du site dont la qualité est révélée par ces travaux de défrichement. Un festival des jardins attirant des paysagistes de tous pays permet chaque année de faire connaître la qualité de ces lieux au grand public. François Tacquard est élu conseiller général et président de la communauté de communes de Saint–Amarin alors que la dernière usine ferme définitivement ses portes : « En tant que directeur d’un bureau d’études, je sais le coût d’une friche industrielle abandonnée. Plus on attend, plus cela coûte cher pour démolir des bâtiments tombés en ruine, dépolluer, refaire la viabilisation. Sur le plan économique également, il fallait faire aussi vite que possible : 800 personnes avaient perdu leur emploi en trois ans, dont 230 emplois à la fermeture ».

En 2004, la communauté de communes rachète donc les 24 hectares des usines afin d’y créer un pôle économique qui soit en mesure de créer des emplois, en tandem avec le pôle culturel et touristique qui, dès 2005, a recruté 25 personnes pour accueillir plus de 50.000 visiteurs.Le projet comprendra des espaces de production, de crétion, d’animation et de commercialisation sur 35.000 m², divisibles en petits lots. Il est décidé de conserver l’enveloppe des bâtiments caractéristique des anciennes industries et d’offrir essentiellement des volumes à aménager aux nouveaux entrepreneurs. En six mois, des artisans locaux et des professionnels fragilisés par la crise du textile s’installent sur 10.000 m2 de locaux rénovés et loués à un prix attractif. La proximité de ces divers professionnels et les synergies possibles avec l’écomusée attirent de nouvelles activités dans ce site aujourd’hui réputé qui offre une image de marque et une palette de services fortement appréciés.

Bien qu’un peu écarté dans sa vallée, Wesserling surprend par la grandeur du site et la beauté de ses aménagements contemporains renouant avec l’histoire du lieu. Le souci d’économie a conduit à des partis paysagers extrêmement simples, valorisant les matériaux des anciennes usines désaffectées et la proximité avec la nature cultivée et les forêts. « Les contraintes liées au patrimoine ont tourné à notre avantage et cela marche mieux que prévu, se félicite François Tacquard. Mais nous avons pris des risques en faisant le pari du développement local. Il fallait proposer un prix du mètre carré très accessible. Nous savons aujourd’hui qu’un bureau d’études a besoin de 30 m², un artisan d’art 100 m², un artisan entre 200 et 500 m², un industriel 1.000 à 1.500 m². » Pépinière d’entreprise attirant les projets artistiques ou économiques, le parc de Wesserling s’est vu décerner le label « pôle d’excellence rurale » en 2006.

Il combine des productions artisanales et industrielles, des services sociaux, une activité culturelle portées par 25 associations ainsi que des logements collectifs. En concentrant toutes ces activités sur un même site, cette opération permet également de préserver les prés de fauche du fond de vallée contre les méfaits d’un étalement urbain anarchique et d’améliorer ainsi la qualité paysagère agricole des espaces traversés le long de la route ou de la voie ferrée. En s’appuyant sur les caractéristiques singulières d’une géographie et d’une histoire locales, le sauvetage du parc de Wesserling et de ses édifices industriels a su tirer parti de la proximité de Mulhouse et de la pression foncière ambiante pour redonner vie aux espaces de la vallée.