L’usager au centre de l’infrastructure, l’exemple des témoins de ligne à la RATP

Stéphanie Leheis, 2012

Cette fiche, à travers l’exemple des témoins de ligne de la RATP, présente la problématique de la participation des usagers et la notion d’expertise par l’usage, utilisés comme faire-valoir pour promouvoir un effort de participation mais aussi déconsidérés quant à leur légitimité à participer au processus de décision.

Dans le domaine des transports comme dans d’autres domaines des politiques publiques, nous observons aujourd’hui une montée en puissance des usagers. En tant qu’utilisateur d’une infrastructure ou d’un mode de transport, il semble que l’usager ait de plus en plus sa place dans la gestion et l’exploitation des infrastructures mais aussi plus en amont dans la conception et l’évaluation des politiques de transport. On lui reconnaît une forme d’expertise d’usage, qui tient à sa connaissance du réseau qu’il utilise quotidiennement et des difficultés qu’il rencontre. On peut rapprocher cette évolution d’une tendance plus globale qui consiste à replacer l’usager au centre de l’infrastructure, pour concevoir des équipements qui correspondent mieux à nos besoins, qui sont plus ergonomiques, etc.

Un exemple s’inscrit dans cette tendance, c’est celui des témoins de ligne à la Ratp. Les témoins de ligne répondent à un appel lancé par la Ratp, l’opérateur du réseau de transports publics parisien, auprès de ses usagers. Les témoins doivent utiliser quotidiennement les transports en commun, et sont amenés à donner leur point de vue sur le confort, la propreté, l’accessibilité du réseau, l’ambiance ou encore la sécurité. Avec un tel dispositif, l’idée est de faire de l’usager un acteur de l’amélioration de l’offre de services. Chaque mois les témoins reçoivent une fiche-constat à remplir et transmettent leurs remarques, par l’intermédiaire de l’association des usagers (Fnaut Ile-de-France).

Dans sa thèse, S. Moretto a interrogé ce dispositif et la notion d’expertise d’usage. Il apparaît que la valeur ajoutée par l’usager manque clairement de lisibilité dans les choix qui sont fait par l’opérateur, et qu’en dépit des appels à la participation sa place est en permanence remise en question. Trois points de blocage ont ainsi été identifiés. Le premier tient à la reconnaissance de la capacité des acteurs à participer à la décision. Les préjugés restent forts entre les différents acteurs, entre ceux qui semblent légitimes et ceux qui doivent justifier leur présence. Le deuxième point de blocage tient dans le processus de traduction mis en place pour passer de la parole des acteurs à l’expertise. C’est le rôle notamment des associations d’usagers de servir de filtre pour transformer les discours en expertise. Enfin le troisième élément de blocage vient du caractère équivoque des procédures mises en place, qui dépendent très fortement des acteurs en présence et sont réinterprétées par les participants. Dans le cas de la Ratp, il apparaît nettement que le dispositif des témoins de lignes sert aussi à l’amélioration de la relation client.