La région autour du lac de Constance : un laboratoire d’innovations pour un développement durable

Ina Ranson, 1999

Cette fiche présente les initiatives transfrontalières menées par 4 Etats de l’Union européenne autour du lac de Constance pour permettre un développement du territoire supra-national durable.

Le lac de Constance (571,5 km2) situé entre l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche est la source de l’approvisionnement en eau potable pour 4,5 millions de personnes dans ces trois pays. Entourées d’une magnifique région fertile, les rives sont fortement peuplées (environ 500 habitants par km2) et attirent de plus environ 2 millions de touristes par an. Les graves problèmes de dégradation de l’environnement qui s’en suivent ont suscité de nombreuses réactions.

Une région très menacée met au point un projet global de changements

Au milieu des années 70, les autorités investirent cinq milliards de DM pour l’installation de canalisations et de stations d’épuration exemplaires. La satisfaction fut provisoire : la pollution s’est poursuivie par d’autres canaux (tourisme, agriculture intensive, transports…). En 1989, la CEE mit la région du lac sur la liste des 60 zones les plus menacées d’Europe. En 1990, les efforts combinés des réseaux associatifs transfrontaliers, des autorités et de quelques entreprises pilotes aboutirent au lancement d’un projet global visant la transformation de l’économie régionale vers un mode de développement « respectueux de l’environnement ». Soutenu notamment par la Deutsche Bundesstiftung (Fondation Fédérale allemande) et par l’entreprise hambourgeoise UNI LEVER, le projet a pris de l’ampleur. En 1994 naquit la « Fondation Lac de Constance », fondation internationale « pour la nature et la culture » qui réunit des organisations autrichiennes, suisses, allemandes et lichtensteiniennes, désireuses de faire de la région un vrai laboratoire de développement durable, avec la protection permanente des ressources naturelles, notamment de l’eau, la transformation des activités et des structures économiques, la coopération entre les citoyens, les organisations non gouvernementales, les autorités officielles et les entreprises.

Un Agenda 21 pour la région du lac est en préparation. La Fondation espère ainsi donner toujours plus de poids aux différentes démarches qui doivent encore convaincre la majorité des acteurs.

Le projet global de la région du Lac de Constance fait partie du partenariat international des « Lacs Vivants » - Living Lakes créé en 1998, en même temps que la fondation internationale « Global Nature Fund ». Il fut sélectionné par l’exposition 2000 à Hanovre comme « action exemplaire pour l’avenir. »

Soutenir l’agriculture biologique

Le soutien de l’agriculture biologique, essentiel pour la protection des zones de captage, se fait en premier lieu par une bonne stratégie de marketing. De nombreux centres culturels ou religieux qui ont une fonction de multiplicateurs ne se fournissent qu’auprès des fermes labellisées (environ 1 200 dans la région). Des entreprises, des écoles et des universités ont également accepté de signer des contrats avec de telles fermes. Des restaurants gastronomiques en Suisse, en Allemagne et en Autriche affichent avec succès « une cuisine régionale à base de produits de culture biologique ». Les touristes peuvent aussi apprécier cette cuisine sur les bateaux du lac. Enfin, de plus en plus de personnes choisissent un hôtel ou une pension qui leur offre ce luxe spécifique, souvent combiné avec une « gestion écologique » de tout l’établissement.

Soutenir la filière bois régionale

« Redécouvrir notre bois ! » C’est le slogan d’un projet qui réunit l’importante Fédération pour la Protection de la Nature (BUND), les gardes forestiers, les scieries et l’industrie du bois de la région. Il s’agit de promouvoir l’exploitation du bois régional, géré selon des principes écologiques, et de créer des emplois liés à l’utilisation de cette matière noble et naturelle. Grâce à une bonne coopération avec des entreprises de menuiserie, l’image des bois régionaux a été rehaussée. De nouvelles techniques d’assemblage et de traitement écologique sont exposées avec succès lors des grandes foires régionales ou même internationales.

Promouvoir un tourisme durable

Dans la région du lac, environ 15 000 personnes travaillent à temps plein dans le domaine du tourisme. Comment préserver ces emplois en minimisant les conséquences destructrices de l’invasion des vacanciers ? Le problème le plus patent est l’avalanche des voitures privées. Les efforts multiples pour améliorer les transports en commun n’ont pas encore eu le succès escompté.

Depuis peu, les experts des transports et du tourisme ont élaboré un programme informatique novateur dont ils espèrent une nette amélioration de la situation : à partir de l’été 1999, il sera possible de se renseigner, à n’importe quel endroit, sur les villes et les villages au bord du lac de Constance, sur leurs hôtels et pensions, leurs fêtes, leurs curiosités, magasins spécialisés etc… en cliquant simplement sur une icône. Ces informations seront toujours combinées avec des indications précises sur les moyens de transports qui conduisent aux lieux de destination : des trains ou des bus, des bateaux, même des vélos à emprunter. On apprend aussi comment combiner judicieusement la promenade envisagée avec d’autres petites excursions. Il apparaîtra clairement que la voiture privée n’est vraiment pas indispensable…

La mise au point de ce système est subventionnée par la Commission Européenne. D’autres régions en Europe observent ce projet avec le désir de l’imiter.

La promotion d’un tourisme respectueux de l’environnement nécessite une stratégie de longue haleine. Diverses mesures ont eu pour conséquence une nette diminution des bateaux motorisés. Certains sont équipés de panneaux solaires (on en compta 100 en 1998). Le premier bac solaire qui traverse le lac entre l’Allemagne et la Suisse a un succès extraordinaire.

Une préoccupation constante concerne le remplacement des peintures de protection qui contiennent des biocides par des produits non nocifs. Grâce à la coopération avec l’industrie, des progrès notables ont été faits en ce domaine.

A Klausenhorn, village pittoresque, le confortable camping est un modèle qui veut faire école dans un réseau de « campings durables » : depuis 1995, l’eau des douches et des éviers - chauffée principalement par des capteurs solaires - n’est plus rejetée dans la canalisation, mais est recueillie et filtrée dans un puits pour être réutilisée comme eau de WC. Au cas où la quantité d’eau ainsi recueillie est insuffisante, elle est complétée par la pluie recueillie à part. Ces procédés permettent d’économiser 300 000 l d’eau potable par an - et d’alléger la facture d’eau du camping. Les touristes qui en profitent sont d’ailleurs invités à participer à maintes « activités écologiques » proposées par des animateurs bien formés.

Références

  • JACOBY H.; HAMMERL M.; HÄUSLER A.; NEIDLEIN, C., Bodensee-Stiftung in. Zukunftsfähiger Bodensee, 1998 (Allemagne)

  • La fiche est faite à partir d’une dizaine d’articles parus dans la revue de la Bodensee-Stiftung.