PAP 45 : Pour l’amour des belles frondaisons

Planter la ville d’Aujourd’hui

Caroline Mollie, décembre 2020

Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)

Soucieux d’assurer la transition énergétique et, plus généralement, la transition de nos sociétés vers le développement durable, 50 professionnels de l’aménagement se sont réunis en association afin de promouvoir le rôle central que les démarches de paysage peuvent jouer dans les politiques d’aménagement du territoire.

Caroline Mollie est paysagiste et auteure du livre Des arbres dans la ville, l’urbanisme végétal, qui vient d’être réédité en juin 2020 chez Actes Sud. Elle nous invite à nous interroger sur la place des arbres dans l’espace urbain.

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La lente décomposition des arbres, il y a quelques centaines de millions d’années, a grandement contribué à la fabrication du gaz et du pétrole dont nous avons usé et abusé depuis un siècle au risque de déséquilibrer le climat de la planète. Aujourd’hui, les arbres sont nos meilleurs alliés pour résorber le CO2 issu de la combustion des énergies fossiles. Où et comment les planter pour établir ce cercle vertueux ?

Documenté par de très nombreuses recherches scientifiques dans les domaines de la climatologie, de la biodiversité, mais aussi de la santé et du bien-être humains, le rôle bénéfique des arbres est reconnu à l’échelle planétaire. Il concerne tous les milieux de vie, et notamment les métropoles éprouvées par des pics de chaleur de plus en plus intenses et fréquents. Les citadins sont unanimes actuellement: nos paysages urbains doivent réserver une place d’honneur aux arbres. Leur capacité à résorber le CO2 en grande partie responsable de la pollution et des canicules urbaines les désigne comme les sauveurs potentiels de nos villes.

Les villes de l’après-pétrole seront donc amenées à réserver une place conséquente aux arbres. En réponse à une demande croissante de nature, de plus en plus nombreuses sont celles qui font des efforts remarquables en matière de plantations. On peut cependant interroger la viabilité des grands programmes de verdissement qu’elles annoncent s’ils sont engagés de façon hâtive. On constate de fait, beaucoup trop souvent, des pratiques contraires aux intérêts des arbres aussi bien qu’à ceux de la ville et de ses habitants. La beauté des arbres suscite l’émerveillement nécessaire à tout attachement profond. Cet émerveillement se double d’une forme de respect pour leur énergie de vie : la beauté d’un arbre ne peut être dissociée de sa vigueur. Quand un « bel arbre » est bien dans son espace, il respire la santé. Il n’a pas été malmené, sa nature d’être vivant a été respectée. La précipitation n’est pas bonne conseillère. Elle tend à ignorer, voire même à bafouer ces deux caractéristiques fondamentales et complémentaires des arbres, leur beauté et leur condition d’êtres vivants.

Les arbres sont beaux

La beauté des arbres fait l’unanimité. Chantés par les poètes, honorés par les peintres, ils sont un des rares éléments de notre environnement dont la beauté fasse consensus. Qui ne s’émerveille devant un bel arbre, une ample voûte végétale, une ramure vigoureuse et élancée ou bien une floraison spectaculaire ? Lorsqu’ils dialoguent harmonieusement avec l’architecture, les arbres participent à part entière à la beauté, à l’élégance et à l’identité de la ville. Ils y créent des lieux de bien-être, d’agrément et de convivialité. Mais les critères sensibles comme la beauté, l’harmonie ou le merveilleux ont perdu leur place dans les projets urbains depuis plusieurs décennies. Des plantations considérées comme superflues ou gênantes ont été sacrifiées ou malmenées au bénéfice d’impératifs fonctionnels comme l’habitat, le travail, les déplacements et les loisirs. La qualité et la santé du patrimoine végétal des villes en a souffert. Les beaux arbres ou les beaux ensembles arborés indemnes de tout élagage ne sont pas fréquents. Les houppiers trop souvent malmenés peinent à agrémenter, embellir ou ombrager notre paysage quotidien. Cette indifférence pour la beauté du végétal persiste aujourd’hui, bien que les arguments environnementaux aient commencé à prévaloir ici et là sur les impératifs de construction ou de circulation. Mais, souvent massives et pratiquées à la hâte, de nouvelles plantations envahissent les places, les rues, les avenues, les façades et les toits sans que la ville y gagne en élégance et que l’espace public offre au citadin un supplément d’agrément et de confort. Comme si les considérations esthétiques souffraient du même désintérêt qu’au cours des décennies précédentes, l’arbre est devenu un alibi ou un objet de décor.

Annoncés et illustrés à grand renfort d’infographies alléchantes, comment ces exploits affichés peuvent-ils embellir la ville ? Peut-on imaginer que les annonces visant à doubler, à tripler voire à décupler le nombre d’arbres existants puissent améliorer le paysage urbain ? Que penser de la multiplication des plantations de sujets adultes exécutées de façon précipitée ? Que dire de l’inflation de bacs plantés d’arbres méditerranéens, palmiers et oliviers notamment, qui encombrent les voies même dans les villes les plus septentrionales ? La végétalisation légitime des villes doit viser à créer de la beauté et du bien-être, à imaginer des espaces heureux 1. Elle doit faire l’objet de projets visant explicitement à embellir la ville dans un dialogue harmonieux avec l’architecture. Les arbres peuvent être magnifiques et susciter de belles émotions, ils peuvent créer de multiples lieux de vie à condition que leur plantation et leur gestion soient inscrites dans un projet global.

L’histoire de nos villes est riche en exemples de projets d’urbanisme végétal qui ont su résoudre des problèmes urgents et très concrets dans une intention exprimée de beauté et d’agrément. Citons les plans d’embellissement du XVIIIe siècle, à Nîmes et à Toulouse par exemple, qui ont présidé à l’extension hors les murs des villes précédemment fortifiées, surpeuplées et insalubres, puis les promenades de Paris conçues pour aérer et assainir la capitale et plus tard les cités-jardins. Ces projets qui associaient intimement le végétal et les arbres aux objectifs de développement urbain ont perduré dans le temps, signant leur époque et offrant aux populations d’agréables lieux de vie et des villes belles, reconnues comme telles dans le monde 2 .

Les arbres sont des êtres vivants

La croissance des arbres au cours du temps s’épanouit en belles frondaisons qui dispensent avec générosité leurs bienfaits sur nos villes. Un arbre atteint son optimum d’efficacité une fois sa couronne et son système racinaire pleinement développés, conformément aux caractéristiques de son espèce. C’est alors qu’il peut avoir une influence positive sur le climat urbain en assainissant l’air par l’absorption de gaz carbonique qu’il transforme en oxygène pour nous permettre de respirer, et en carbone pour se construire. L’arbre rafraîchit l’atmosphère en dégageant la vapeur l’eau qu’il va puiser dans le sol. Il abaisse aussi la température ambiante en ombrageant les sols et les façades.

L’arbre suscite l’émerveillement lorsqu’il est adulte et bien développé. Alors il joue pleinement son rôle pour embellir la ville et y créer des lieux de bienêtre. L’efficacité des arbres contre les canicules urbaines est directement liée à leur bonne croissance. Les pratiques actuelles ne la favorisent pas. Pris dans une véritable fièvre de plantation, les arbres sont réquisitionnés en masse pour climatiser la ville. On leur impose toutes sortes de prouesses comme d’escalader des façades d’immeubles, de subir des coupes de racines drastiques pour être insérés dans des fosses de plantation, des bacs ou des jardinières exiguës. On les extrait de leur milieux naturel, on les mutile et transporte sur de longues distances pour reconstituer comme miraculeusement des massifs forestiers urbains.

Il est faux d’imaginer que la multiplication des plantations résoudra les problèmes auxquels les villes sont confrontées. S’ils continuent, comme c’est trop souvent le cas, à se voir entassés, amputés, contraints, contenus, suspendus et assoiffés, les arbres vont végéter et perdre en santé et en longévité. Leur énergie de croissance étant contrariée, il leur sera impossible de développer de belles couronnes. Les bénéfices qu’ils pourraient dispenser dans de bonnes conditions de plantation sont annihilés. L’absence de considération à leur égard relève de l’imposture. Ces mauvaises pratiques engendrent des coûts non négligeables et une empreinte carbone alourdie. Elles témoignent d’une perte de savoir et de savoirfaire.

Tous les végétaux, et notamment les arbres, sont programmés pour vivre dans un vrai sol où leur système racinaire se développe à l’horizontale et depuis lequel leur tronc et leur charpente s’élèvent à la verticale. Pour avoir une efficacité réelle sur l’atmosphère, ils doivent parvenir grands et sains à l’âge adulte. Toute forme de taille ou d’élagage, si bien faits soient-ils, représentera un traumatisme qui altère leur santé et réduit leur longévité, alors que la vie d’un arbre peut se déployer sur plusieurs siècles.

Quels fondements pour un urbanisme végétal du XXIème siècle ?

Il faut au minimum vingt à trente ans pour qu’une plantation produise les effets désirés. C’est donc grâce à nos prédécesseurs que nos villes sont aujourd’hui pourvues des frondaisons appréciées que l’on voudrait voir établies plus largement. Les conditions urbaines sont difficiles pour les arbres : une raison de plus pour attacher la plus grande attention à leur bien-vivre dans l’espace et dans le temps avec le bon sens et la sagesse du jardinier. Quelles dispositions devons-nous prendre aujourd’hui pour continuer à bénéficier d’un beau patrimoine et pouvoir le léguer aux générations suivantes ?

Tout repose en premier lieu sur quelques mesures de bon sens. Pour qu’un arbre donne le meilleur de lui-même, il faut répondre à ses besoins vitaux.

Il importe pour ce faire de poser dès aujourd’hui les fondements d’un nouveau pacte culture-nature grâce auquel on répondra aux problèmes climatiques et écologiques qui éprouvent nos villes. Ce serait l’occasion d’inventer de nouveaux modèles d’urbanisme végétal adaptés à chaque pays et à chaque région en fonction de leur histoire, de leur culture comme de leur climat et répondant aux besoins actuels de convivialité, de mobilité, d’habitat et d’activités.

Quelques exemples : Quantité à Milan et qualité à Melbourne

Melbourne met en place depuis 2012 une stratégie de reforestation urbaine. Son patrimoine de 70 000 arbres est sur le déclin et l’on attend une perte de 40 % d’ici vingt ans. Face aux enjeux climatiques, les autorités ont décidé de passer de 22 % d’espaces arborés à 40 % d’ici 2040 en plantant quelques 3000 à 3500 arbres par an 4. Plus que de multiplier le nombre d’arbres, il s’agit de planter les bons arbres aux bons endroits en favorisant le développement de belles couronnes susceptibles de régénérer l’air au mieux et de dispenser le maximum d’ombrage. Ce programme original et ambitieux est accompagné de mesures destinées à améliorer la biodiversité urbaine, la santé des arbres ainsi que la perméabilité des sols. Une attention particulière est apportée à la sensibilisation et à l’implication des citadins dans ce programme. Une équipe de « citadins forestiers » a été formée pour favoriser la communication avec le public.

A l’opposé de Melbourne, la réponse au défi climatique est, à Milan, un programme de plantation en nombre. En juillet 2019, le maire annonce la plantation de trois millions d’arbres d’ici 2030 pour atteindre le score de 2,5 arbres par habitant. Les plantations seront effectuées dans les zones au plus haut niveau thermique avec la participation financière des entreprises. Milan prévoit la plantation de 100 000 arbres par an pour une population de 1,4 millions d’habitants.

Un tel rythme suppose une introduction massive et immédiate d’arbres probablement adultes et plantés en bacs dans l’espace public, avec peu d’effets sur la régulation atmosphérique. A l’inverse, à Melbourne, 3 000 arbres seront plantés chaque année pour une population de 4,5 millions d’habitants : avec le temps, on peut espérer s’y promener dans les rues sous un couvert ombragé, frais et aéré.

Le programme de Melbourne semble garantir une cohabitation équilibrée entre les arbres et les habitants. De son côté, un programme de «reforestation», si séduisant soit-il avec son intention de renaturation à grande échelle, risque de s’établir sans associer la créativité qu’appelle la ville, ce creuset d’inventivité où la sensibilité de l’artiste s’associe aux compétences du jardinier pour créer du merveilleux.

L’imitation de l’exemple de Milan est actuellement le cas le plus fréquent. Chaque ville a son « plan arbre » et rivalise dans une course au nombre en faveur d’une « en forestation urbaine ». Les miniforêts « prêtes à planter » annoncées dans la ville de Paris à grand renfort de publicité sont, à ce titre, très contestables et n’auront qu’un effet limité sur les quartiers environnants. Que restera-t-il à terme de cette inflation de plantation, si tous ces arbres sont installés au mépris de leurs besoins élémentaires ?

La fièvre de plantation a contaminé la créativité des concepteurs qui rivalisent d’imagination pour signifier leur engagement pour la cause du climat urbain. Mais rares sont les projets qui s’inscrivent dans le temps du végétal et tiennent compte de ses exigences.

Prouesses et escalades : le « Bosco verticale » à Milan

Milan offre à ce titre une expérience discutable avec le « Bosco verticale », un ensemble de deux tours entièrement végétalisées conçu et réalisé par l’architecte Stefano Boeri. Reprises dans le monde entier, les images de cette forêt verticale ont connu un énorme succès. Ce projet est en cours de réalisation dans plusieurs pays. Le projet impressionne mais soulève une question d’ordre éthique. Ces façades d’immeuble proposent des volumes de développement très limités pour les couronnes des arbres, et leur imposent des bacs étroits dans lesquels il leur sera impossible de croître normalement. L’entretien d’un tel ensemble, au même titre que tous les murs végétaux, est très coûteux. Il requiert, entre autres, l’intervention régulière d’élagueurs voltigeurs pour contenir les couronnes. Rappelons qu’il existe des plantes «programmées» pour pousser à la verticale, les grimpantes et les sarmenteuses. En quelques années, elles peuvent convertir un mur en une mosaïque de feuilles et de fleurs. Les façades végétalisées sont des images à la mode, on les dit « vendeuses ». Outre une forme de maltraitance végétale, elles peuvent devenir une contrainte pour les habitants qui n’ont pas la main verte et se plaindront des moustiques ou du manque de lumière. Les arbres ne sont pas faits pour escalader les immeubles et vivre à la verticale, pas plus qu’ils ne sont faits pour flotter.

Une forêt flottante : le « Parc-archipel » à Copenhague

Le projet de « Parc archipel » à Copenhague est un autre exemple où l’effet esthétique l’emporte sur l’éthique. Il s’agit d’introduire des arbres adultes sur de petites îles flottantes et déplaçables dans le port de Copenhague. Ce projet divertissant doit être réalisé à partir de 2021. Il a déjà été couronné par deux prix internationaux de design. Coupés du sol, insérés dans des bacs étanches, les arbres naviguent au gré de la demande et des opportunités pour créer du « fun » temporaire. Dans de telles conditions, leur bon développement est impossible et leur mort prématurée assurée. Une fois de plus, ce projet véhicule une idée de l’arbre comme décor interchangeable, qui n’a d’autre choix que de se soumettre aux contraintes du projet.

Des pots partout dans la ville

Les arbres en pots qui se multiplient dans l’espace public de nos villes sont une « arnaque » 5, une autre forme d’imposture à l’esthétique et au vivant. Elever des arbres en bac comme les jardiniers de Louis XIV ont su le faire pour les orangers de Versailles nécessite du temps et du savoir-faire. De la même façon que dans l’art des bonsaïs, il faut tailler régulièrement la croissance de la couronne et celle des racines, et pour ce faire dépoter, rempoter et veiller à une bonne humidité du sol. Tels qu’ils sont plantés aujourd’hui en pots, en bacs ou en jardinières, les arbres n’ont aucune chance de se développer. Ils n’auront aucun effet sur l’atmosphère ambiante et encombreront l’espace urbain au lieu de créer de beaux espaces ombragés.

A Marseille, deux exemples proches l’un de l’autre témoignent du contraste entre cette pratique et une plantation réussie. En 2005 sont réalisées des plantations sur la place Bargemon qui a été entièrement rénovée. Une partie de cette place est une dalle sur parking : on y a disposé une cinquantaine de pots en fonte de 1,5m de hauteur, plantés d’oliviers. Quinze ans après, les arbres n’ont pas poussé, leurs couronnes chétives et clairsemées présentent tous les signes d’un lent dépérissement. On est frappé par la stérilité de ce lieu, à proximité immédiate duquel se trouve une petite esplanade qui a été plantée à la même date de cépées de savonniers (Koelreuteria paniculata). Ils forment aujourd’hui un couvert fleuri et lumineux de 12 m de hauteur. Il serait intéressant de développer ce bilan comparatif en recueillant l’avis des riverains et en établissant dans chaque cas les coûts de mise en place et d’entretien. Rien ne s’oppose à ce qu’une dalle de parking soit plantée, à condition de respecter certaines règles.

Tailles et élagages

Pour conclure ce plaidoyer en faveur des belles frondaisons, évoquons la question de l’élagage qui mériterait à elle seule de longs développements. Les élagages sont un vrai fléau en France. Ils sont devenus une habitude courante dès que la moindre gêne se présente, encombrement, ombrage ou chute des feuilles. Ils nuisent à la beauté comme à la santé des arbres 6. Une règle simple s’impose : moins on touche à un arbre, mieux il se porte.

Bien que beaucoup de villes s’engagent aujourd’hui dans d’excellents programmes de gestion arboricole, l’élagage reste beaucoup trop fréquent et le plus souvent injustifié 7. L’élagage ne fait pas de bien à l’arbre, mais le fatigue et le rend vulnérable. Le contraignant à puiser dans ses réserves pour refaire des branches ou des racines, ces interventions créent des entrées pour la pourriture et les maladies. Une taille sévère sur un arbre dépérissant ou de moindre vigueur finit de l’achever. L’élagage ne sécurise pas l’arbre mais le fragilise au contraire. La pourriture pénètrera les branches puis le tronc. En les creusant, elle altère leur résistance mécanique à l‘origine des chutes accidentelles. L’élagage, enfin, ne résout pas les problèmes d’ombrage excessif sur façades, au contraire il les renforce puisqu’après un élagage sévère, l’arbre émet une quantité de pousses qui formeront des masses de feuillage plus denses qu’auparavant.

Il reste néanmoins possible et parfois conseillé de tailler les arbres dans le cadre du suivi de leur évolution. Un minimum de précautions, de savoir-faire et de « planification-gestion » restent indispensables. Les tailles de formation sont nécessaires pour adapter l’architecture de l’arbre aux contraintes de l’espace public, pour élever la couronne à la hauteur désirée, respecter des gabarits de circulations ou surplomber des réseaux par exemple. Elles sont effectuées sur des rameaux jeunes, tous les ans en pépinière et quelques années après la plantation. Les tailles d’entretien des houppiers doivent favoriser les ports le plus libres possibles. Elles permettent d’éclaircir ou d’aérer une couronne lorsque se posent des problèmes d’ombrage, ou d’éliminer des branches abimées ou des bois morts avant leur chute au sol. Ces tailles sont du ressort de grimpeurs-élagueurs spécialisés sachant respecter la silhouette de l’arbre et éviter les coupes drastiques. Les tailles architecturées sont requises dans les environnements à caractère historique. Elles doivent être effectuées très régulièrement, parfois annuellement, et nécessitent un budget conséquent. Il est souvent difficile de ne pas céder à la peur ou au « principe de précaution » face à un arbre un peu encombrant ou trop proche d’une façade. Mais avant d’agir, au risque de fragiliser un arbre, il est préférable de réfléchir, de prendre son temps et, si nécessaire, d’avoir recours à des spécialistes 8.

Pour un nouvel art des villes avec l’arbre

Dans le contexte du changement climatique, nos sociétés ont pris acte de la nécessité de faire évoluer notre relation à la nature. En témoignent la vogue du « sauvage » chez les randonneurs et les amateurs de glisse, le développement des agricultures urbaines propres à sensibiliser les urbains sur les travers du consumérisme mondialisé et la possibilité de s’alimenter dans un cercle territorial et social proche. La vogue idéologique des « forêts urbaines » s’inscrit dans ce contexte de prise de conscience et d’alerte générale 9.

Nul doute que, par ailleurs, l’arbre n’ait largement sa place dans un urbanisme repensé. L’urbanisme de l’après-pétrole aura à recomposer l’emprise spatiale du périurbain et en particulier, à favoriser son verdissement afin que les clôtures de parcelles reprennent leurs fonctions « urbaines » combinant l’agrément pour le loisir et la préservation de la biodiversité. L’arbre a trouvé sa place dans l’urbanisme depuis le XVIIè siècle à Versailles, la première ville-parc. Sa capacité à réparer l’urbanisme des mégapoles et à inventer une ville durable reste une tâche particulièrement urgente.

  • 1 Gaston Bachelard, Gilles Hiéronimus, Poétique de l’espace, PUF, Paris 2020.

  • 2 Nous avons étudié ces thèmes dans notre ouvrage Des arbres dans la ville, réédité aux éditions Actes Sud en mars 2020.

  • 3 Référence au célèbre article de Télérama paru en février 2010.

  • 4 Programme officiel sur le site de la ville de Melbourne (EN).

  • 5 Ainsi que le dit Francis Hallé dans son ouvrage Du bon usage des arbres, un plaidoyer à l’usage des élus et des énarques, Actes Sud, Arles 2011.

  • 6 La ville de Lyon, par exemple, estime que 80% du dépérissement de son patrimoine est dû à des tailles brutales.

  • 7 De l’avis des spécialistes, il faut éviter toute coupe de branches dont le diamètre est supérieur à cinq centimètres au risque d’ouvrir la voie à la pourriture et aux agents pathogènes et d’affaiblir l’arbre. Par contre, les tailles exécutées annuellement ou tous les deux ans sur jeunes rameaux sont rapidement recouvertes d’un bourrelet cicatriciel. Elles sont pratiquées traditionnellement sur les arbres fruitiers pour favoriser la production de fruits, sur les saules pour la production d’osier ainsi que sur les arbres d’ornement dans un contexte patrimonial pour former des rideaux ou des marquises.

  • 8 Cercle de qualité en arboriculture : arboristes-sequoia.com/

Association des élagueurs-grimpeurs : www.elagueurs-grimpeurs.com/

Société française d’arboriculture : www.sfa-asso.fr/

  • 9 L’utilisation de ce terme laisse penser que l’on peut transporter la forêt dans la ville en y transplantant des sujets adultes. En ville, le milieu est artificiel, l’arbre doit y être introduit dans un esprit d’art du jardin, à l’exemple des promenadesde Paris ou des cités jardin.

Références