Rénover l’éclairage extérieur : applications de l’arrêté « nuisances lumineuses »

octobre 2021

Agence pour l’Environnement et la Maîtrise de l’Energie (ADEME)

Sujet de nombreux enjeux économiques, politiques ou encore environnementaux, l’éclairage extérieur, et notamment sa gestion dans les espaces publics, apparaît aujourd’hui comme une compétence à part entière. Depuis une quinzaine d’années, le prix du kWh d’électricité n’a cessé d’augmenter et par conséquent d’obérer le budget des collectivités qui représente chaque année en France 1 milliard d’euros. Dotés d’un parc d’éclairage vieillissant et énergivore, les territoires se sont emparés du sujet depuis plusieurs années afin de limiter les consommations et donc les dépenses énergétiques. Certains ont mis en place des programmes de rénovation cohérents et ambitieux à leur échelle ou à une échelle intercommunale. Malgré les 500 millions d’investissements annuels injectés par les collectivités pour renouveler et moderniser le parc d’éclairage public, les consommations demeurent conséquentes, les efforts menés doivent s’amplifier. L’éclairage public est aujourd’hui au cœur des attentes des citoyens, qui sont de plus en plus soucieux de la manière dont est administrée la ville, mais également de plus en plus impliqués dans la préservation de l’environnement. L’éclairage public est vecteur de nuisances lumineuses qui participent à la fragmentation des habitats naturels. Une gestion intelligente de l’éclairage est donc primordiale. Les outils technologiques permettant cette gestion existent d’ores et déjà.

Par ailleurs, de nouveaux besoins émergent dans nos territoires : vidéoprotection, bornes wifi, bornes de recharges de véhicules électriques… Les infrastructures d’éclairage sont de plus en plus sollicitées et devraient devenir à terme un des supports de mutualisation des équipements relatifs à ces nouveaux besoins.

C’est la raison pour laquelle il devient urgent d’accélérer la rénovation du réseau, et de le rendre communicant dans la perspective du développement et de l’aménagement des futurs territoires intelligents. L’éclairage public est un des acteurs majeurs de la transition écologique et un levier d’action permettant de limiter les nuisances lumineuses et les consommations énergétiques. Ce guide édité par l’ADEME devrait permettre aux lecteurs de mieux connaître le parc d’éclairage public, d’en appréhender davantage les enjeux et de devenir acteurs de sa transformation.

À télécharger : ademe-eclairage-exterieur-2021.pdf (3,9 Mio)

L’arrêté du 27 décembre 2018 est le premier règlement spécifique aux émissions de lumière artificielle des installations d’éclairage extérieur. Ces dernières, ainsi que celles des éclairages intérieurs émis volontairement vers l’extérieur, doivent désormais être conçues de manière à prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses, notamment les troubles excessifs aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, mais aussi le gaspillage énergétique et les obstacles à l’observation du ciel nocturne. Attention : l’arrêté distingue différentes catégories d’installations d’éclairage, aux- quelles sont associées des exigences bien spécifiques. Il existe également des prescriptions communes exposées ci-après. Concernant les éventuelles prescriptions d’allumage et d’extinction de l’arrêté, des dispositifs automatiques de détection de présence et d’asservissement à la lumière naturelle permettent d’y déroger. Le cas échéant, les gestionnaires d’installations d’éclairage lancent une réflexion avec les acteurs concernés sur les possibilités d’extinction. Les balisages, dont la fonction est principalement d’assurer la sécurité ou la sureté sur un cheminement mais dont le flux lumineux n’assure pas la visibilité pour circuler, sont exclus du champ de l’arrêté. Sont considérées comme étant des dispositifs de balisage, les installations dont le flux lumineux unitaire est inférieur à 100 lumens.

Du fait de l’application obligatoire de l’arrêté, ses exigences prévalent sur certaines prescriptions de la norme NF EN 13201. En revanche, pour l’éclairage des cheminements des ERP (établissements recevant du public) et des IOP (installations ouvertes au public), les exigences de l’arrêté du 20 avril 2017, relatif à l’accessibilité des personnes en situation de handicap, prévalent sur celles de l’arrêté nuisances lumineuses. L’exigence est donc de 20 lux moyens. Les installations d’éclairage ne doivent pas émettre de lumière intrusive excessive dans les logements (particulièrement gênants pour le sommeil), quelle que soit la source de cette lumière (éclairage public ou privé, vitrines, enseignes lumineuses, etc., sauf éclairage événementiel). L’éclairage direct des surfaces en eau est proscrit.

A. Éclairage des déplacements et de la voirie

Il s’agit de l’éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, des personnes et des biens et le confort des usagers sur l’espace public ou privé, en particulier la voirie. L’éclairage intégré aux véhicules, l’éclairage des tunnels, les installations d’éclairage destinées à assurer la sécurité aéronautique, ferroviaire, maritime ou fluviale ne sont pas concernés. Il n’y a pas d’exigence de temporalité (allumage / extinction) pour l’éclairage public. Seules les installations d’éclairage situées dans une zone d’activité économique, délimitée par une barrière physique, sont éteintes au plus tard une heure après la cessation de l’activité et sont rallumées à 7 h du matin au plus tôt ou une heure avant le début de l’activité si celle-ci s’exerce plus tôt. Pour ces installations, lorsque les luminaires sont commandés par des systèmes de détection de présence, il est permis d’éclairer le temps du passage des personnes. Cette dérogation n’est tolérée que pour un éclairage ponctuel, c’est-à-dire si le dispositif permet également l’extinction peu de temps après le passage des personnes.

C’est pour cette catégorie, ainsi que pour les parcs de stationnement, que l’arrêté fixe des exigences d’ULR (upward light ratio : pourcentage du flux émis au-dessus de l’horizontale) nominal des luminaires : inférieur à 1 %. L’installation d’éclairage respecte les conditions de montage recommandées par le fabricant et offre un ULR inférieur à 4 %. Les luminaires de cette catégorie qui présentent un ULR supérieur à 50 % doivent être remplacés avant janvier 2025. Les lanternes de style, qui reproduisent « un modèle présent avant 1945 et a été reconstitué à partir d’archives [ou] est protégé au titre des monuments historiques ou par le règlement d’un site patrimonial [ou] est intégré à un immeuble ou à un ensemble immobilier protégé » sont exemptées des exigences sur l’ULR jusqu’au 31.12.2023. Le code flux CIE n°3 est supérieur ou égal à 95 %. La température de couleur ne dépasse pas 3 000 K (plusieurs types de sources offrent des températures de couleur à partir de 1 800 K).

La DSFLI ne doit pas dépasser 35 lm/m² en agglomération 12 et 25 lm/m² hors agglomération.

a) la voirie en pleine évolution

Pendant les cinquante dernières années, la voiture était au cœur des déplacements en ville. Aujourd’hui, la tendance, surtout dans les métropoles, est à une urbanisation davantage orientée sur les cyclistes et les piétons. L’éclairage suit cette évolution avec des appareils d’éclairage conçus à cet effet et placés à plus faible hauteur (5 ou 6 m). Les chaussées bénéficient d’éclairages plus faibles, sauf au niveau des zones de traversée piétonnes ou d’interaction avec les pistes cyclables. L’IRC est un critère déterminant pour la qualité des ambiances, pour les piétons et les transports doux. Autre changement notoire : les arbres retrouvent leur place dans la ville, avec des ombres portées et une saisonnalité qui créent une nouvelle façon d’éclairer en volume.

b) le confort visuel

Compte tenu de ces nouvelles habitudes, en particulier des hauteurs de feu plus faibles, le contrôle de l’éblouissement est devenu primordial. Afin d’améliorer le confort visuel des usagers, les concepteurs font de plus en plus souvent appel à des accessoires comme des grilles de défilement, des optiques basse luminance, des filtres prismatiques, utilisés jusque-là principalement pour l’éclairage dans les bâtiments. Quant à l’IRC, un minimum de 80 est approprié dans les zones de convivialité.

B. Mise en lumière du patrimoine, des parcs et jardins

Il s’agit de l’éclairage de mise en lumière du patrimoine, c’est-à-dire de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. Le périmètre pris en compte pour entrer dans ce cadre est défini par les différents classements au titre du Code du patrimoine comme le classement au titre des monuments historiques. Entrent également dans le champ de ce chapitre la mise en lumière du cadre bâti, ainsi que des parcs et jardins privés et publics accessibles au public ou appartenant à des entreprises, des bailleurs sociaux ou des copropriétés. Les éclairages sont allumés au plus tôt au coucher du soleil et sont éteints au plus tard à 1 h du matin. C’est seulement pour les parcs et jardins qu’il existe des exigences de DSFLI : elle ne doit pas dépasser 25 lm/m² en agglomération et 10 lm/m² hors agglomération. Il n’y a aucune exigence pour les autres bâtiments ou espaces de cette catégorie.

a) la mise en lumière du patrimoine

L’éclairage architectural a également évolué vers des puissances beaucoup moins fortes, grâce aux nouvelles technologies qui permettent de mieux maîtriser l’équilibre des contrastes, allant vers plus de sobriété et laissant de côté les gros projecteurs de 400 W au profit de luminaires miniaturisés. Ainsi, il est devenu facile de révéler les détails architecturaux des façades en plaçant les appareils sur celles-ci sans qu’ils soient visibles directement par les usagers. De plus, on éclaire beaucoup moins en contre-plongée mais en plongée, ce qui permet de limiter les flux vers le ciel.

La couleur peut aussi être plus facilement utilisée sans pour autant écraser le bâtiment, offrant des possibilités d’éclairage dynamique variées, et ouvrant aussi le champ artistique grâce à la gradation. Ces outils permettent de mettre en place plusieurs intentions qui donnent à voir d’autres facettes des monuments, à des coûts raisonnables. Le travail de conception lumière s’apparente de plus en plus au dessin via la vidéo et le « mapping ».

b) les parcs et jardins

Dans ces espaces, la tendance est un peu inversée, la couleur bleue étant plutôt à proscrire car très gênante pour les animaux nocturnes. Grâce aux technologies et systèmes disponibles, il est possible d’associer le beau et le sobre sans tomber dans une approche trop fonctionnaliste ni chercher la performance muséale dans les espaces publics. Il faut privilégier la détection de présence et un éclairage adapté en le limitant à quelques zones de circulation de piétons.

C. Équipements sportifs

Entrent dans ce champ les équipements sportifs de plein air ou découvrables (stades dont la toiture est modulable). Si l’arrêté ne donne pas d’obligations particulières pour les équipements sportifs à proprement parler, les parcs de stationnement annexés à un équipement sportif doivent respecter les obligations applicables aux parcs de stationnement et détaillés ci-après (voir paragraphe E : Parcs de stationnement).

D. Bâtiments non résidentiels

Il s’agit de l’illumination extérieure et de l’éclairage intérieur de ces bâtiments (hors gares de péage). Les installations d’éclairage des voies d’accès à ces bâtiments doivent se conformer aux exigences relatives à l’éclairage des déplacements (voir p.14). La température de couleur des illuminations extérieures et de l’éclairage intérieur émis délibérément vers l’extérieur ne dépasse pas 3 000 K. Pour l’illumination des bâtiments, la DSFLI ne doit pas dépasser 25 lm/m² en agglomération et 20 lm/m² hors agglomération.

S’agissant de façades, c’est la surface verticale éclairée qui doit être considérée. L’éclairage intérieur des locaux doit être éteint une heure après la fin de l’activité. Les éclairages de vitrines de magasins de commerce ou d’exposition peuvent rester allumés jusqu’à 1 h du matin et doivent être éteints une heure après la fin de l’activité. Ils peuvent être rallumés une heure avant le début d’activité le matin.

Ces prescriptions temporelles sont atteintes normalement dans le cas de la majorité des bâtiments dont l’éclairage est rénové depuis janvier 2018, car l’arrêté du 3 mai 2007, modifié en mars 2017, impose, lors de ces rénovations, la mise en œuvre de dispositifs automatiques permettant l’abaissement ou l’extinction de l’éclairage si le local est inoccupé, associé à la gradation automatique de l’éclairage artificiel en fonction des apports de lumière du jour.

E. Parcs de stationnement

Il s’agit de l’éclairage des parcs de stationnements non couverts ou semi-couverts, privés ou publics. Les balisages, dont la fonction est principalement d’assurer la sécurité ou la sûreté sur un cheminement mais dont le flux lumineux n’assure pas la visibilité pour circuler, sont exclus du champ de l’arrêté.

Sont considérées comme étant des dispositifs de balisage, les installations dont le flux lumineux unitaire est inférieur à 100 lumens. Il n’y a pas d’exigence d’allumage et d’extinction pour les parkings publics. En revanche, les installations d’éclairage des parcs de stationnement d’une zone d’activité économique sont allumées au plus tôt au coucher du soleil et sont éteints deux heures après la cessation de l’activité. Ces éclairages peuvent être rallumés à 7 h du matin au plus tôt ou une heure avant le début de l’activité si celle-ci s’exerce plus tôt.

Toutefois, lorsque les installations d’éclairage sont couplées à des dispositifs de détection, l’arrêté permet à ces installations d’éclairer le temps du passage des personnes. Cette dérogation n’est tolérée que pour un éclairage ponctuel, c’est-à- dire si le dispositif permet également l’extinction peu de temps après le passage des personnes. L’ULR nominal des luminaires est inférieur à 1 %. L’installation d’éclairage respecte les conditions de montage recommandées par le fabricant et assure un ULR inférieur à 4 %. Comme pour l’éclairage des déplacements, les lanternes de style sont exemptées des exigences sur l’ULR jusqu’au 31 décembre 2023, et les luminaires qui présentent un ULR supérieur à 50 % sont remplacés avant janvier 2025. Le code flux CIE n°3 est supérieur ou égal à 95 %. La température de couleur ne dépasse pas 3 000 K. La DSFLI ne doit pas dépasser 25 lm/m² en agglomération et 20 lm/m² hors agglomération. Pour les parcs de stationnement semi-couverts, les exigences d’ULR, de température de couleur, de code flux CIE et de DSFLI ne s’appliquent qu’aux niveaux du bâtiment qui ne sont pas couverts. Les niveaux couverts doivent se conformer aux exigences des bâtiments non résidentiels.

F. Événementiel

L’événementiel extérieur est constitué d’installations lumineuses temporaires utilisées à l’occasion d’une manifestation artistique, culturelle, commerciale, sportive ou de loisirs. Compte tenu de l’aspect éphémère de l’événementiel, il n’est pas fixé de condition de temporalité ni de prescriptions techniques à l’exception de l’interdiction de la lumière intrusive dans les logements. Il n’y a aucune limitation de température de couleur.

G. Chantiers

Les prescriptions s’appliquant aux chantiers sont les suivantes : allumage, au plus tôt au coucher du soleil ; extinction, au plus tard une heure après cessation de l’activité.

H. Espaces protégés

Dans ces espaces (réserves naturelles, parcs nationaux, parcs naturels, sites d’observation astronomique), le préfet peut renforcer les prescriptions en fixant des obligations plus contraignantes, aussi bien pour la temporalité que pour les prescriptions techniques, après avoir pris l’avis des parties prenantes. Dans le périmètre des cœurs de parcs nationaux, les températures de couleur maximales de l’éclairage sont de 2 700 K en agglomération et de 2 400 K hors agglomération. Les 56 territoires labellisés « Parcs naturels régionaux » abritent de nombreuses espèces végétales et animales (l’Inventaire national du patrimoine naturel mentionne environ 183 000 espèces présentes en France) et ont pour vocation d’asseoir un développement économique et social du territoire, tout en préservant et valorisant le patrimoine naturel, culturel et paysager. Ils veillent notamment à limiter les nuisances lumineuses. Certains ont reçu le label « réserve internationale de ciel étoilé » (RICE) attribué par l’Association internationale Dark Sky (IDA).

Il existe trois RICE en France :

Dans le périmètre des sites d’observation astronomique, les prescriptions techniques de DSFLI, définies pour la zone hors agglomération, s’appliquent. Les parcs naturels aident les communes à réduire les nuisances lumineuses en les accompagnant dans la rénovation de leur éclairage public : par exemple, via des conférences pour expliquer les normes et les textes règlementaires (arrêté du 27 décembre 2018 notamment) et les règles de l’art (éviter le halo lumineux, définir la température de couleur, l’éblouissement, etc.), et via des sorties nocturnes qui permettent de découvrir la faune et la flore existantes. Associés aux autres acteurs, dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire, ils peuvent accompagner la rénovation de l’éclairage public, expliquer le projet d’éclairage et les conseiller pour trouver les financements nécessaires.

Références

En savoir plus

bibliographie

  • Dépenses énergétiques des collectivités locales, ADEME, Caisse des Dépôts, FNCCR, AITF, CEP. 2019.

  • Guide de l’élu local et intercommunal. Éclairage public. FNCCR. 2021.

  • Publications de l’Association française de l’éclairage relatives à l’éclairage extérieur.

  • Trame noire - Méthodes d’élaboration et outils pour sa mise en œuvre, par Romain Sordello, Fabien Paquier et Aurélien Daloz. Publié par l’Office français de la biodiversité, mars 2021.

  • Annexe SSL : Solid State Lighting, Association internationale de l’énergie.

  • Les défis de l’éclairage public, par Roger Narboni, Concepto, et Fanny Guerard, responsable éclairage public, smart city et environnement, ville d’Asnières-sur-Seine. Territorial Éditions. 2021.