Action de prévention des expulsions précoce en Savoie (PREPEX)

Bilan de la 1ère année de mise en place du dispositif

ADIL Savoie, juin 2022

En 2018, il a été décidé lors de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) Départementale d’insérer les coordonnées de l’ADIL 73 dans les courriers envoyés par l’Etat aux locataires et aux propriétaires au stade du commandement de payer et de l’assignation en résiliation de bail.

Cette orientation vers les services de l’ADIL 73 avait permis de recevoir, d’informer et d’orienter une cinquantaine de ménages par an, aussi bien des locataires que des propriétaires bailleurs à tous les stades de la procédure.

Forte de son expérience, l’ADIL 73 a décidé de renforcer en 2021 son action en lien avec ses partenaires.

Ce bilan porte sur la première année de mise en place du dispositif, soit sur les dossiers transmis à l’ADIL jusqu’au 30 juin 2022.

À télécharger : bilan_1ere_annee_prepex-vf-2.pdf (1,7 Mio)

Contexte territorial

La Savoie se caractérise par une partie est montagneuse et peu peuplée et une partie ouest urbanisée où se concentre majoritairement la population.

Elle bénéficie d’un marché du travail dynamique, en lien notamment avec les activités liées au tourisme (sports d’hiver à l’est et tourisme balnéaire à l’ouest), qui représentent 15 % de l’emploi sur le territoire, contre 4 % pour la France métropolitaine. Cette part monte même jusqu’à 39 % à l’est du département. Le taux de chômage de la Région est ainsi plus faible que la moyenne nationale (7 % en 2015 contre 9 % en France métropolitaine) et la pauvreté y est plus limitée.

Néanmoins, les conditions d’emploi sont marquées par une précarité liée notamment à la saisonnalité des activités. 16 % des salarié.e.s du département sont ainsi en contrat à durée déterminée alors qu’ils sont moins de 10 % en France métropolitaine. Du fait de leur saisonnalité, les emplois liés au tourisme ne permettent par ailleurs pas toujours à ceux qui les exercent de bénéficier de ressources suffisantes, même lorsqu’ils sont exercés à temps complet.

La Savoie est d’autre part marquée par la désindustrialisation , même si elle a mieux résisté que le reste du territoire métropolitain (respectivement moins 32 % et moins 48 % entre 1975 et 2015). Enfin, l’activité agricole présente sur son territoire mise avant tout sur la qualité – notamment ce qui concerne les fromages et vins d’origine contrôlée.

Contexte de mise en œuvre de la mission

Les expulsions locatives s’inscrivent dans le cadre d’une procédure judiciaire, allant du commandement de payer au commandement de quitter les lieux, si besoin avec le concours de la force publique, en passant par l’assignation à comparaître devant le juge. En 2017, dans le cadre du premier plan interministériel de prévention des expulsions, les ADIL ont été identifiées comme des structures clé pour agir en prévention et limiter ainsi les expulsions, notamment au stade du concours de la force publique.

En 2018, les coordonnées de l’ADIL ont ainsi été intégrées dans les courriers envoyés par l’Etat aux locataires et aux propriétaires aux stades précoces du commandement de payer et de l’assignation. Une cinquantaine de ménages par an étaient alors accompagnés par l’ADIL dans ce cadre.

En 2021, cette action a été renforcée afin de recevoir un nombre plus important de ménages au stade du commandement de payer et agir ainsi plus encore en prévention. Pour ce faire, l’ADIL :

Cette action couvre l’intégralité du Département de la Savoie et porte uniquement sur le parc privé. Elle bénéficie de 2 cofinancements :

La transmission des commandements de payer à l’ADIL 73 s’est faite de manière progressive, pendant la phase de préparation de l’action. L’action est entrée dans sa phase pleinement opérationnelle depuis décembre 2021

Déroulé de l’action

Modalités de contact des ménages

L’ADIL a été destinataire de 271 commandements de payer visant des ménages locataires du parc privé entre le 01/07/2021 et le 30/06/2022 :

L’Etat envoie un premier courrier aux locataires et aux propriétaires concernés par un commandement de payer. 3 % seulement de ces ménages ont contacté l’ADIL à la suite de ce courrier. L’ADIL a transmis un courrier à chacun des autres ménages ne l’ayant pas contactée afin de leur proposer un rendez-vous personnalisé.

Le téléphone reste largement privilégié, à hauteur de 63 %, pour contacter l’ADIL 73 suite à la réception du courrier (20 % prennent rendez-vous et 17 % envoient un email).

L’accompagnement réalisé par l’ADIL

Sur l’ensemble du département, ce sont 35 ménages qui ont été accompagnés par une conseillère juriste de l’ADIL au cours de la première année, soit 13 % des ménages, pour un objectif de 20 %.

Sur ces 35 ménages accompagnés :

L’action d’aller vers conduite par l’ADIL permet donc de multiplier par près de 6 le nombre de ménages accompagnés.

Ces rendez-vous ont donné lieu à la réalisation de 20 diagnostics juridiques et financiers.

Les ménages ont par ailleurs pu bénéficier d’un accompagnement pour apurer leur dette en lien avec leur propriétaire et/ou être orientés vers d’autres partenaires. Le partenaire vers lequel les ménages sont le plus souvent orientés sont les services départementaux, pour près d’un ménage sur deux.

Dans 5 situations (14 % des dossiers) dont 4 sur Grand Chambéry (20 % des dossiers), une démarche visant à contester la dette ou une partie de la dette a été préconisée par la conseillère-juriste de l’ADIL avec des montants variant de 300 € à 9 500 €.

Profil des ménages accompagnés

Dans 63 % des cas, les propriétaires-bailleurs sont des personnes physiques (67 % des cas pour Grand Chambéry). Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, une grande majorité sont des SCI.

Le profil des locataires est assez varié et comprend :

La situation professionnelle des locataires est elle aussi variée, 44 % sont salariés (40 % sur Grand Chambéry) tandis que 24 % sont demandeurs d’emploi (contre 40 % sur Grand Chambéry).

Montant de la dette et dispersion

Le montant moyen de la dette des ménages accompagnés est de 3 650 € à l’échelle de la Savoie et de 3 840 € sur Grand Chambéry.

L’origine de la dette a des causes multiples, néanmoins les accidents de vie sont souvent mis en avant par les locataires pour expliquer les difficultés à payer leur loyer :

Enseignements et préconisations

1. La mise en route de l’action PREPEX a nécessité une mise en place progressive avec un temps de calage de près de 5 mois entre juillet et novembre 2021 et un temps important investi notamment sur :

2. Après un an de fonctionnement du dispositif, les résultats sont en-dessous des objectifs puisque 13 % des ménages ont été accompagnés pour un objectif de 20 %. Néanmoins, le taux d’accompagnement de l’ADIL des locataires du privé au stade du CDP était auparavant de 9 %.

Ainsi, même si les résultats ne sont pas atteints, l’action PREPEX a permis de capter davantage de locataires qu’auparavant. Les résultats plus encourageants du premier semestre 2022, où le taux d’accompagnement est de 13,5 % contre 11 % au deuxième semestre 2021, indiquent que le dispositif PREPEX est en train de monter en puissance.

3. Il existe des disparités importantes entre le Grand Chambéry et le reste du territoire de la Savoie. Le taux d’accompagnement des ménages est de 22 % sur le Grand Chambéry contre un peu plus de 8 % sur le reste du département.

L’hétérogénéité des politiques d’aller-vers portées par les maisons sociales départementales (MSD) pourrait en partie expliquer ce différentiel puisque depuis la mise en place de l’action PREPEX, la MSD de Chambéry ne contacte plus les locataires en CDP qui ne sont pas déjà suivis par ses services contrairement à la plupart des autres MSD du Département.

4. Le délai moyen de 51 jours entre la délivrance du CDP et le 1er RDV avec un juriste de l’ADIL est élevé. 61 jours après avoir délivré un CDP, le propriétaire peut assigner le locataire si la dette n’a pas été apurée. Cet écart moyen de 10 jours ne semble pas suffisant pour mettre en place des actions précoces de prévention des expulsions.

Une réflexion pourrait être menée pour tenter de raccourcir ces délais. Il pourrait notamment être envisagé que :

  • L’Etat transmette plus rapidement les CDP à l’ADIL 73

  • L’ADIL 73 envoie plus précocement son courrier à l’attention des locataires

Il pourrait également être envisagé de renforcer l’aller-vers, notamment par un contact téléphonique afin d’inciter les ménages à prendre rendez-vous.

5. L’accompagnement des locataires par les conseillères-juristes de l’ADIL a pris des formes différentes en fonction des situations des ménages. Cette hétérogénéité des accompagnements témoigne de la diversité des locataires en situation d’impayés et notamment de leur capacité à apurer leur dette par eux-mêmes.

Au vu de cette diversité de situations, l’ADIL semble être une excellente porte d’entrée pour réaliser un diagnostic global de leur situation et les orienter si besoin vers les partenaires les plus à même de les accompagner dans la résolution de leurs difficultés.

Ce rôle de « porte d’entrée » se justifie d’autant plus face au constat qu’un tiers des locataires accompagnés sont en litige avec leur propriétaire, que ce soit pour des questions liées à des travaux non réalisés ou à des contestations concernant le paiement du loyer ou des charges. La problématique sociale n’est donc pas la raison principale ou unique du non-paiement des loyers.

6. La transmission d’informations entre partenaires de la CCAPEX suite au rendez-vous avec les locataires gagnerait à être mieux formalisée. Pour l’instant, seule la liste des ménages accompagnés par l’ADIL73 est envoyée régulièrement aux secrétariats des MSD comme convenu avec le Département.

  • Les diagnostics juridiques et financiers pourraient être transmis aux secrétariats de la CCAPEX par l’ADIL73, en tant qu’instance centralisatrice des informations.

  • Ces informations pourraient participer à alimenter les DSF et les dossiers des locataires lorsqu’ils sont étudiés en amont des CCAPEX.

7. L’efficacité des accompagnements est difficile à mesurer. Les sources d’informations sur le devenir de la dette proviennent : soit du locataire notamment lorsqu’il parvient à régler sa dette, mais il ne contacte pas toujours l’ADIL dans ce cas-là ; soit des services de l’Etat qui envoient de manière régulière les actes de procédures à l’ADIL.

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