L’Epicerie Locale d’Initiative Solidaire (ELIS)

Une connexion de moyens financiers, humains et de solidarité à Roubaix

Pascale Thys, septembre 2001

Habitat et Participation ASBL

Cette fiche présente la mise en place d’une épicerie solidaire, rencontre entre des compétences techniques et la volonté d’une habitante. Le but de ce lieu est de promouvoir la solidarité entre les habitants d’un quartier et de créer du lien social, tout en répondant aux besoins alimentaires des habitants les plus défavorisés.

Cette fiche a été réalisée avec le concours du Comité de Quartier Fresnoy-Mackellerie à Roubaix en France et de Marie Leman, animatrice du Projet Local.

Contexte

Depuis quelques années, le Comité de quartier du Fresnoy Mackellerie (Roubaix), comme d’autres partenaires de quartier, a fait le constat, relayé par la ville, d’une augmentation de la précarité d’une frange importante de la population et d’un désinvestissement des habitants dans la vie de leur quartier et de leur cité. « Ainsi sommes-nous forcés de reconnaître que bien souvent nous ne rassemblons que quelques dizaines d’habitants sur quelques milliers et que tout un pan de la population ne connaît pas le comité de quartier ou ne s’y retrouve pas forcément par rapport à ses préoccupations premières. Or notre légitimité repose sur la participation effective du plus grand nombre d’habitants dans nos activités et sur la prise de responsabilité d’habitants citoyens dans des projets et actions concrètes ».

Mais un individu ne peut vraisemblablement adopter une conception collective et une démarche de projet qu’avec un minimum social vital en ce qui concerne le logement, l’alimentation, la santé, l’éducation, la reconnaissance sociale, … Comment militer le ventre vide ? Face à ce bilan, les membres du Comité ont voulu recréer des espaces d’échanges et de remobilisation pour la défense des droits des habitants et pour donner, aux personnes les plus éloignées, les moyens de pouvoir maîtriser au moins un peu et collectivement leur vie et celle de leur cité : pour que du statut de sous-citoyen dans lequel ils sont trop souvent cantonnés ils accèdent au statut de citoyen-acteur reconnu.

Origines du projet

Une habitante du quartier, ayant lu un article sur une épicerie solidaire dans la région parisienne, alla trouver son référent RMI1 afin de pouvoir construire sur Roubaix une telle structure. Ce dernier lui indique le chemin du Comité de quartier.

L’habitante du quartier a demandé une aide technique pour monter un projet d’Épicerie Solidaire. Son projet était motivé par le fait que, connaissant d’importante difficultés financières, elle n’arrivait pas à franchir les portes des aides traditionnelles type Resto du cœur ou Amitié Partage. Elle a créé son propre emploi.

Les débuts ont connu quelques problèmes : difficulté pour trouver un local, réticence des commerçants, … L’épicerie a démarré avec très peu de moyens humains et matériel. Ce qui a permis d’intégrer tout de suite les usagers, de s’entraider, d’échanger des savoirs et savoirs-faire, …

La naissance d’ELIS c’est la rencontre entre des compétences techniques et la volonté d’une habitante-militante acharnée. L’épicerie s’est ouverte en mai 2000.

Objectifs du projet

ELIS est :

ELIS favorise l’émergence de pratiques innovantes, pour promouvoir d’autres manières de créer et de distribuer les richesses, favorise de nouvelles formes d’échanges et de solidarités qui participent à la lutte contre l’individualisme et le repli sur soi et permet la réinsertion des usagers.

Population concernée et groupe cible

Les habitants du quartier ouest de Roubaix (Epeule, Alouette, Trichon et Fresnoy-Mackellerie) sont les usagers concernés. En priorité tout bénéficiaire du RMI (revenu minimum d’insertion) puis toutes personnes ayant l’API, l’ASS, l’AAH, l’AUD (aides sociales diverses), des tickets service du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS), les chômeurs, retraités, étudiants sans ressources, salariés, personnes surendettées.

Il y a 180 adhérents (580 personnes en comptant les membres de chaque famille) dont 46% ont « un reste à vivre » (revenus moins l’ensemble des charges y compris taxe TV, assurance voiture, téléphone, dettes, etc.) inférieur 30FF (seuil de pauvreté fixé par l’OMS2) par jour et par personne et l’on compte 80 RMIstes.

Montage financier

Montage légal

Activité du Comité de Quartier (association loi 1901).

Partenaires du projet

Les fournisseurs

Relais et conseiller technique

De proximité :

Les deux centres sociaux du quartier, le Comité de quartier voisin et l’ensemble des associations du quartier (Union des commerçants, Ferme aux loisirs). Ces associations sont dans la construction et l’évolution du projet.

Institutionnel :

Le CCAS (Centre communal d’action sociale) : partenariat avec les référents RMI ou autres travailleurs sociaux qui participent au Comité de pilotage

La DGAS (Direction générale de l’action santé): organisation d’animation au sein de l’épicerie, donation de matériel

Déroulement du projet

Le principe d’ELIS est basé sur l’approvisionnement auprès des entreprises agroalimentaires, et d’un réseau d’Épiceries solidaires. Les produits proposés ne sont pas commercialisables dans le circuit classique pour des raisons techniques (emballage ou étiquettes défectueux) ou proviennent de dons issus de stock, mais leur qualité reste conforme à la marque.

Le plafond des ressources a été fixé à maximum 45 FF (270Fbs) par jour et par personne de « reste à vivre ».

En fonction du « reste à vivre » est fixé un panier. C’est un montant maximum de la somme mensuelle à pouvoir dépenser au sein de l’épicerie. Cela représente le complément entre le reste à vivre et le plafond de revenu de 45 FF. Ce panier est révisé tous les 3 mois.

L’inscription se fait auprès d’une référente sociale, sous présentation des justificatifs des ressources et revenus. A ce moment, le futur usager signe un contrat où il s’engage à respecter l’éthique d’ELIS (solidarité-qualité-respect – viser à la progression de la participation et l’expression des habitants et notamment les plus exclus, de la qualité du cadre de vie, de l’environnement et de l’accès aux besoins vitaux) et à participer à la vie de la structure. C’est un engagement symbolique car aucune activité n’est obligatoire. La mobilisation des usagers se fait naturellement et progressivement par l’intermédiaire des habitants leader, repérés par rue qui font relais et qui emmènent dans la dynamique un voisin ou un ami.

L’épicerie possède une centaine de références de produits secs et d’hygiène et des produits frais. Elle livre aujourd’hui de plus petites épiceries démarrant leur projet.

4 bénévoles ont été embauchés au sein de l’épicerie. Et 6 personnes ont été engagées par d’autres structures (associative ou entreprise) grâce au travail en partenariat.

Perspectives d’avenir

Un chantier école se met en place (encadrement financé par le Partenariat Régionau d’Innovation (PRI) autour de trois pôles :

Vous pouvez consulter la fiche proposition qui analyse la situation en région Wallonne en tirant les apprentissages du cas de l’ELIS

1 Personne encadrant et suivant le parcours socioprofessionnel d’un(e) bénéficiaire du Revenu Minimum d’Insertion (équivalent du Minimex belge).

2 Organisation Mondiale de la Santé

Références

Thys C. 2001. « Alimentation, droits et citoyenneté », In Territoires, n°414, janvier. pp.31-34

FPH. 1994. « Entreprendre en milieu défavorisé », In Dossier à fenêtre, n°66, Paris, 4-5 octobre

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