Villes et développement durable : des expériences franciliennes à échanger

Ina Ranson, Nathalie HOLEC, 1999

Cette fiche présente 4 expériences franciliennes en faveur d’un développement territorial durable et mises en oeuvre dans les années 1990-2000. Les expériences hétérogènes explicitées s’intéressent à :

  • La reconversion des anciens bastions industriels de la Seine-Saint-Denis : Montreuil : retrouver le patrimoine et la solidarité écologique et sociale

  • La réhabilitation urbaine des quartiers en déshérence : Le projet urbain de la Plaine Saint-Denis

  • La coopération entre collectivités par le biais des intercommunalités et du transfert de compétences : Création d’un syndicat intercommunal à Arcueil, Cachan, Fresnes, L’Hay-les-Roses

  • La problématique de la jeunesse : L’Observatoire de la ville d’Ivry-sur-Seine. L’éducation à la ville et à la citoyenneté

Montreuil : retrouver le patrimoine et la solidarité écologique et sociale

Montreuil, 3e ville de l’Ile de France (95 000 habitants) a une longue expérience d’intégrer des minorités ethniques, des Italiens, des Polonais, des Espagnols, des Maliens… 24 % de la population actuelle sont des immigrés (chiffres de l’INSEE en 1990).

L’urbanisation de cet ancien village à la frontière de Paris est le fruit de la rencontre d’une population ouvrière et d’une tradition horticole très spécifique : la culture des pêches en espalier, le long de murs blanchis à la chaux pour absorber le rayonnement solaire. Il subsiste encore des vestiges de ce patrimoine original dont on redécouvre actuellement la valeur. L’habitat a été construit dans les parcelles rectangulaires bordées de ces murs, surtout dans le centre-ville et le Haut Montreuil, ce qui a favorisé la mixité sociale. Elle s’accompagne, dans les quartiers du centre-ville, d’une exceptionnelle mixité d’usages : activités/ habitat/ commerces. Dans un contexte de crise économique, cette mixité est un atout qu’il s’agit de préserver. La municipalité s’attache à réhabiliter le bâti, en gardant les témoignages de l’architecture industrielle et les vestiges de la tradition horticole. Elle s’efforce à reconvertir des vieilles industries notamment en attirant des activités de pointe dans les filières de l’image et de l’informatique. Mais elle s’est donné un objectif qui va bien plus loin : améliorer l’environnement urbain dans une gestion économe, écologique et solidaire du territoire.

Les outils : un contrat de ville et une charte de l’environnement

En 1994 a été élaborée la première charte de l’environnement, en cohérence avec un contrat de ville signé peu avant. Soulignant qu’il s’agit de trouver des voies de sortie d’une « triple crise des relations et de l’échange entre les sociétés, entre les hommes au sein de chaque société, et enfin entre les hommes et leur milieu de vie », la charte s’inscrit tout à fait dans la perspective du développement durable. La municipalité s’engage dans un projet pour la ville à la fois social et écologique et insiste sur la démarche participative qui associera tous les citoyens qui le désirent à l’aménagement de leur cadre de vie, à la lutte contre les gaspillages et les pollutions.

La préservation et l’amélioration du cadre de vie exige des mesures à appliquer sur le court, moyen, et long terme. Il importe d’orienter toutes les décisions en prenant en compte les projets futurs.

Réalisations concrètes et projets à plus long terme

Dans un premier temps, la municipalité s’est efforcée à aménager d’importants nouveaux espaces verts, à revaloriser des micro espaces et à requalifier des terrains en friche. Elle a créé des jardins familiaux dans une zone où subsistent encore de nombreux murs de pêches ; des études pour une revalorisation plus importante sont en cours. A long terme, la ville prévoit de relier les espaces verts entre eux par des axes qui constitueront une « trame verte ». D’autres études ont été faites en vue d’une meilleure gestion des eaux pluviales.

L’amélioration du cadre de vie exige des mesures qui dissuadent de recourir à la voiture individuelle. La municipalité propose, ensemble avec les communes voisines, un schéma de transports publics cohérent : prolongement de deux lignes de métro parisiens ; détournement de la circulation de transit du centre-ville par l’aménagement d’avenues paysagères de contournement ; multiplication de « zones trente » où les chaussées piétons et véhicules ne sont plus différenciés ; usage de la voiture électrique ; aménagement de pistes cyclables et de garages à vélos près des transports en commun ; transformation d’un ex-tronçon d’autoroute en avenue paysagère, accueillant le prolongement d’une liaison tramway avec les villes voisines.

Dans le domaine de la gestion des déchets, la municipalité a réalisé une déchetterie et introduit la collecte sélective sur la ville entière. A moyen terme elle envisage, en coopération avec les communes limitrophes, la valorisation des matières putrescibles et également la valorisation des déchets toxiques et industriels (projet d’une « écopole » : d’un regroupement contrôlé d’entreprises classées).

Conformément à la charte qui souligne qu’« il faut développer le sens civique de chacun, ainsi que le sens de la solidarité » un très important effort est fait pour la communication en particulier en direction des jeunes et des enfants, dans les institutions scolaires. Est aussi prévue la mise en place d’une maison de l’environnement équipée d’une bibliothèque et d’ordinateurs et où seront réunis tous les services de l’environnement.

Les structures de « co-élaboration »

Dès 1992, la municipalité avait mis en place une direction de l’environnement et une mission d’environnement dont la fonction est de prendre en compte la préoccupation de l’environnement dans tous les projets municipaux, de développer la transversalité dans l’action locale et de conduire l’action de sensibilisation auprès de la population et du personnel communal.

Le comité de pilotage de la charte de l’environnement est présidé par le député-maire et composé de représentants du ministère de l’Environnement, de la DIREN, de la Préfecture, d’élus et de techniciens de la ville et de représentants d’associations montreuilloises. Les engagements pris sont le fruit de la réflexion du comité de pilotage. Les actions retenues sont subventionnées par l’Etat à 50 % lorsqu’il s’agit d’études et à 30 % lorsqu’il s’agit d’investissements.

Le Conseil local de l’environnement (CLE) a été créé pour pérenniser le travail du comité de pilotage. Il a permis de réunir un plus grand nombre d’associations et d’acteurs divers pour participer à la « co-élaboration » (selon une terminologie propre à la ville).

Des groupes de travail sur des sujets précis (par exemple déchets et tri sélectif, énergie et pollution, murs à pêches, transports) sont ouverts aux associations du CLE mais également aux associations de quartiers. Habitants, élus et techniciens concernés par le sujet y travaillent étroitement ensemble.

Priorités actuelles

L’évaluation en 1997 a permis de définir de nouvelles priorités pour la prolongation de la charte en 1998 :

Le projet urbain de la Plaine Saint-Denis

Les villes de Saint-Denis et d’Aubervilliers ont décidé de se lancer d’un commun accord dans la reconquête d’un ancien site de tradition industrielle de 780 hectares, la Plaine Saint-Denis, dégradé et morcelé par la présence de nombreuses friches et d’infrastructures de transport, dévalorisé sur le plan de l’habitat et caractérisé par des équipements vétustes. Un vaste programme de réaménagement de la zone a donc été arrêté avec pour objectif de favoriser la mixité des fonctions urbaines, d’intégrer ce territoire à la ville et d’offrir un lieu de travail et de vie agréable aux habitants.

Un territoire dégradé marqué par son passé industriel

La Plaine Saint-Denis est un territoire intercommunal de 780 hectares qui s’est urbanisé au XIXème siècle. Les industries textiles, chimiques, métallurgiques, électriques et de production de gaz et d’électricité se sont implantées sur ce territoire limitrophe de Paris, du fait de sa desserte par le réseau ferré, de la présence du canal Saint-Denis et de la Seine. Le site est traversé par l’avenue du Président Wilson, l’autoroute A86 et bordé par le boulevard périphérique de Paris au Sud.

Le territoire constitué en partie de grandes friches et de bâtiments vétustes donne à voir un paysage dégradé doté néanmoins de fortes potentialités. A côté d’un noyau stable mais réduit de grandes entreprises, des PME s’installent, ferment ou déménagent à un rythme plus élevé qu’ailleurs. L’habitat est antérieur à 1948 et constitué essentiellement d’immeubles collectifs le long des quelques axes principaux et de poches dispersées dans les interstices du tissu industriel. La présence de l’autoroute A1 a dégradé la qualité de vie et conduit à une dévalorisation de cet habitat. Les équipements, plutôt anciens, font l’objet d’une demande croissante de la population.

Le projet urbain tel qu’il est conçu par les deux villes a pour ambition de recomposer le territoire mais à partir de l’existant. L’objectif est de défendre, dans cette reconquête, la mixité des fonctions urbaines. Il s’agit d’offrir aux habitants actuels et futurs de la zone des emplois, des logements et des équipements et de faire de la Plaine Saint-Denis une zone cohérente de vie où prime la qualité des espaces publics et des paysages. A terme, les deux communes se sont données pour but d’accueillir sur le site 100 000 occupants dont 2/3 de salariés et 1/3 de résidents contre moins de 60 000 actuellement. D’un point de vue économique, l’objectif est de parvenir à développer une nouvelle génération d’entreprises industrielles, d’attirer des activités de pointe et de nouer un véritable partenariat avec ces entreprises afin de les encourager à respecter les principes du développement durable dans leur installation et leur fonctionnement. Le projet de développement du territoire s’inscrit dans le long terme et repose sur la participation des habitants et des associations. Des réunions de quartier, des Assises de la Plaine Saint-Denis (présentation des projets de restructuration du site) et une rencontre sur le développement durable réunissant habitants, élus et associations ont été organisés dans ce sens.

La première étape du projet a consisté à créer en 1985 un Syndicat Mixte, la Plaine Renaissance, regroupant les deux communes, celle de Saint-Ouen, associée au départ au projet, et le Conseil général. Ce travail en partenariat a abouti en 1990 à l’approbation commune d’une Charte Intercommunale pour le Développement et l’Aménagement de la Plaine Saint-Denis définissant les objectifs et les moyens nécessaires à la revitalisation économique et urbaine du site. Sur cette base, Saint-Denis et Aubervilliers ont décidé d’élaborer un Projet urbain définissant les principes d’organisation urbaine permettant au territoire de devenir un véritable pôle d’accueil d’activités, de logements et d’équipements. Une Société d’Economie Mixte, la SEM Plaine Développement, et un groupement d’intérêt économique, Hippodamos 93, composé d’un paysagiste, d’architectes et d’urbanistes ont alors été créés pour concevoir le projet et assurer sa maîtrise d’ouvrage.

Un réaménagement basé sur la mixité des fonctions urbaines et la qualité des espaces publics

La recomposition urbaine et l’aménagement du territoire reposent sur un grand nombre d’opérations : la couverture de l’autoroute A1 et la réorganisation en surface de l’avenue du Président Wilson (opérations achevées), la reconquête du canal Saint-Denis, la réalisation d’un parc urbain multi-sites lié au canal, la création d’un espace cœur de Plaine appelé " Plaine de la Plaine " reposant sur l’aménagement d’importants espaces publics avec passage en site propre de la nouvelle ligne de tramway, la requalification des espaces publics à partir du site Pleyel et la mise en place d’un nouvel échangeur routier intégré à l’urbanisme sur le site Pleyel. D’autres chantiers sont à l’étude ou ont déjà débuté. L’un vise à aménager la Porte de Paris, c’est-à-dire à revoir le réseau viaire afin que cet espace devienne un espace de relation et qu’une continuité soit assurée entre la Plaine et le centre de Saint-Denis. L’autre concerne un ancien quartier d’habitat auto-construit ; celui-ci fait l’objet d’une opération fine de restructuration en concertation avec les habitants.

L’existence d’une démarche de projet urbain et d’opportunités foncières ont conduit à décider de l’implantation du Stade de France sur le site du Cornillon, situé au nord de la Plaine. Il a été conçu comme un relais entre le centre de Saint-Denis et la Plaine ( « urbanisme de relation » ). La zone du Stade doit accueillir à terme un véritable quartier mixte avec bureaux, logements, activités, équipements et espaces publics forts. Actuellement, l’implantation d’un certain nombre de commerces et d’activités liés aux loisirs et au sport a déjà été décidée et des opérations d’accession sociale au logement sont en cours de commercialisation. En fait, l’arrivée du Grand Stade a servi de puissant levier à la réalisation de nombreuse infrastructures, prévues dans le projet urbain.

En matière de transport en commun, la ligne 13 du métro a été prolongée pour desservir la zone et deux stations de RER ont été aménagées. Le prolongement de la ligne 12 est également prévu ainsi que la création d’une ligne de tramway irriguant le centre de la zone dans le sens Nord/Sud. L’idée est de faire de cette ligne la colonne vertébrale du pôle universitaire Saint-Denis/Villetaneuse et donc de confirmer la vocation de pôle de formation de ce territoire. Un gros travail a également été entrepris sur l’intégration systématique de voies de circulations douces (pistes cyclables) dans les différents projets.

Le Projet urbain de la Plaine-Saint-Denis est donc un projet ambitieux qui, malgré la rapidité d’avancement des travaux, ne trouvera son aboutissement que dans les années 2010-2020.

Création d’un syndicat intercommunal à Arcueil, Cachan, Fresnes, L’Hay-les-Roses

Regroupées dans le cadre d’une convention d’association, les quatre villes d’Arcueil, de Cachan, de Fresnes et de L’Hay-les-Roses (situés en Ile de France) ont choisi d’élaborer ensemble et en partenariat avec l’État une charte intercommunale pour l’environnement. Elles ont donc procédé dans un premier temps à la réalisation d’un diagnostic puis ont défini une stratégie qui a débouché sur l’élaboration d’un programme d’actions. Celui-ci prévoit, en priorité, de doter les quatre villes d’un outil commun, indispensable à la mise en œuvre de la charte qui est la création d’un syndicat intercommunal. Les villes ont donc proposé ce projet dans le cadre de l’appel à projet « Outils et démarches en vue de la réalisation d’Agendas 21 locaux ». Il a été retenu par le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement.

Définition d’une stratégie et d’un programme d’action

Les quatre villes ont entrepris un diagnostic environnemental qui leur a permis de dresser un état des lieux de la situation environnementale du territoire, de dégager les principaux enjeux et les perspectives d’évolution en abordant à la fois les domaines traditionnels de l’environnement, l’interaction des autres politiques locales avec la politique d’environnement et les moyens mis en œuvre et de construire l’équation environnementale du territoire. Le diagnostic a été élaboré à partir d’une analyse des données techniques et organisationnelles des principaux domaines techniques (données, entretiens, travaux des groupes de travail) et d’une analyse des perceptions et attentes de la population.

Ce diagnostic prospectif a conduit à la détermination d’objectifs. Pour chaque domaine environnemental (eau, air, déchets, énergie, bruit…), les enjeux pour les quatre communes ont été examinés, le niveau d’intercommunalité existant précisé et la transversalité des objectifs a été mise en avant. Il a été jugé essentiel pour mettre en œuvre ces objectifs de renforcer les moyens existants (financiers, en termes de partenariat avec les acteurs de la ville, l’État, les autres collectivités locales…).

Les objectifs suivants ont été retenus :

Cette stratégie a été déclinée en actions concrètes qui constituent le programme d’action.

Les missions du syndicat intercommunal

Le syndicat intercommunal a surtout pour vocation de prendre le relais de la convention d’association des quatre villes et de les doter d’un maître d’ouvrage unique, capable de suivre la mise en application du programme d’action et d’assister les communes en matière d’environnement. Il aura pour missions :

D’ici à juin 1998, le mode de fonctionnement du syndicat devrait être défini et il devrait s’installer dans les locaux de la Maison de la Bièvre. Il commencera, à cette période, à faire connaître les enjeux et le programme d’actions de la charte à ses partenaires et à la population. Enfin, début 1999, les cahiers des charges des études seront élaborés et les consultations lancées.

La difficulté la plus grande consiste à définir pour le syndicat intercommunal des statuts et des missions alors que le dispositif est en évolution, c’est-à-dire que le programme d’actions est en cours de construction.

Ce dossier de candidature constitue la réponse à l’appel à projets du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement (juin 1997) : « Les outils et démarches en vue de la réalisation d’Agendas 21 locaux »

L’Observatoire de la ville d’Ivry-sur-Seine. L’éducation à la ville et à la citoyenneté

Constituée de photographes, de graphistes, de plasticiens, de travailleurs sociaux et d’architectes, l’association Ne Pas Plier s’attache à faire découvrir le sens de la ville aux jeunes d’Ivry-sur-Seine, ville de 55 000 habitants située en bordure de Paris. L’association a en effet pour mission d’aborder les urgences sociales actuelles, telles que l’exclusion, la drogue, le sida, le bonheur à travers l’expression visuelle. Le projet s’est imposé de lui-même lorsque la ville d’Ivry a mis à disposition de l’association des locaux situés au dernier étage d’une tour HLM, l’une des plus hautes du centre-ville. Les perspectives offertes par ce point de vue ont convaincu les responsables de l’association de les partager avec les enfants des écoles primaires d’Ivry pour leur permettre de découvrir leur ville sous un autre angle.

Lire et comprendre la ville grâce à l’observatoire

Chaque semaine, de mars à septembre, des enfants découvrent leur ville et les communes voisines à partir des quatre " coins de vue " d’une terrasse aménagée, ponctuée de panneaux et d’œuvres d’art. Les visites sont encadrées par les instituteurs et les parents des enfants et animées par de simples citoyens, employés des postes ou de la voirie, élus municipaux, architectes, commerçants, artisans, gardiens d’immeubles ou responsables associatifs qui se transforment pour l’occasion en spécialistes. Chacun donne son image de la cité, son expérience de la ville ce qui permet à l’enfant d’appréhender la ville sous différentes facettes et de trouver ses marques et sa place au sein de la communauté. Les séances ne sont pas conçues comme des cours d’urbanisme mais comme un lieu de rencontres et d’échanges entre enfants et adultes.

Ces visites permettent à de petits citadins en âge des apprentissages fondamentaux de se situer dans leur espace de vie, de mieux connaître leur environnement, d’être initiés au paysage, à l’écologie urbaine mais aussi, de comprendre que la ville n’est pas simplement un territoire mais également un lieu de vie commun et un espace civique dans lequel ils ont leur place. Les enfants apprennent à regarder leur ville, à la questionner, à la lire, à en déchiffrer les articulations et l’histoire physique et sociale.

L’Observatoire offre également aux instituteurs un bon support pédagogique pour entreprendre ou prolonger en classe des travaux sur l’orientation ou la citoyenneté. Les visites sur place peuvent ainsi allier découverte de la ville et lecture d’un plan ou réflexion sur l’organisation de parcours-promenades dans la ville. Les responsables de l’Observatoire multiplient, depuis 1996, les interventions ultérieures dans les classes afin de prendre connaissance du travail réalisé a postériori ou de répondre à des questions complémentaires en présence de ceux qui ont animé la visite.

Organiser des cheminements différents pour concevoir la ville autrement

Parallèlement à l’Observatoire, l’association a organisé des Chemins de Randonnée Urbaine (CRU)pour faire la relation entre une vision générale et panoramique de la ville et une vision au contact direct de la ville. Une première expérience a été réalisée avec une classe. Après une visite à l’Observatoire, une série de travaux ont été réalisés tout au long de l’année scolaire, notamment sur le trajet quotidien des enfants de la maison à l’école. Dans le cadre de ce travail, il leur était demandé de focaliser chaque jour toute leur attention sur ce parcours, de le " voir " et d’exprimer leurs ressentis par le biais de la peinture, du dessin, de la photo, de la collecte d’objets. Ce travail a abouti en fin d’année à l’organisation d’un CRU par les enfants eux-mêmes. Ce chemin a permis d’abandonner le parcours en étoile, du domicile de chacun à l’école, au profit d’un parcours linéaire reliant les maisons de chacun des enfants entre elles.

Les CRU concernent aussi l’ensemble de la population. A partir d’un travail d’urbanistes réalisé sur Ivry (cartographies, relevés, etc.), les habitants sont invités à imaginer de nouveaux parcours dans leur ville ou à retrouver d’anciens cheminements piétonniers dont le tracé a été modifié par des constructions et des aménagements. En 1998, quatre randonnées collectives ont été organisées afin de permettre aux habitants de redécouvrir leur ville. Cette action a reçu le soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations dans sa phase de préfiguration.

Collaboration et échange entre acteurs locaux

L’Observatoire de la ville a pu naître et exister essentiellement grâce à une collaboration étroite avec l’Office HLM d’Ivry, propriétaire des lieux, convaincu de l’utilité citoyenne et pédagogique des actions menées. Ce partenariat original est un moyen pour l’organisme public d’entrer directement en contact avec des enfants dont les parents sont très souvent locataires de logements HLM. De plus, cette initiative permet d’aborder avec les enfants, dans un contexte neutre, les problèmes d’incivilité dans les cités. C’est pour toutes ces raisons que l’Office HLM a délégué un représentant auprès de l’Observatoire. L’Inspection académique pour sa part facilite les relations avec les écoles. La municipalité d’Ivry-sur-Seine enfin est un relais indispensable pour contacter des partenaires, dont certains élus qui participent aux visites.

Depuis sa création en 1993, l’Observatoire a reçu quelque 4 500 enfants âgés de 6 à 11 ans. Ses effets sur le public concerné sont encore difficilement mesurables ; cependant les intervenants réguliers font déjà repères dans les quartiers et la presse locale et nationale a commencé à se faire l’écho de cette expérience.

L’Observatoire s’inscrit dans une volonté de partage et d’échanges entre tous ceux qui font et vivent la ville et cherche par son activité à lutter contre l’isolement des personnes et l’affaiblissement des solidarités et à encourager la reconstruction du lien social. L’Observatoire a donc un rôle primordial à jouer et doit s’enraciner dans la durée tout en sachant évoluer. D’autres projets et expériences sont déjà à l’étude : réalisation de tables d’orientation par des artistes, réalisation d’un livret d’accueil, constitution de documents pour les instituteurs, réalisation d’une station météo etc. L’Observatoire travaille aussi à la construction de projets visant à élargir son public. Il pourrait ainsi être un outil d’analyse et d’étude de l’urbanité pour les étudiants, les invitant à être vigilants vis-à-vis d’un réseau de signes directifs et répétitifs uniquement voués au commerce et à la circulation rapide. L’Observatoire souhaite également s’ouvrir aux instituteurs-stagiaires, aux employés municipaux et aux employés de l’office HLM.

Références

Les villes françaises et le développement durable, Rapport de synthèse proposé par 4 D, mars 1996

DUHAMEL Bernard, EMELIANOFF Cyria, HELAND, Laure et al., 4D-DOSSIERS ET DEBATS POUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE, Les villes françaises et le développement durable, 1996/03 (France)