Le droit à la ville

Un programme d’action politique?

Felipe LINK, 2016

Collection Passerelle

Une précédente version de cet article est parue dans le livre Lefebvre revisitado: capitalismo, vida cotidiana y el derecho a la ciudad, Carlos A. de Mattos et Felipe Link (Ed.), RIL Editores, Santiago de Chile, 2015

Introduction

La diversité et complexité des « conflits urbains » chaque fois plus fréquents dans nos villes ont obligé à repenser les paradigmes à partir desquels on essaie d’interpréter les contradictions contemporaines de la société. Dans ce contexte, une série de concepts refont surface qui considèrent l’espace comme une dimension propre de l’objet de revendication, autant voire plus important que les dimensions traditionnelles, sociales ou historiques, dans la compréhension et la résolution éventuelle des conflits et en considérant l’espace comme étant bien plus qu’un simple support ou scène sur laquelle ont lieu les phénomènes sociaux (Soja, 2010). On le considère comme un élément relativement autonome super-structurellement, qui n’est pas exclusivement dépendant des bases de production matérielle de la société et donc, c’est un objet en soi, produit et producteur de relations sociales (Lefebvre, 1974). C’est par exemple le cas des nouveaux mouvements sociaux qui agissent à différentes échelles, en brisant les barrières et les espaces temporelles traditionnels et en articulant les échelles locales et globales dans un processus discontinu (Sassen, 2007). C’est aussi le cas de nombreux mouvements, plus ou moins organisés, qui luttent pour plus de justice urbaine et qui ont réinstallé, peu à peu, l’idée du droit à la ville, comprise comme une revendication politique quelque peu simplifiée et décontextualisée du processus général d’urbanisation qui donne son origine au concept (Lefebvre, 1968).

Traditionnellement en Amérique latine, la perspective marxiste classique semblait dominer dans l’analyse des problèmes urbains et territoriaux, sous l’influence de Castells (1971) et des concepts et méthodes de « La question urbaine ». Il est ainsi probable que dans notre région, on aborde la problématique urbaine sous le prisme marxiste selon lequel, « comme l’expliquaient Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste (1848), la ville est un produit culturel cohérent avec l’action économique d’une classe sociale historiquement hégémonique, la bourgeoisie, qui l’utilise comme un outil de son affirmation» (Bettin, 1982:51). Elle n’est ainsi pas considérée comme un élément plus ou moins autonome dans la dépendance de la structure de production matérielle de la société, en investissant la relation entre les processus d’industrialisation, les subordonnant à l’urbanisation généralisée et au domaine de la reproduction sociale. Selon Lefebvre, « le concept de l’espace (social) et l’espace lui-même, échappent donc au classement « base-structure-superstructure ». L’hypothèse selon laquelle «l’espace apparaît, se forme, intervient tantôt à l’un des “niveaux”, tantôt à l’autre. Tantôt dans le travail et dans les rapports de domination (de propriété), tantôt dans le fonctionnement des superstructures (institutions). Donc inégalement mais partout. La production de l’espace ne serait pas « dominante » dans le mode de production, mais elle relierait les aspects de la pratique en les coordonnant – en les réunissant dans une “pratique”, précisément » (Lefebvre, 1974:56).

Il existe donc d’un côté une tradition orthodoxe dans l’interprétation marxiste de l’espace et de la ville, et de l’autre, une certaine simplification et abstraction de l’idée du droit à la ville, associée à la justice urbaine entendue comme un modèle de ville désirée, allant plus loin que l’équité de la distribution, qui devrait aller vers une ville qui soutienne le développement complet des capacités humaines pour tous (Marcuse, 2009). Ce paradoxe pris en compte, et ce malgré ses limites, le concept du droit à la ville a ouvert la voie à des revendications relativement nouvelles, revalorisées, offrant selon l’interprétation lefebvrienne, un champ des possibles pour la transformation socio-spatiale, éminemment urbaine. Il s’agit de la possibilité d’une issue révolutionnaire dans un champ parallèle ou complémentaire de la lutte traditionnelle pour la production et le travail. Selon cette nouvelle perspective, le droit à la ville apparaît comme une sorte d’idéal post-capitaliste, impossible dans les conditions actuelles de modernisation et très éloigné d’un programme d’action politique dont pourrait s’emparer n’importe quel mouvement social pour l’utiliser à ses fins dans un territoire donné. Cela ne veut en aucun cas dire que, en tant qu’idéal, il n’aide pas justement à repenser les limites du possible. Pour Lefebvre, selon l’interprétation de Merrifield (2006), l’utilité politique d’un concept ne consiste pas à une réalité exacte mais doit permettre des expériences avec la réalité. C’est donc ainsi que le droit à la ville ne peut se cantonner à réclamer, facilement et de manière abstraite, quelque chose qui nous entoure.

Alors qu’est-ce-que le droit à la ville ? Ce n’est certes pas une question simple, mais en étudiant les deux tendances que nous avons précédemment décrites, d’un côté l’orthodoxie marxiste et de l’autre la simplification et instrumentalisation du concept, il semble exister deux réponses possibles.

Tout d’abord, il nous faut procéder à une lecture critique du concept original, autant dans ses définitions que dans le contexte général de la pensée lefebvrienne, pour en conclure qu’il n’existe pas d’éléments concrets pour un programme d’action politique, plus développé que des actions dans des territoires donnés. Cette perspective nous montre que chez Lefebvre, il existe un système général de pensée, articulé depuis une vision de l’État, jusqu’aux formes de la vie quotidienne, où le droit à la ville se lie de manière abstraite et se comprend comme un champ ouvert de réalisation du sujet.

D’un autre côté, il est aussi possible de comprendre l’idée du droit à la ville, en accord avec le théorème de Thomas (1928) selon lequel « si les personnes définissent des situations comme étant réelles, celles-ci sont réelles dans leurs conséquences », c’est-à-dire que le concept de droit à la ville s’est transformé et éloigné de la pensée qui la vu naitre, en fonction du nombre de revendication et de conflits urbains ponctuels, en modifiant son sens et ses liens avec la conception générale de production de l’espace.

On adoptera dans cet article la première interprétation, à partir de l’analyse du concept du droit à la ville, à la lumière du système général de la pensée lefebvrienne, et plus particulièrement de l’idée selon laquelle le droit à doit se situe dans un contexte de production de l’espace. Cette tâche ne sera sûrement pas exhaustive au vue de l’ampleur de l’œuvre de l’auteur, mais elle prétend être un apport dans la compréhension de celle-ci.

L’objet et le sujet du droit à la ville

Castells (1971) dans La question urbaine, comme Lefebvre (1968) dans Le droit à la ville, montrent l’importance du dôle des organisations de base dans la production et transformation de l’espace urbain et de la société en général. Selon Castells (1974), les mouvements sociaux urbains provoquent une transformation structurelle du système urbain, en cherchant une nouvelle relation entre la société civile et l’État. L’objectif général que l’on pourrait résumer aux dites « organisations de base », est lié à l’idée originale de Lefebvre (1968:168) pour rendre concret « la maîtrise de la liberté et l’affirmation d’un nouvel humanisme, un nouveau type d’homme pour lequel et par lequel la ville et sa propre vie quotidienne dans la ville se changent en œuvre, appropriation et valeur d’usage. » ce qui va souvent à l’encontre de la dynamique et de la compréhension structurelle de la production de l’espace urbain. Bien que nous ne soyons pas devant un phénomène nouveau observe un intérêt croissant de la citoyenneté pour manifester sa volonté d’intervenir dans les processus urbains, ce qui engendre des initiatives pour atteindre leurs objectifs et où la politique institutionnelle, en tant qu’espace traditionnel de participation a perdu son rôle central. Les nouveaux mouvements sociaux repoussent les limites de l’ingérence politique et de l’institutionnalité et mettent en question les formes de participation et les alliances traditionnelles (Offe, 1996). Dans ce contexte de transformation général de la politique, le droit à la ville est compris comme une alternative aux revendications traditionnelles. Comme un champ de « réformes non transformatrices » (Fainstein, 2010), mais où il soit possible d’avancer vers la construction d’une ville plus juste.

Le sujet du droit à la ville semble donc être à la fois tous et chacun des individus, citadins dans un contexte de sous-politisation général et des institutions chaque fois plus faibles. Quant à l’objet du droit à la ville, il semble être n’importe quelle revendication ponctuelle qui suppose une distribution plus juste des biens sur son territoire.

Cependant, pour Lefebvre cela semble être une fausse interprétation. Comme il l’affirme, le droit à la ville n’est pas une revendication ponctuelle ni concrète et encore moins l’addition des deux. En effet, la production générale de l’espace urbain engendre des contradictions structurelles entraînant des conséquences conjoncturelles. En ce sens, « L’urbanisation de la société s’accompagne d’une détérioration de la vie urbaine […]. Il y a là une véritable contradiction. Je l’appelle contradiction de l’espace. D’un côté, la classe dominante et l’État renforcent la ville en tant que centre de puissance et de décision politique, de l’autre, la domination de cette classe et de son État fait éclater la ville » (Lefebvre, 1973:144). « C’est en pensant à ces habitants des banlieues, à la ségrégation, à l’isolement, que je parle dans un livre du “droit à la ville”. Il ne s’agit pas d’un droit au sens juridique du terme, sinon d’un droit semblable à ceux stipulés dans la célèbre Déclaration des Droits de l’Homme, base constitutive de la démocratie. Ces droits ne sont jamais littéralement accomplis, mais on s’y réfère toujours pour définir la situation dans la société » (Lefebvre, ibid.).

Le droit à la ville comme la forme de la rencontre et de l’autogestion ?

En lisant Lefebvre, on comprend que la base du droit à la ville n’est ni contractuel ni naturel, mais qu’il est lié au caractère essentiel de l’espace. Ce caractère a beaucoup à voir avec la possibilité de ré articuler le processus d’aliénation urbaine, dans lequel la ville et la vie quotidienne dans la ville se transforment en œuvre, appropriation et valeur d’usage (Lefebvre, 1968). Ainsi, on ne peut concevoir le droit à la ville comme « un simple droit de visite ou de retour vers les villes traditionnelles. Il ne peut se formuler que comme droit à la vie urbaine, transformée, renouvelée » (Lefebvre, 1968:138).

Cette idée apparaît comme un concept nouveau et révolutionnaire de citoyenneté mais lié à une transformation générale du processus de production de l’espace. C’est-à-dire d’un processus de transformation du mode de production capitaliste. On ne peut rétablir les connections perdues dans le système : « la révolution de l’espace implique et amplifie la révolution définie comme un changement de la propriété des moyens de production » (Lefebvre, (1979:194). En conséquence de quoi, si l’urbanisation planétaire semble être inévitable et nécessaire pour la reproduction même du système capitaliste, la conséquence la plus probable est ce qu’identifie Merrifield (2011) comme l’apparition d’une « tragique intimité », c’est-à-dire de proximité sans sociabilité, présence sans représentation, rencontre sans rapprochement véritable, où l’idée du droit à la ville comprise comme « “l’urbain”, lieu de rencontre, priorité de la valeur d’usage, inscription dans l’espace d’un temps promu au rang de bien suprême parmi les biens, trouve sa base morphologique, sa réalisation pratico-sensible » (Lefebvre, 1970:108) est très improbable. Lefebvre lui-même, à propos de la situation en France, affirmait que : « malgré nos révolutions et notre constitution démocratique, presque tous les éléments de la vie sociale se trouvent au point mort. Partout, on ne rencontre que des inégalités. De toutes parts, on assiste au spectacle d’une vie totalement sclérosée par ses règles » (Lefebvre, 1976:138), ce qui semble lié à un système général de production sociale de l’espace, dans sa complexité, en tant qu’espace physique, social et mental.

Certes, tout cela n’est pas très encourageant, car « il existe une contradiction entre l’espace que produit l’État et qu’il contrôle et l’espace produit par les intérêts privés, en particulier les intérêts capitalistes. Ce phénomène est particulièrement visible dans les villes où il existe un espace rare et homogène, parcellé et en même temps égal. […] Il y a une contradiction intense entre le centre et la périphérie […] contradiction entre l’hyperorganisation qui va de la famille à l’État et une tendance effrénée à l’individualisme1 » (Lefebvre, 1977:146). Quoi qu’il en soit, des auteurs comme Merrifield ou bien Lefebvre lui-même n’abandonne pas l’idée de la ville en tant que forme de la rencontre, ayant clairement à l’idée que s’il est certain que la réalité urbaine change les relations de production, elle n’arrive pas à les transformer (Lefebvre, 1968). Dans cette perspective, Lefebvre porte une attention toute particulière aux sujets producteurs de l’espace afin de revendiquer une certaine possibilité émancipatrice, bien que cela reste encore loin d’un programme d’action coordonnée. D’un côté, le rôle des urbanistes, architectes et aménageurs urbains, et de l’autre, la revalorisation des connaissances au niveau local visent à la production de l’espace grâce à la valeur d’usage. À l’échelle « macro-architecturale et micro-urbanistique », en tant qu’espace intermédiaire dans lequel il serait bien possible d’obtenir quelque chose en ce sens « Selon Marx, le renversement du monde implique le bouleversement des espaces dominants (et dans la domination de l’espace) en remplaçant la domination par l’appropriation, la demande par la commande et la valeur d’échange par la valeur d’usage » (Lefebvre, 1979:194). Ainsi, l’idée d’autogestion se révèle être un mécanisme en même temps qu’un objectif, comme une fin et un moyen de la transformation

de l’espace. « Dans l’espace transformé, une transformation des relations entre activités productives et le retour du marché interne peuvent et doivent exister, en orientant de manière délibérée vers les thèmes spatiaux. C’est l’espace dans son ensemble et dans sa production qui doit être redéfini et qui donc poussera à la subversion et la conversion nécessaire en ce sens » (Lefebvre, 1979:194). L’idée d’autogestion n’est ni plus ni moins une orientation. Il existe quelque chose de perçu, imaginé, conçu, et thématisé mais pas encore systématisé par la société elle-même. Merrifield (2011) l’illustre ainsi : « si nous acceptons l’urbain comme un terrain spécifique pour la lutte politique, quelle sera l’image réelle du droit à la ville ? » Si le processus urbain est global, encouragé par le capital financier, la démocratisation doit aussi être globale (Merrifield, ibid.) et donc l’image et la possibilité concrète d’autogestion se dilue. Merrifield, avant cela, propose une alternative : une nouvelle élaboration de l’idée de droit à la ville. Il développe une idée d’une politique de la rencontre, de moments radicaux, lefebvriens, qui engendreraient une « constellation de moments » sans revendiquer aucun droit, mais bien en agissant comme médiateur entre la vie individuelle et une fusion en groupe émancipatrice (Merrifield, ibid.)

Conclusion

Pour conclure, nous souhaitons insister sur le caractère indispensable d’une idée comme celle du droit à la ville. En reliant ce concept avec l’idée selon laquelle : « Marx a défini la production comme une production pour les besoins sociaux, et ceux-ci, en grande partie, sont liés à l’espace : le logement, les équipements, le transport, la réorganisation de l’espace urbain etc. Cela étend la tendance du capitalisme à produire de l’espace, pendant que cela change radicalement son produit » (Lefebvre, 1979:193). Ainsi, nous devons, sur la base du concept de l’espace, faire face à une tendance générale d’aliénation dans ce domaine. Cependant, nous devons être clairvoyants sur les possibilités réelles de ce concept théorique et d’autres, afin de pouvoir les mettre en œuvre de la meilleure façon possible sans créer de fausses attentes. Le droit à la ville chez Lefebvre n’est possible que dans un contexte général de transformation du système capitaliste, en particulier grâce à la transformation du droit de propriété. Une transformation du système capitaliste n’a pas seulement lieu dans le domaine de la production et du travail, au contraire, elle se nourrit et s’articule dans la ville. Selon Lefebvre, « la révolution de l’espace implique et amplifie le concept même de révolution, défini comme un changement dans la propriété des moyens de production. Cela lui donne une nouvelle dimension, en commençant par la suppression d’une forme particulièrement dangereuse de propriété privée, comme l’est la propriété de l’espace (sous ses différentes formes) » (Lefebvre, 1979:194).

De plus, le contexte général de production de l’espace engage l’État, compris comme un acteur pertinent dans la coordination des actions et dans la répression, en fonction de la production de l’espace instrumentale. « (Dans le monde de production étatique) l’État n’est pas seulement un patron d’entreprise mais il produit en même temps un espace qu’il construit lui-même, la planification de l’espace étant la manière la plus raffinée et subtile à travers le solde de matières ou de marchandises et le solde financier. La planification spatiale aux mains de l’État […] se développe par des chemins difficiles à comprendre : le contrôle des com-munications, des réseaux électriques, des autoroutes, etc. » (Lefebvre, 1976:141).

L’État est donc partie prenante d’un mode de production social de l’espace qui limite encore plus les possibilités du droit à la ville, et cela encore plus lorsque les contradictions ont lieu à une échelle globale. « La lutte des classes, ouvrier-patron, est une idée dépassée, […] le phénomène essentiel a lieu au niveau de l’État ou au niveau de l’ensemble de la société globale, et a trait à la répartition de la plus-value globale » (Lefebvre, 1976:144).

Dans cette perspective, pour Lefebvre, la démocratisation totale semble être la seule alternative et ce, sur la base d’une approche plutôt orthodoxe du marxisme traditionnel. C’est-à-dire que :  »le renforcement de l’État par la base, qui le conduit à se fusionner avec la société et à s’amoindrir ainsi, est la seule forme qui permet à l’État actuel une action efficace contre les entreprises multinationales, autrement dit, la démocratisation, l’invention d’une démocratie plus profonde et concrète est la seule manière de lutter contre ces puissances terribles, que nous ne faisons que soupçonner leur efficacité et leur dangerosité. Seule la démocratie permet d’éviter les catastrophes«  (Lefebvre, 1976:147). On peut considérer cela comme le concept général du droit à la ville, compris comme une composante dans une matrice explicative de la production et reproduction de l’espace. Ce concept est lié à la pratique politique, il inspire, illumine, génère des actions concrètes sur le territoire mais il reste dans le champ de la théorie critique. Selon de nombreuses études et de nombreux auteurs, les mouvements sociaux revendiquent des choses liées aux conséquences socio-territoriales de ces processus, en soulignant le caractère insoutenable et destructeur des formes actuelles d’urbanisation, ce qui rend nécessaire une alternative dans les différentes dimensions et échelles de la vie urbaine. Brenner, Marcuse et Mayer (2012) montre clairement comment dans un contexte où la marchandisation à outrance de la ville engendre des conséquences qui intensifient les contradictions du modèle et produisent des mouvements sociaux et une pression pour changer les choses. Il est urgent de définir une théorie urbaine critique qui puisse rendre compte, le plus honnêtement possible, d’un phénomène urbain qui dépasse ses propres frontières pour trouver une alternative à un statu quo du processus capitaliste d’urbanisation (Brenner et al. 2012).

Aujourd’hui plus que jamais, l’idée du droit à la ville doit être maintenue comme un idéal de politique urbaine générale et doit être transformée en pratique politique allant plus loin que des revendications ponctuelles qui peuvent être excluantes. Le droit à la ville doit concevoir l’ensemble de la société et sa relation avec le territoire afin de pouvoir mettre en place de manière efficace le droit général à la ville. Ce n’est pas une tâche facile, car il n’existe justement pas une alternative plausible pour faire avancer ce concept. La phrase de Smith (2009) à propos d’un capitalisme mort mais encore d’actualité en semble plus si claire. Au contraire, à chacune de ses crises et contradictions, le système peut compter sur un fort soutien, et, selon Harvey (2014:14) : « les forces de la gauche traditionnelle (partis politiques et syndicats) sont clairement incapables d’organiser l’opposition solide contre le pouvoir du capital. […] ce qui reste de la gauche radicale agit maintenant majoritairement en dehors des canaux de l’opposition organisée ou institutionnelle, en attendant que les actions à petite échelle et le militantisme local puissent, à la longue, converger dans une alternative satisfaisante. […] les points de vue et actions autonomes, anarchistes et locales sont légion mais étant donné que la gauche veut changer le monde sans prendre le pouvoir, la classe capitaliste ploutocrate, chaque fois plus forte, se maintien sans que l’on défit sa capacité à dominer le monde sans limite. Cette nouvelle classe gouvernante est soutenue par l’État de sécurité de contrôle qui n’hésite pas à utiliser ses pouvoirs de répression pour écraser toute forme de dissidence2 » (Harvey, ibid.) Face à cela, le droit à la ville doit être mis en place rapidement en tant que programme d’action politique.

1 Note de la traductrice : traduction propre, l’ouvrage n’ayant pas été traduit en français

2 Note de la traductrice : traduction propre, l’ouvrage n’ayant pas encore été traduit en français

Références

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