Besançon lutte contre les déchets avec le compostage

William Buzy, août 2019

Territoires-Audacieux

À Besançon et dans toute la région, le Sybert, un syndicat mixte regroupant 165 communes et 225 000 habitants, mène une politique globale de réduction des déchets. Entre 2009 et 2016, le poids des ordures ménagères résiduelles du territoire est passé de 217 à 150 kg/an/hab, soit une réduction de 30%. Pour ce faire, le Sybert encourage largement le compostage, en subventionnant l’achat de composteur pour les maisons individuelles, et en installant tout le matériel nécessaire au pied des habitations collectives. Des associations et des employés de la ville accompagnent les volontaires. Le compost ainsi créé est utilisé par les habitants ou pour les jardins de la ville. L’objectif du Sybert est de réduire le poids des déchets de 30% supplémentaires d’ici 2022.

Pour nous éclairer sur ce sujet, nous avons rencontré Claudine Caulet, élue au conseil municipal de Besançon et vice-présidente du Sybert.

L’ interview de Claudine Caulet est disponible au format vidéo ou texte pour chaque question.

Mise en place du projet

Quelle a été l’origine du projet ?

Le constat est ancien. On a fait une caractérisation des ordures ménagères des bisontins, et il y avait 67 kg de biodéchets par an et par foyer. On s’est dit qu’il y avait matière à progresser de ce côté-là. D’autant plus que brûler des biodéchets, c’est brûler quelque chose qui contient 90% d’eau : ça n’a pas tellement de sens… L’idée était donc de sortir un maximum de matières organiques des ordures ménagères résiduelles.

À quelle période a débuté le projet ?

Le tout début, c’est 1990, avec la vente de composteurs pour les familles vivant dans les habitats individuels. On est un syndicat de traitement regroupant milieu urbain et milieu rural. L’idée était donc de proposer des composteurs à bas coûts pour les habitants de maisons individuelles. Depuis 1990, on a dû vendre plus de 20 000 composteurs. Aujourd’hui c’est davantage du renouvellement, mais on a équipé un grand nombre de foyers en composteurs.

Quelles ont été les différentes étapes du projet ?

On a commencé par l’habitat individuel. Le cran suivant a été de proposer des solutions de compostage pour les gens vivant en milieu urbain et en bâtiments, avec deux variantes. D’un côté le compostage en pied d’immeuble, où on propose des batteries de compostage à des gens vivant en co-propriété et qui souhaitent gérer leurs biodéchets, sachant qu’ils sont accompagnés par une association. De l’autre, pour le milieu urbain dense, on propose des chalets de compostage dans les quartiers, où ils peuvent amener leurs biodéchets.

Le projet aujourd’hui

Comment impliquer la population vivant dans les habitations collectives ?

On n’a pas la compétence de collecte des déchets, mais on a souhaité tester des dispositifs à offrir aux habitants vivant en milieu urbain, pour qu’ils puissent amener leurs biodéchets et qu’ils soient traités convenablement, plutôt que de partir à l’incinération. On propose des chalets dans les quartiers, et des heures d’ouverture avec du personnel issu d’une association d’insertion, lequel gère aussi le retournement et l’évacuation du compost. Pour les pieds d’immeubles, le Sybert fournit le matériel, et demande à une association d’accompagner les volontaires pendant un an.

Quels problèmes rencontrez-vous au quotidien dans le fonctionnement ?

C’est sur la base du volontariat, donc cela fonctionne assez bien. Cependant, dans les pieds d’immeubles, avec le locatif, il peut y avoir beaucoup de turnover dans les volontaires, donc cela nécessite une sensibilisation et un accompagnement permanents. Sur chaque site, on exige qu’il y ait au moins deux personnes pour coordonner le compostage et s’occuper du retournement. C’est du bénévolat, c’est un investissement en temps, donc parfois, quand quelqu’un déménage, c’est compliqué de le remplacer. Il faut donc accompagner les gens en permanence pour leur faciliter la tâche.

Que devient le compost créé par les habitants ?

Les gens en maison se débrouillent avec leur jardin. En pied d’immeubles, c’est redistribué aux habitants pour leurs balconnières, ou pour les espaces verts de la résidence. Enfin, pour les chalets, les gens du quartier qui viennent apporter leurs biodéchets peuvent récupérer du compost, et quand il y a du surplus, c’est une association qui le récupère pour les jardins familiaux de la ville de Besançon.

Quels sont les coûts de ce projet ?

Pour les maisons individuelles, on achète des composteurs à 60€ et on les revend avec une subvention de l’ordre de 20€. Un chalet coûte entre 8 000 et 10 000€ à installer, avec une petite difficulté qui peut intervenir : il faut une autorisation de la mairie, et dans notre cas l’ensemble du centre-ville de Besançon est en secteur sauvegardé, ce qui crée des contraintes architecturales et patrimoniales. Par ailleurs, jusqu’à maintenant, on a fait le choix d’ouvrir les chalets deux fois deux heures dans la semaine, avec un gardien qui donne des conseils et pèse les apports. On a passé un marché d’insertion pour ce travail, mais il a un certain coût, et ce n’est pas toujours très pratique pour les habitants. On cherche donc actuellement une alternative.

Quelles sont les prochaines étapes du projet ?

Il y a encore 36 kg de biodéchets dans nos poubelles, il serait donc intelligent d’en enlever un maximum. On réfléchit donc à de nouvelles pratiques : faire de la collecte en porte à porte, mettre en place un outil de traitement… Mais on doit passer au cran supérieur.

Comment dupliquer le projet

Peut-on répliquer cette initiative dans une plus grande ville ?

Les chalets ont un vrai succès en milieu urbain dense, ils répondent à une demande réelle. Cette demande serait sans doute tout aussi réelle à Lyon ou à Paris. Cependant, dans une très grande ville, l’emprise sur l’espace public doit être un sujet délicat, ce peut être un obstacle. Par ailleurs, l’ouverture du chalet par un gardien pour accompagner les gens a un certain coût, donc on ne peut pas le multiplier à l’infini. Peut-être faudrait-il réfléchir dans ce cas à des solutions pour que le sens puissent venir de manière plus autonome porter leurs biodéchets.

Avez-vous un conseil à donner à un élu qui souhaiterait se lancer dans un projet similaire ?

Je ne donne pas de leçons, mais je vous conseillerais de venir nous voir. On pourra vous expliquer ce que l’on fait chez nous, vous montrer des exemples concrets, vous parler des coûts et des contraintes… Après, vous connaissez votre territoire mieux que nous et savez ce qui peut s’y adapter. Quoi qu’il en soit, on vous accueillera avec plaisir.

Les élus peuvent-ils et doivent-ils s’inspirer les uns les autres ?

On mène notre petit bonhomme de chemin, mais on va aussi voir ce qu’il se passe ailleurs. On a été à Nantes, qui est une ville exemplaire sur le compostage. La présidente du syndicat est allée voir ce qui se faisait à Milan, qui est une référence pour le traitement des biodéchets. À l’inverse, on accueille aussi des collectivités qui viennent voir ce que l’on fait ici. On échange entre collectivités. Tout n’est pas forcément transposable partout, il faut bien connaître son territoire, mais on va chercher les bonnes idées là où elles sont.