La sous-culture urbaine comme forme d’exclusion

Le cas des enfants de la rue

2006

Les enfants de la rue en Colombie et au Mexique cumulent plusieurs formes d’exclusion : celles de la famille et de la société, renforcées encore par les nombreuses images stéréotypées dont ils font l’objet dans les médias (télévision, livres, presse à sensation). Cette médiatisation, qui est loin de refléter la réalité de leur existence, a contribué à leur rejet.

La définition elle-même de l’enfant de la rue est incertaine. On peut l’envisager soit par rapport à l’espace public où il s’approprie certains territoires, construit sa « camada », soit par rapport au travail dont le vol, malgré la peur, constitue une des stratégies extrêmes de survie, différente de celles des « enfants dans la rue » qui ont une activité économique régulière. Par cette double activité, ils se conduisent à leur façon en acteurs. De plus, les enfants de la rue sont souvent désignés sans catégories d’âge comme si les conditions de vie auxquelles ils sont soumis leur ôtaient leur statut d’enfant ou d’adolescent et en faisaient des adultes, des voleurs, des criminels avant l’heure.

Exclus de leur famille, arrivés à la rue, ils accédent peu à peu à une « sous-culture urbaine de survie » dont ils intériorisent les pratiques, les formes de pensée, les valeurs, selon tout un processus de socialisation. « Chinche » lorsqu’il est petit, l’enfant apprend le langage et les manières de demander l’aumône. A 10 ans, il devient « ñero » et apprend, entre autres, à voler. A 15 ans, il devient « largo » et adopte d’autres stratégies économiques et se trouve de plus en plus confronté à la violence.

Ces jeunes acquièrent ainsi « l’intelligence de la rue », des connaissances, une culture qui les excluent plus encore de la société : elles ne peuvent guère leur servir en dehors de leur milieu. Et même les institutions créées pour tenter de les intégrer dans la société se revèlent inaptes à remplir ce rôle.


 

 

Les solutions alternatives pour endiguer ce phénomène lié à la paupérisation ne sont ni en adéquation, ni à la mesure de sa gravité en Amérique latine. Les programmes officiels tendant à favoriser la prévention par le travail communautaire s’avèrent insuffisants. L’exclusion et la pauvreté exigeraient des transformations sociales économiques et politiques en profondeur que les gouvernements ne semblent pas disposés à entreprendre. L’auteur se demande si, en fin de compte, les travaux des chercheurs qui dénoncent avec vigueur les injustices dont sont victimes les enfants de la rue ne donnent pas matière à récupération.

Références

  • MERIENNE, Marcel, Le dédale : pour en finir avec le XXe siècle (France)