Le Parc naturel régional du Marais poitevin vers un mix énergétique territorial

Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2022

Les Parc naturels régionaux s’engagent dans la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique. Le Parc naturel régional du Marais poitevin mène une stratégie énergétique avec des objectifs et axes précis. Il s’agit d’abord de faire du Marais poitevin un territoire exemplaire pour la maîtrise de l’énergie et l’utilisation d’énergies renouvelables, tout en en préservant la biodiversité et les paysages, conformément à la Charte du Parc. L’objectif est aussi de réduire les consommations d’énergies et favoriser une diversité d’énergies renouvelables respectueuses de l’environnement et du cadre de vie. De plus, le Parc mène des actions concrètes et partagées à l’échelle des 3 Départements, des 2 Régions, des 89 communes et 8 Établissements Publics de Coopération Intercommunale, membres du Parc, en lien avec les services de l’État, les socio-professionnels, les associations, les habitants… C’est aussi un acteur majeur pour relayer les bonnes pratiques, soutenir les expérimentations et offrir des outils d’aide à la décision aux élus. Les deux axes prioritaires de la stratégie énergétique du territoire du Parc naturel régional du Marais poitevin portent sur la maîtrise de l’énergie dans différents domaines (l’habitat, la mobilité, la pollution lumineuse…) et sur le soutien à un mix énergétique (éolien, solaire, méthanisation, bois-énergie, géothermie…) respectueux des paysages et de la biodiversité.

À télécharger : magazine-pnrmp-marais-poitevin-nov-2020-1.pdf (3 Mio), plaquette-institutionnelle-pnrmp-2019.pdf (2 Mio)

L’action du Parc Naturel Régional

Le Marais poitevin constitue la première zone humide de la façade atlantique. Situé à l’interface des eaux salées de l’océan et des eaux douces issues de son bassin versant, il est composé d’une mosaïque de paysages.

Le marais mouillé bocager situé en amont est structuré par un réseau complexe de voies d’eau (conches, fossés, rigoles) doublé d’une trame bocagère dense de frênes taillés en têtard et de peupliers. Ce marais offre une ambiance intimiste qui se découvre de l’intérieur. Cet espace est protégé en tant que site classé par décret du 9 mai 2003 et labellisé Grand Site de France depuis 2010 avec un renouvellement du label en 2018.

Plus proche de la côte, on trouve les grandes étendues du marais desséché. À l’abri des digues et des levées, les ensembles prairiaux et les vastes cultures sont structurés par des fossés et des canaux. Les haies de tamaris ou bandes de roseaux animent ces paysages ouverts. Des « îles » calcaires, souvent habitées, constituent les points hauts du marais desséché.

La baie de l’Aiguillon et la façade littorale : le littoral est bordé par des plages de sable, des dunes, des forêts, des falaises, des vasières et des prés-salés fauchés (mizottes). L’ensemble s’ouvre sur l’océan sur plus de 140 km de côte. La baie de l’Aiguillon est classée Réserve naturelle nationale.

Les bordures du Marais : les coteaux cultivés et plaines constituent les franges du Marais et offrent des vues sur la canopée des marais mouillés bocagers.

Cette diversité de paysages contrastés aux échelles et ambiances variées implique des réponses énergétiques adaptées pour concilier mise en œuvre de la transition énergétique et préservation des paysages.

Territoire reconnu et vulnérable, levier qui amène à agir

Le territoire est soumis aux aléas climatiques et notamment à la montée des eaux. En effet le marais est un lieu extrêmement fragile situé sous les plus hautes eaux. C’est un ancien golfe marin, protégé par des digues. C’est l’urgence du changement climatique qui a amené le PNR à se positionner.

Soutenir un mix énergétique respectueux des paysages et de la biodiversité

Méthodologie et commission de suivi

Le PNR est une structure publique qui permet l’échange et la médiation, mais aussi la structuration des outils et des réseaux d’acteurs, pour apporter de la cohérence au territoire. Pour mettre en place la stratégie territoriale énergétique, les élus du PNR du Marais poitevin ont créé une vice-présidence « Climat et transition énergétique ». Elle est accompagnée par une commission composée d’élus, de techniciens, de partenaires et d’experts qui se réunissent plusieurs fois par an pour échanger et proposer des orientations stratégiques.

Le 1er avril 2019, le comité syndical du PNR a approuvé les objectifs de la stratégie. Pour permettre le partage et l’opposabilité territoriale énergétique, le PNR porte une attention particulière à :

« Ce qui est vrai dans un territoire ne l’est pas dans d’autres. Il fallait à tout prix éviter de calquer d’autres territoires. Il nous fallait fabriquer notre propre bouquet énergétique » Pascal Duforestel, Délégué de la région Nouvelle-Aquitaine Vice-Président Transition énergétique et Climat.

Le choix a été d’échapper à la confrontation entre pro et anti énergies renouvelables, en ouvrant un espace de dialogue, de culture et de travail aux élus du territoire. En plus des commissions, des visites de terrains ont été réalisées, afin de proposer un éventail d’interventions inspirantes et de partager les initiatives.

Sobriété et maîtrise de l’énergie comme projet de territoire

Accompagner les documents de planification pour favoriser une cohérence des politiques publiques

Le PNR du Marais poitevin accompagne les communes, les communautés de communes et les particuliers dans leurs projets afin de concilier la préservation des qualités urbaines, paysagères et architecturales locales avec les enjeux de maîtrise de l’énergie.

Le PNR émet des avis sur les documents de planification et d’urbanisme afin qu’ils soient compatibles avec la charte de Parc : urbanisation limitée, formes urbaines adaptées aux enjeux de préservation de la zone humide, des espaces naturels et agricoles ainsi qu’aux enjeux de submersion et de réchauffement climatique. Il accompagne également les EPCI dans leur PCAET : le PNR apporte une plus- value en termes de prise en compte de la qualité architecturale et paysagère et environnementale dans l’écohabitat, de sensibilisation du public, de formation des acteurs, d’expérimentations, …

Cet accompagnement permet une continuité des projets énergétiques dans les actions territoriales et une cohérence avec les autres enjeux locaux, de biodiversité et de cadre de vie.

Mener des actions en faveur de la sobriété énergétique et de la captation carbone

Le PNR favorise la sobriété énergétique : mobilité douce avec un réseau cyclable de 800 km, dont la Vélofrancette et la Vélodysée ; valorisation de l’écohabitat avec l’accompagnement d’une filière « matériaux biosourcés » pour la rénovation et la construction…

Il conduit des programmes préservation et de restaurations des milieux au fort potentiel de captation carbone comme les tourbières, les roselières, les prairies naturelles humides. Il mène un important programme de plantations « plantons les arbres têtards de demain » visant à anticiper l’évolution du paysage fragilisé par la chalarose qui génère le dépérissement des frênes. Outre la dimension patrimoniale, économique et environnementale de ce dispositif, il contribue à la captation de carbone. Les plantations menées dans le Marais poitevin par le Parc sont ainsi intégrées au projet de territoire de la « Coopérative carbone de La Rochelle ». Le Parc participe à la gouvernance de cet outil coopératif qui permet de réunir porteurs de projets et acheteurs de crédits carbone, avec l’objectif d’atteindre une neutralité carbone territoriale.

Plus globalement, plusieurs actions sont menées pour sensibiliser les acteurs locaux aux questions énergétiques et climatiques :

L’échelle du PNR pour planifier l’éolien sur des paysages très contrastés

Face à l’augmentation du nombre de projets sans vision globale, l’éolien a constitué le premier axe de travail de la commission du PNR. Le schéma éolien du Parc permet de planifier de façon argumentée les futures implantations d’infrastructures en prenant en compte les spécificités du territoire. Approuvé par la délibération du 1er avril 2019, il se traduit par des principes déclinés au travers de cartographies et de recommandations. Une première cartographie permet de faire un point sur la situation actuelle, à savoir l’existence de parcs éoliens en nombre important dans le Marais poitevin avec plus d’une centaine d’éoliennes en fonctionnement ou en construction, principalement installées le long des infrastructures routières bordant le Marais poitevin.

Puis une deuxième cartographie permet d’identifier les enjeux paysagers, en qualifiant la diversité des entités de paysages et les vues. Enfin la cartographie des zones de vigilance environnementales et paysagères a été élaborée en prenant en compte la préservation des espaces paysagers et environnementaux les plus remarquables et la limitation du mitage et/ou de l’encerclement du PNR par l’effet cumulé des parcs éoliens sont déterminées par trois niveaux de vigilance. Des zones d’exclusion sont proposées sur des périmètres de protection et de labels comme sur le site classé du Marais mouillé poitevin et sur la majorité du Grand Site de France qui se prolonge le long de la Sèvre. L’objectif est d’éviter l’effet d’encerclement et de conserver des zones de respirations paysagères. Des zones de vigilance majeure sont dessinées sur les vallées et plaines du Sud-est niortais, bocage vendéen à l’ouest, zone humide du Marais poitevin… Enfin des zones où des études restent à mener pour la vigilance oiseaux sont identifiées. Cette cartographie est déclinée finement à l’échelle des SCOT et PLUi des EPCI.

Avec ce schéma éolien, le Parc a pris le parti d’une stratégie de densification des parcs existants, sous réserve qu’ils ne présentent pas de risques pour les paysages et la biodiversité (études au cas par cas).

Pour chaque projet s’inscrivant dans la stratégie, une analyse fine est menée pour préciser les principes et recommandations d’implantation, y compris pour la densification des parcs existants afin d’éviter les phénomènes de saturation. Si la densification doit respecter les lignes de force paysagères, elle doit également intégrer les déplacements des espèces protégées et maintenir les corridors écologiques.

Encadrer et accompagner le solaire

Une stratégie solaire, respectueuse des paysages et de la biodiversité

L’énergie solaire bénéficie d’un potentiel de développement intéressant dans le Marais poitevin, qui dispose d’un fort taux d’ensoleillement. Comme pour l’éolien, l’enjeu est également de concilier le développement de cette forme d’énergies renouvelables avec la préservation du patrimoine bâti et des espaces agricoles et naturels.

Dans cette perspective, le PNR a approuvé le 9 avril 2021 sa stratégie solaire autour des principes suivants :

Dans les secteurs favorables et notamment sur les toitures importantes (bâtiments agricoles, zones commerciales), le parc encourage le passage à l’action à l’appui de conseils facilitant l’aboutissement des projets, en lien avec le Centre Régional Énergies Renouvelables (CRER) et des associations citoyennes.

Le parc solaire de Fontenay-le-Comte

Ce parc photovoltaïque de 12,4 ha est installé sur un ancien terrain militaire que le ministère de la Défense a vendu à la ville. Plusieurs critères ont favorisé son implantation sur les plaines du Bas Poitou, le long des axes routiers :

La conception (2009-2015), la construction (2015-2016) et l’exploitation (depuis 2016) ont été réalisées par Solairedirect, une filiale d’Engie.

Les concepteurs se sont assurés de l’acceptation du projet par la commune, la communauté de communes… Ils ont réalisé une étude faune/flore simple avant de vérifier la compatibilité avec le document d’urbanisme en vigueur. Une fois ces conditions réunies, le projet s’est poursuivi par la réalisation du diagnostic environnemental : espèces protégées, monuments historiques…

Un bureau d’études paysage a mis en évidence les sensibilités paysagères du site. Solairedirect a réalisé une concertation volontaire.

Le PNR a participé à la réflexion pour les aménagements aux abords.

Assumer des paysages productifs avec la méthanisation

Le projet de territoire de La SAS Déméter énergies

Le potentiel de méthanisation est important sur le territoire avec une tradition agricole laitière et beurrière. Mais cette filière agricole est difficile à conserver. La méthanisation peut permettre la diversification de l’activité. Deux unités de méthanisation sont présentes à proximité de Niort dont la SAS Déméter énergie située au sud-est du PNR.

En fonctionnement depuis 2018, l’unité de méthanisation agricole Déméter énergies a été initiée en 2014 par des exploitants agricoles afin de diversifier leurs activités, sécuriser ses revenus, mais aussi par conviction sur les énergies renouvelables. La ressource est collectée chez douze agriculteurs, situés à moins de 8 km du site. Associée à une installation photovoltaïque en toiture, l’unité permet notamment d’alimenter les bâtiments publics de Mauzé, la piscine intercommunale, …

L’Institut de formation et de recherche en éducation à l’environnement (Ifrée) a été associé à la démarche pour sensibiliser les habitants au projet. Un financement participatif a aussi été proposé. Le coût global du projet s’élève à près de 6 millions d’euros. Dès l’origine du projet, le PNR a soutenu et accompagné les porteurs de projet dans leur recherche d’inscription paysagère et architecturale qualitatives. Les conseils ont contribué à réduire les investissements, tout en améliorant l’aspect de l’infrastructure.

La démarche de concertation nous a permis de nous rendre compte que ce projet était bien plus qu’un projet agricole. Nous avons mesuré qu’il s’agissait d’un projet de territoire. Les groupes de travail nous ont aidés à adopter une démarche environnementale la plus poussée possible dans nos choix techniques, mais aussi en mettant en place des éléments auxquels nous n’aurions jamais pensé : un financement participatif, un panel de nez pour cerner les nuisances olfactives… Vanessa Baudrier Paillat, Chargée de Mission développement Sources : www.ifree.asso.fr/interview/ 451-vanessa-baudrier-paillat-responsable-d-exploitation-demeter-energie

Le projet d’accompagnement s’est déroulé en plusieurs étapes :

Le choix d’une énergie assumée dans un paysage agricole

Plusieurs grands principes d’implantation ont été choisis. L’unité privilégie une implantation fonctionnelle (hangar photovoltaïque) et assumée des différents bâtiments et éléments techniques (pas de creusement pour minimiser la hauteur des cuves…). La hauteur maximum est de 12 m en cohérence avec le contexte paysager agricole et de plaine et à proximité d’une zone artisanale. Les bâtiments et éléments techniques ont été harmonisés entre eux : finition béton brut, métal ou bardage gris. Pour les toitures, un RAL sombre a été choisi le plus proche possible de celui des panneaux photovoltaïques. La bâche des digesteurs de teinte neutre, sans logo.

De plus l’implantation a limité au maximum les merlons et mouvements de terrain. Lorsqu’ils ont été nécessaires, un travail de plantation a permis de les atténuer. Enfin une proposition de palette végétale locale et variée ainsi qu’un choix de clôture de type agricole (piquets châtaignier, grillage agricole…) ont été privilégiés.

Amplifier les efforts et mobiliser les acteurs du PNR pour une transition énergétique et climatique co-construite

Le Marais poitevin, situé sous le niveau de la mer aux plus hautes eaux, a été aménagé au fil des siècles. Un système complexe de digues, d’ouvrages hydrauliques, … permet de gérer les eaux provenant de la mer et du bassin versant. Du fait de ses caractéristiques, le Marais est directement concerné par le changement climatique et l’élévation du niveau des océans. À l’appui de son Conseil Scientifique et Prospectif, le Parc mène de nouvelles actions pour favoriser les échanges entre élus, habitants et experts, afin de faciliter l’intelligence collective et la co-construction des projets sur ce thème sensible et complexe.

Ces actions de sensibilisation à l’adaptation au changement climatique se traduisent par :

La conception d’outils facilitant la représentation du territoire, à l’image d’un « jeu climat » ou d’actions de médiation culturelle comme les spectacles le « Tarot des territoires ».

Le Parc prévoit également d’amplifier ses actions en faveur de la captation carbone :

Si le diagnostic énergétique du PNR montre une bonne évolution de la part de productions d’énergies renouvelables (de 12 % en 2014 à 16 % en 2018), la consommation énergétique du territoire est, quant à elle, restée stable. La question de la sobriété reste un axe important de travail à mener pour atteindre les objectifs de la loi sur la transition énergétique, tout en poursuivant la dynamique de production d’énergies renouvelables adaptées aux ressources, usages, fonctionnalités des paysages, comme le bois énergie et la géothermie.

Ces actions se conduiront en lien avec le réseau des acteurs locaux et notamment des 8 EPCI membres du PNR qui vont tous engager leur PCAET.

Le travail d’animation restera central pour engager l’ensemble des acteurs vers une transition énergétique et climatique adapté aux singularités locales.

Références

Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402

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