Biomasse sur le mont Beuvray

Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2023

Le site archéologique de Bibracte et son musée sont situés au sommet du mont Beuvray en Bourgogne, dans le Parc naturel régional du Morvan aux marges des départements de la Nièvre et de la Saône-et-Loire. Labellisé Grand Site depuis 2008, Bibracte se positionne en septembre 2022 comme « un laboratoire territorial de la transition écologique et solidaire au sein du Parc naturel régional du Morvan » (www.bibracte.fr). Cette évolution a été possible grâce aux orientations choisies par le site et le PNR du Morvan, notamment en termes de valorisation des ressources issues des dynamiques de gestion du patrimoine boisé de Bibracte et des environs, et des produits issus de l’exploitation forestière.

À télécharger : guide_transuition_energetique-biomasse_mont_beuvray.pdf (220 Kio)

Le site archéologique de Bibracte au cœur d’une diversité de massifs forestiers

1 – Monts, vallées humides et boisements

Le site archéologique de Bibracte et son musée sont situés au sommet du mont Beuvray en Bourgogne, dans le Parc naturel régional du Morvan aux marges des départements de la Nièvre et de la Saône-et-Loire. Le territoire est principalement occupé par la forêt, se développant densément, avec des expositions variées, sur un sol acide et par endroits sur de fortes pentes. L’agriculture se concentre essentiellement sur l’élevage, constituant un bocage qui tend à se rétrécir avec l’avancée du couvert boisé, notamment en fonds de vallons.. Les pluies sont abondantes et le Beuvray réagit comme une éponge, distribuant l’eau par une quinzaine de sources et de nombreuses vallées.

2 – Le Morvan, des récits d’habitat et de forêt

Bibracte est un oppidum gaulois, ville fortifiée aménagée en surplomb, datant du Ier siècle av. J.-C. La ville antique remplissait d’importantes fonctions économiques, politiques et religieuses et a été la capitale des Éduens. Au sein de l’oppidum, les lieux publics ont été établis en lien avec les grandes entités géographiques. Par exemple le forum était situé sur un col, et tous les axes de ses entrées suivaient des vallons. Le site présente une valeur archéologique remarquable. La ville ayant été abandonnée après la conquête romaine et non reconstruite, les fouilles révèlent directement des constructions du Ier siècle av. J.-C. Bibracte constitue ainsi un site majeur de l’Age du fer en Europe.

Les découvertes archéologiques révèlent à quel point la vie à l’époque Gauloise est marquée par l’utilisation du bois. L’exploitation forestière a été importante pour construire les habitations, alimenter les forges et les systèmes de chauffage.

3 – Rayonnement national de la filière bois et modification de la forêt

À l’époque moderne, l’utilisation du bois du Morvan a rayonné jusqu’à Paris, et cela a modifié les paysages. Au XVIIIe siècle, la capitale compte 250 000 habitants. La population quadruple pour atteindre 1 million d’habitants en 1846. Elle est alors entièrement chauffée par bois bûche (et ce jusqu’en 1850 avec l’essor du charbon). Le Morvan lui fournit les trois quarts de sa ressource en bois. La population du Morvan atteint son apogée au milieu du XIXe siècle. Le bois est transporté jusqu’à Paris par flottage sur l’Yonne depuis Clamecy puis sur la Seine. L’exploitation du massif du Morvan pour la capitale a modifié la forêt. La futaie, écosystème constitué d’une forêt haute avec des arbres élevés destinés à être abattus pour l’exploitation du bois obtenu, est remplacée progressivement par un taillis, peuplement de feuillus issus de rejets de souches. De même, l’exploitation intensive a appauvri les hêtraies. Au milieu du XXe siècle, la plantation de résineux pour régénérer cette forêt surexploitée fait son apparition, avec des plantations d’épicéas puis de douglas.

4 – Forêt sombre, fermeture des paysages et réchauffement climatique

L’équilibre de production sylvicole, agricole et économique est rompu au début du XXe siècle avec le début de la déprise agricole et l’enrésinement ainsi que le changement du mode d’exploitation agricole et forestier. Les grands espaces agricoles du XIXe sont laissés à l’enfrichement ; le bocage pâturé devient moins important, et la forêt de production intensive referme peu à peu les paysages de montagne et de vallées. Les forêts de résineux du Morvan produisent beaucoup et exportent dans toute la France. Les vues et perspectives sur le lointain deviennent des lieux rares importants à préserver. Aujourd’hui, la forêt est largement exploitée, cependant des épisodes de sécheresse amenuisent la ressource en eau. De plus différents ravageurs mettent en danger ces forêts devenues fragiles par leur caractère monospécifique. C’est dans ce contexte sensible que naissent les projets de chaufferie bois exploitant les ressources du Mont Bibracte, tentant à la fois de mettre en valeur le site archéologique et géomorphologique, et d’améliorer la gestion des massifs dans une perspective de durabilité forestière.

Les grandes étapes de la valorisation de la filière bois et des paysages forestiers

1 – Le paysage et la magie des lieux : le site archéologique, immergé sous une forêt séculaire

En 2004 le paysagiste concepteur Claude Chazelle réalise un schéma directeur pour le site du Mont Beuvray commandé par la direction de l’Architecture et du Patrimoine du ministère de la Culture en partenariat avec Bibracte. Ce rapport a servi pour la candidature de Bibracte au label Grand Site de France. Le paysagiste intervient aujourd’hui en conseil auprès de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) de Bibracte, gestionnaire du site archéologique et de son musée depuis 2007. L’étude paysagère a souligné l’importance de la gestion de la forêt pour l’interprétation archéologique du site. En effet les traces archéologiques sont modestes (la plupart des constructions de la ville ayant été réalisées en bois). Les vestiges archéologiques sont révélés par la mise en valeur de la géomorphologie du site.

Trois principes ont été retenus :

2 – L’énergie de la biomasse issue de la forêt

La démarche énergétique a été secondaire dans l’élaboration du projet. Elle a découlé de l’ensemble des dynamiques de gestion du patrimoine boisé de Bibracte et des environs, pour aller vers une valorisation des produits issus de l’exploitation forestière, qui jusqu’à présent n’avaient pas de débouchés. C’est l’essai réussi d’une chaudière communale à plaquettes forestières sur la commune de Millay qui a servi d’exemple à Bibracte. En 2007 une première chaufferie bois pour le musée de Bibracte est installée par l’EPCC. L’aspect financier a été un moteur du projet : le musée était un grand consommateur de fioul (environ 55 000 L par an). L’augmentation du prix au litre dans les années 2000 a impacté le budget de fonctionnement.

L’installation a eu un effet de levier. En 2014, la commune de Glux-en-Glenne installe sa chaudière communale, qui alimente également le centre de recherche archéologique de Bibracte puis par la suite différents bâtiments de la commune et du site de Bibracte. La commune a également amélioré l’isolation de ses bâtiments dans le cadre d’un dispositif certificat d’économie d’énergie (CEE), avec la réfection d’une cinquantaine de fenêtres et velux.

Le bois (paysage et fragment) comme commun : une gestion mutualisée de l’énergie

1 – Gestion commune du domaine forestier et des paysages

L’EPCC de Bibracte assure la gestion d’un domaine forestier de 950 ha par délégation de l’État à hauteur de 800 ha et du Parc naturel régional du Morvan pour 150 ha. L’Office National des Forêts (ONF) est associé à l’EPCC comme opérateur technique apportant un savoir-faire et une expertise. Un plan de gestion est établi sur 25 ans. Pour assurer la qualité de la gestion forestière du site, L’EPCC s’est tourné vers deux certifications labellisées. La Certification du massif au titre des labels PEFC (Program for the Endorsement of Forest Certification schemes) et FSC (Forest Stewardship Council). Six propriétaires : l’EPCC, le PNR, le Département de la Nièvre, la ville d’Autun, le Conservatoire des espaces naturels de Bourgogne se sont regroupés au sein de l’association Groupe d’Histoire des Forêts Françaises (GHFF) pour supporter les coûts d’audit et promouvoir une gestion responsable de la forêt, en attestant de la qualité des peuplements, de la qualité d’exploitation et du suivi des boisements.

2 – Évolution choisie du paysage forestier

La gestion du domaine forestier est fondée sur la volonté de diversification des boisements. L’aménagement forestier a pour volonté d’irrégulariser les peuplements de résineux monospécifiques en termes d’espèces, avec la ré-introduction de feuillus. Des éclaircies, fortes, mais peu fréquentes, sont réalisées tout les 7 à 10 ans à l’intérieur des remparts de l’oppidum de Bibracte, et à l’extérieur tous les 5 ans. L’entretien est réalisé par l’ONF et les coupes productives par des prestataires extérieurs. Les recettes de la production de bois permettent l’entretien du site. Une gestion pied à pied des arbres est préférée à l’intérieur des remparts. La gestion forestière du massif tend à promouvoir le savoir-faire sylvicole et apporter localement la preuve d’une sylviculture plus adaptée et consciente des enjeux actuels : choix des essences, type de coupe, gestion du sol,…

3 – Des paysages et des ressources énergétiques en péril

La forêt reste un écosystème fragile. Les dernières années de stress hydrique connues par la région ont fortement affaibli les peuplements. Depuis la sécheresse de 2003 les arbres présentent des symptômes dus au manque d’eau. De fréquentes épidémies de scolytes, coléoptères creusant des galeries sous l’écorce des épicéas, ont obligé l’ONF à procéder à des coupes rases sanitaires sur 95 ha ces cinq dernières années. Ces coupes rases invitent à repenser la plantation et la gestion des boisements sur les parcelles concernées, en intégrant le potentiel de la filière énergie.

Architectures et lieux de la filière bois énergie

La filière locale se matérialise par deux chaudières bois. La première chaufferie alimente le musée archéologique. Elle est en circuit fermé et est située au sous-sol du musée, invisible depuis l’extérieur. L’acheminement des plaquettes est assuré par les services techniques de Bibracte. La deuxième chaudière se situe dans le bourg de Glux-en-Glenne. Elle se matérialise sous la forme d’un petit bâtiment à proximité d’une zone de stationnement et en continuité avec les habitations. Elle est peu visible. L’EPCC s’est approprié les préconisations de l’étude de Claude Chazelle pour déterminer le site d’implantation. Le paysagiste a été consulté régulièrement durant la réflexion, et a validé les choix finaux.

La filière se caractérise également par le bâtiment de stockage, mutualisé avec le local technique de la commune. Il est situé en amont du bourg du village dans le hameau de l’Echenault. Il suit la forme des constructions du hameau ainsi que leur orientation. Il permet le stockage du bois, le broyage par partenaire externe et le stockage du broyat. Son emplacement a été pensé avec le paysagiste et le PNR. Cependant la volonté d’utiliser des matériaux locaux a échoué, aucune scierie ne proposant de bois pour le bardage.

Le stockage du bois avant broyage a été installé dans cinq clairières sur des parties facilement accessibles, sur les contreforts du Mont Beuvray, entre le centre archéologique et le musée.

Le bois broyé pour les plaquettes vient exclusivement des massifs forestiers du mont Beuvray situé à 4 km du hangar à plaquettes.

Bibracte et Millay, exemples pilotes des chaufferies plaquettes du Morvan

La commune de Millay est la première commune du Morvan à se munir dès 1988 d’une chaufferie bois par plaquettes, et c’est également la première chaufferie collective qui permet de chauffer des bâtiments collectifs. Le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) des producteurs de bois de Millay est créé en 1992 afin de produire des plaquettes.

« L’approvisionnement des chaufferies de Millay par le GIE permet de jeter les bases d’une filière locale et durable. » Le Bois Énergie dans le Morvan, PNR Morvan, mai 2018

La commune de Millay devient ainsi un modèle pour la région. En 1999 la ville d’Autun met en service une chaudière de 8 MW en remplacement de deux chaufferies au fuel. Connectée au réseau de chauffage urbain de la ville et fonctionnant d’octobre à mai, elle couvre actuellement 70 % des besoins, soit 3 500 logements. Quatre emplois ont été créés : trois en logistique, un en maintenance.

Le Parc Naturel Régional du Morvan accompagne ces démarches depuis les années 1990 et se dote d’un chargé de mission énergies renouvelables en 2002. Dès lors, le nombre de chaufferies ne cesse de croître. À partir de 2008, le PNR travaille sur la possibilité pour les communes de déléguer au syndicat d’énergie départemental la compétence de création et gestion d’un réseau de chaleur bois pour permettre de faciliter la mise en place de chaudières pour de petites communes. Le PNR compte désormais une soixantaine de chaufferies bois communales et le réseau s’étend sur un quart des communes du Parc.

Aujourd’hui le parc recherche une optimisation des installations existantes et des extensions de réseaux comme celui de Glux-en-Glenne. Des dispositifs de l’ADEME et de la région Bourgogne–Franche-Comté permettent de financer en partie ces installations.

Références

  • Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402

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