Mise en place d’une équipe mobile de prévention des expulsions locatives dans le département du Maine-et-Loire

août 2023

L’ADIL du Maine-et-Loire porte depuis 2016 une action de mise à disposition des ménages menacés d’expulsion au stade du commandement de payer (CDP) de la procédure d’expulsion. Cette action s’articule depuis fin 2022 avec une mission d’« aller vers » les ménages inconnus des services sociaux du parc privé sans personne à charge. Celle-ci s’inscrit dans le contexte du déploiement en fin d’année 2021 d’« équipes mobiles » de prévention des expulsions déployées sur 26 territoires pré-ciblés. Alors même que le Maine-et-Loire n’était pas ciblé dans l’Appel à Projet national ciblant ces 26 territoires, l’Etat local a sollicité l’ADIL pour mettre en place une action similaire afin de favoriser l’accompagnement des ménages du parc privé pour lesquels les acteurs locaux ne disposaient que de peu d’informations. Il s’agissait également, en lien avec une association spécialisée dans l’accompagnement social et porteuse de dispositifs d’intermédiation locative (IML) de maintenir les ménages dans leur logement en capacité de s’acquitter de leur dette via le recours à l’IML.

Contexte territorial1

Le département du Maine-et-Loire se trouve à la synthèse de plusieurs réalités, de la ruralité, prégnante dans le paysage, à l’attractivité estudiantine d’Angers, en passant par le maillage intermédiaire des villes moyennes de Cholet ou de Saumur. Du point de vue de la plupart des indicateurs, la situation du Maine-et-Loire est au vert : dynamisme démographique, faible niveau d’inégalités et de pauvreté, secteur tertiaire dynamique, agriculture diversifiée, industrie qui reste bien ancrée. Toutefois, derrière ce portrait positif, certains territoires apparaissent nettement plus en difficulté et leurs problématiques locales méritent d’être mises en lumière. Peuvent par exemple être citées :

Contexte de mise en place de la mission

Dans le contexte de la crise sanitaire, le gouvernement s’est engagé pour la prévention des expulsions locatives en annonçant en octobre 2020 le déploiement dès le début de l’année 2021 de 26 équipes mobiles de prévention des expulsions dans les départements les plus tendus en matière de logement. Cette action s’inscrivait dans le cadre de l’acte II de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Le Maine-et-Loire ne faisait pas partie des 26 départements pré-ciblés dans ce cadre. Néanmoins, la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS) du Maine-et-Loire a sollicité l’ADIL afin qu’elle puisse également mettre en place une mission d’« aller vers » aux côtés d’une autre association. La mission de l’équipe mobile a alors démarré en octobre 2022.

La priorité pour la DDETS était de maintenir les locataires dans les lieux via notamment le déploiement de solutions d’intermédiation locative (IML). Cela l’a conduite dans un premier temps à solliciter l’association Aide Accueil, spécialisée dans le travail social et réalisant des actions d’IML. La DDETS ayant pu mobiliser des lignes de financement supplémentaires, l’ADIL a rapidement été associée.

Au-delà du contexte de parution de l’appel à projet national, la DDETS s’est également tournée vers l’ADIL compte tenu des missions qu’elle mettait d’ores et déjà en place en matière de prévention des expulsions. A savoir, une mission socle d’information des locataires et des bailleurs à tous les stades de la procédure ainsi qu’une action de mise à disposition des ménages au stade du commandement de payer. Le déploiement de cette action par l’ADIL a fait suite à l’obligation pour les huissiers, à partir de 2016, de transmettre les commandements de payer du parc privé aux commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX). Sur un total de 250 à 300 CDP par an, l’ADIL parvenait à entrer en contact et à accompagner un tiers des ménages. L’Etat local était donc convaincu de l’intérêt d’un « aller vers » renforcé en direction des ménages inconnus des services sociaux.

En sollicitant les deux associations, l’objectif de la DDETS était alors double : rééquilibrer les prises en charge des ménages selon leur statut de locataire du parc privé ou du parc social via un aller-vers à destination des locataires du parc privé ; maintenir les ménages dans les lieux grâce notamment à l’intermédiation locative (IML). Cela, dans les cas où le logement reste adapté aux capacités financières des ménages mais que les propriétaires ne souhaitent pas poursuivre le bail. Dans ces cas de figure il s’agirait alors de proposer une résiliation du bail du locataire et une nouvelle signature de bail avec l’association pour réaliser une intermédiation locative et maintenir le locataire dans les lieux.

Public accompagné

Afin de rééquilibrer la prise en charge des ménages locataires des parcs privés et sociaux, la mission d’aller vers de l’ADIL a été ciblée en direction des ménages du parc privé inconnus des services sociaux sans personne à charge.

Le périmètre des ménages « inconnus des services sociaux » a nécessité des ajustements et a ainsi évolué au fil de la mission. A titre d’exemple, au démarrage du dispositif, les personnes ayant consulté la maison départementale des solidarités (MDS) dans les deux mois suivant la réception du commandement de payer (CDP) n’étaient pas intégrées dans le périmètre de l’équipe mobile. Celui-ci a été réajusté pour intégrer ces ménages dans la mesure où il s’est avéré que ces consultations n’étaient pas nécessairement en lien avec les impayés. De la même manière, l’intégration dans le périmètre des ménages allocataires de la CAF a lui aussi évolué. Au démarrage de la mission, aucun de ces ménages n’était pris en charge par l’ADIL. Aujourd’hui, l’ADIL peut être amenée à accompagner des allocataires de la CAF lorsqu’il s’agit de personnes isolées sans personne à charge. Il peut également arriver que des « parents non gardiens » ne soient pas identifiés par la CAF lorsque le jugement n’a pas encore été rendu par le juge aux affaires familiales. Dans ce cas, l’accompagnement est réalisé par l’ADIL dans un premier temps puis le parent isolé est réorienté vers la CAF.

Les ménages accompagnés sont constitués en grande partie de salariés du secteur privé et comprennent également beaucoup de personnes âgées et de jeunes.

Stade de la procédure

L’enjeu pour l’équipe mobile est d’intervenir le plus en amont possible. En novembre 2022, soit un mois après le démarrage de la mission, se posait la question, alors non tranchée, de l’accompagnement des ménages en phase avale lorsque les ménages n’avaient pu être mobilisés ni au stade de la mise à disposition lors du commandement de payer ni par l’équipe mobile ultérieurement.

Au stade de l’assignation, l’équipe mobile envisageait de mettre en place un accompagnement alors que son positionnement n’était pas tranché concernant le stade du commandement de la force publique (CFP).

Se posait également la question de la clôture des dossiers lorsque les ménages quittent leur logement ainsi que du suivi de leur situation. Certaines personnes pouvant en effet avoir donné leur préavis mais se retrouver à la rue, posant ainsi la question de leur réorientation et de leur accompagnement.

Organisation

L’équipe mobile interne à l’ADIL est composée d’un équivalent temps plein (ETP) de juriste et d’un ETP de travailleuse sociale. Ce binôme travaille également en lien avec une travailleuse sociale à temps plein de l’association Aide Accueil, spécialisée dans l’accompagnement social. La juriste de l’ADIL est également mobilisée pour la coordination des deux dispositifs.

L’action de l’équipe mobile s’articule avec la mission conduite par l’ADIL depuis 2016 au stade du commandement de payer selon les modalités suivantes :

Une fois cette liste réceptionnée, l’ADIL articule sa mission de mise à disposition au stade du commandement de payer et sa mission d’équipe mobile de la manière suivante :

Réalisation des DSF au stade de l’assignation.

L’ADIL effectue le DSF au stade de l’assignation, uniquement pour les locataires ayant répondu aux premières sollicitations. A l’échelle du département, au stade de l’assignation, les DSF sont ainsi effectués : 1. par l’ADIL pour les locataires du secteur privé inconnus des services sociaux et sans personne à charge ; 2. par les travailleuses sociales de la CAF pour les familles allocataires ; 3. par les travailleuses sociales du conseil départemental pour les personnes sans personne à charge déjà accompagnées lors de l’assignation. Les échanges tripartites se font lors du passage de relais.

 

NB : Au démarrage de la mission, un second courrier, de relance, était adressé aux ménages 15 jours après le premier courrier de mise à disposition puis, en l’absence de retour des ménages, l’équipe mobile était alors mobilisée 15 jours après ce second courrier, soit un mois après la première prise de contact. Ce plus long délai avait été mis en place dans la mesure où, au démarrage de la mission, l’association Aide Accueil pensait être seule à réaliser l’aller vers. Il a pu être réduit lorsqu’a été confirmée la participation de l’ADIL à cet aller vers.

Intégration d’une travailleuse sociale au sein de l’ADIL

Une travailleuse sociale a été recrutée en interne à l’ADIL en octobre 2022 pour conduire cette mission d’équipe mobile. L’ADIL 49 comptait déjà dans ses effectifs un poste de travailleuse sociale depuis 2010 en lien avec la conduite d’une mission d’accompagnement des accédants en difficulté (AED). Il existait donc déjà une certaine habitude du travail en commun entre juristes et travailleuses sociales.

Un temps d’ajustement a néanmoins été nécessaire dans le cadre de cette mission afin de bien définir les rôles et missions de chacune. La régularisation des charges est par exemple réalisée par la juriste. Celle-ci analyse l’ensemble des commandements de payer et alerte les travailleuses sociales le cas échéant (provision pour charges élevée…).

La difficulté qui demeure pour l’intégration de travailleuses sociales en ADIL est liée à la culture professionnelle à dimension juridique de l’ADIL, de fait éloignée de la culture professionnelle à dimension sociale des travailleuses sociales. Cela pose donc la question des modalités d’intégration de ces dernières en ADIL.

Cette question est d’autant plus fondamentale que l’ADIL note une vraie plus-value de disposer d’une travailleuse sociale en interne. Le partage d’informations et la communication sont largement facilitées puisqu’elles se font au jour le jour, au contraire de la collaboration avec la travailleuse sociale de l’association Aide Accueil qui se fait uniquement par le biais de réunions hebdomadaires.

Premiers résultats

La mission d’équipe mobile ayant démarré en septembre 2022, les résultats observés à la date de réalisation de l’entretien en novembre 2022 sont donc partiels, mais néanmoins encourageants :

Ces résultats mettent donc en lumière la plus-value de l’aller vers. Les situations peuvent par ailleurs être parfois rapidement résolues grâce à la neutralité et au rôle d’intermédiaire joué par l’ADIL. Cela, par exemple, lorsqu’il y a des erreurs de prélèvement de la part de l’agence alors que le locataire a repris les paiements. L’ADIL peut alors jouer le rôle d’intermédiaire entre le locataire et l’agence si les contacts entre les deux sont devenus « tendus ».

Mode de contact des ménages

Le mode de contact qui « fonctionne » va dépendre des ménages. Pour l’ADIL, il s’agit de multiplier les modes de contact et de s’adapter au ménage en fonction de ce à quoi il est le plus réceptif. L’ADIL ne dispose pas de suivi statistique de ce qui fonctionne pour chaque ménage, ce suivi apparaissait comme trop complexe. Elle note une bonne réceptivité des avis de passage laissés dans la boîte aux lettres des ménages et des courriers de convocation fixant un rendez-vous. La travailleuse sociale a également rédigé un courrier manuscrit à l’attention des ménages pour faciliter leur adhésion. Ce courrier est mieux perçu par les ménages et peut faciliter la prise de contact.

Articulation avec les travailleuses sociales du territoire

L’articulation avec les autres travailleuses sociales du territoire a nécessité un temps de calage en démarrage de mission, notamment dans la mesure où l’ADIL est en charge de la réalisation du diagnostic social et financier (DSF) au stade du commandement de payer dans le cadre de sa mission de mise à disposition, alors que le DSF au stade de l’assignation est une prérogative des travailleuses sociales du conseil départemental. De ce fait, un ménage ayant été accompagné par l’ADIL au stade du CDP peut être convoqué par une travailleuse sociale du conseil départemental s’il se retrouve assigné.

Une réunion s’est tenue en novembre 2022 avec le conseil départemental afin de déterminer les modalités d’articulation entre les deux structures. Plusieurs pistes étaient envisagées, notamment la conduite d’échanges tripartites, ou la réalisation de fiches de liaison.

A noter également, une appréhension de certaines travailleuses sociales du conseil départemental compte tenu du recoupement de leurs missions avec elles de l’équipe mobile. Certaines, au contraire, accueillent très favorablement la mission de l’équipe mobile compte tenu de leur manque de disponibilité pour accompagner l’ensemble des ménages.

Enfin, se pose la question de la complétude du conseil apporté, à dimension sociale pour le conseil départemental et à dimension juridico-sociale pour l’ADIL et l’association Aide Accueil.

Partenaires

L’ADIL travaille en partenariat étroit avec Action Logement dans la mesure où de nombreux ménages contactés et / ou accompagnés sont salariés du secteur privé.

La mise en place de cette action devra également permettre de développer un certain nombre de partenariats, parmi lesquels notamment : les commissaires de justice, la maison de justice et du droit, les avocats, les magistrats, la commission de surendettement, les agences immobilières, etc.

Des échanges se mettent également en place avec le chargé de mission PEX embauché par le département.

Enjeux de formation des travailleurs sociaux et des juristes

Quatre temps de formation juridique sont prévus à l’attention des travailleurs.euses sociales du territoire.

Par ailleurs, les missions en matière de prévention des expulsions nécessitent des connaissances juridiques pointues concernant notamment l’articulation avec la procédure de surendettement ou la priorisation des dettes. Il existe donc un enjeu de partage des connaissances et de formation des juristes sur la technicité du droit dans ce domaine ainsi qu’un enjeu de lisibilité des solutions existantes à tous les stades.