Décentralisation et pouvoir traditionnel au Sénégal : entre la légalité formelle et la légitimité historique

Sidiki Abdoul Daff, avril 2000

Dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale (DPH)

Cette fiche présente l’impact de la décentralisation sur les territoires ruraux au Sénégal et la nécessaire prise en compte des traditions et des cultures locales dans la résolution des conflits.

Au Sénégal, malgré la mise en place de l’État moderne de type jacobin importé de la France, le pouvoir traditionnel continue encore à exister. Cette existence est surtout sensible dans les zones rurales. A Gandiaye, commune rurale située dans le département de Kaolack, à côté du maire représentant le pouvoir légal existe le roi de Gandiaye qui continue encore à être sollicité par les populations.

En effet si les pièces d’état-civil se délivrent à la mairie, les conflits sociaux se règlent chez le « Buur Gandiaye » (Roi) et comme il le dit lui-même « beaucoup d’habitants ignorent encore la mairie. Il pensent que la mairie est politisée. J’interviens souvent dans le règlement des conflits de ménage. D’ailleurs le maire n’hésite pas à me convoquer pour trancher des conflits dépassant ses compétences. Contrairement aux autres chefs coutumiers, je n’ai aucun privilège financier, je ne jouis d’aucune indemnité. Pourtant ma demeure fait office de centre d’accueil. Tous les étrangers qui débarquent de nuit à Gandiaye sont la plupart du temps convoyés chez moi, compte non tenu des nécessiteux qui défilent chaque jour pour une quelconque aide ».

En plus, en cas de crise majeure, comme les conflits majeurs pouvant déstabiliser le village ou de calamités naturelles (sécheresse, disette), il est le seul capable de réunir le conseil des notables ou les prêtres pour les prières.

Une politique de décentralisation qui se veut viable doit intégrer les réalités du milieu surtout en Afrique où le pouvoir traditionnel subsiste malgré l’ostracisme qui le frappe. Dans le cas du roi de Gandiaye, il joue un rôle de régulation sociale que les pouvoirs municipaux d’inspiration étrangère et partisans ne peuvent assumer. Le dialogue entre un pouvoir municipal jouissant de la légalité formelle et un pouvoir traditionnel bénéficiant d’une légitimité historique est une voie obligée pour améliorer le système de décentralisation en Afrique.

Références

Fiche du dossier préparatoire au forum des habitants qui s’est tenu à Windhoek, Namibie (12-18 mai 2000) dans le cadre du sommet Africités

CERPAC (Centre d’Etudes et de Recherches Populaires pour l’Action Citoyenne)

En savoir plus

Entre tradition et modernité, quelle gouvernance pour l’Afrique ?, Actes du colloque de Bamako, 23, 24 et 25 janvier 2007

Site de la ville de Gandaye

Site de la région de Kaolack