Le droit au logement dans les textes de loi

Christophe GOLAY, Melik ÖZDEN, 2008

Cette fiche dresse le panorama des textes de lois, à travers le monde, qui traitent du droit au logement.

Le droit au logement est un droit universel. Il est reconnu au niveau international et dans plus de cent constitutions nationales dans le monde. C’est un droit reconnu pour chaque personne.

Les textes internationaux

La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)

Le droit au logement a été reconnu pour la première fois au niveau international dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Dans cette déclaration, les Etats ont proclamé que :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » (article 25).

La force de la Déclaration universelle des droits de l’homme est qu’elle est aujourd’hui signée par tous les Etats.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966)

En 1966, presque 20 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Etats ont adopté le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), dans lequel ils ont notamment reconnu le droit au logement. Dans son article 11, les Etats se sont engagés à prendre les mesures nécessaires pour réaliser « le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris (…) un logement suffisant, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les Etats parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie. »

Ce pacte est juridiquement obligatoire pour tous les Etats parties (156 en juillet 2007).

Les textes européens

La Charte sociale européenne révisée (1961, révisée 1996)

La Charte sociale européenne révisée en 1996 protège le droit au logement de manière très explicite. Son article 31 prévoit que « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les Parties s’engagent à prendre des mesures destinées : 1. à favoriser l’accès au logement d’un niveau suffisant ; 2. à prévenir et à réduire l’état de sans-abri en vue de son élimination progressive ; 3. à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes. »

La Charte sociale européenne révisée est aujourd’hui obligatoire pour les 24 Etats qui l’ont ratifiée.

Les exemples de mise en oeuvre du droit au logement au niveau national

La plupart des Etats ont adopté des lois, élaboré des politiques et créé des programmes pour améliorer l’accès au logement de leur population. Mais une partie d’entre eux seulement l’ont fait dans le but explicite de réaliser le droit au logement de leur population. Les cas de l’Ecosse et de la France sont ici développés.

Ecosse

Le Royaume-Uni a adopté une loi sur le logement en 1977 – le Housing Act – qui s’applique à l’Ecosse. Cette loi oblige les communes à loger les sans-abris qui ont un lien avec la commune et qui sont dans cette situation pour des raisons indépendantes de leur volonté. Depuis 1977, l’Ecosse a voulu aller plus loin et elle a adopté ses propres lois sur le logement en 1987 et sur les sans-abris en 2001. Le critère du lien avec la commune a été abandonné dans la loi de 2001. Celle-ci oblige les communes à assister toute personne qui est dans le besoin et en situation régulière dans le pays.

La législation écossaise a été encore considérablement améliorée en 2003, quand le parlement a adopté la loi sur le mal-logement. Cette loi reconnaît des droits justiciables aux personnes mal-logées ou sans-abris et fixe la programmation de l’éradication du mal-logement pour 2012. Toute personne considérée comme ayant des besoins prioritaires, comme par exemple une femme seule avec deux enfants, peut exiger un logement adéquat à la commune et aura accès à un tribunal si sa demande n’est pas satisfaite. La loi prévoit que ce droit justiciable à recevoir un logement sera étendu à toute la population vivant en Ecosse le 31 décembre 2012. Dans la perspective de 2013, des outils statistiques ont été créés et des indicateurs permettant de mesurer les progrès réalisés sont utilisés par le gouvernement et la société civile qui veille à la bonne mise en oeuvre de la loi.

France

Le droit au logement a d’abord été reconnu en France dans la loi sur le droit au logement de 1990. Cette loi prévoit que « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation » (article 1). Une loi contre les expulsions adoptée en 1998 consacre également le droit au logement comme un droit fondamental et le Conseil constitutionnel, la plus haute instance juridictionnelle française, reconnaît que le droit au logement est un objectif de valeur constitutionnelle. Cette protection légale est une avancée. Pourtant, elle a été dénoncée par beaucoup comme étant incomplète, notamment parce qu’elle ne prévoit aucun recours devant la justice en cas de non-respect du droit. Son application concrète est aussi sujette à caution puisque la situation n’a cessé de se détériorer de 1990 à 2006. En 2006, la Fondation Abbé Pierre dénonçait l’(in)action du gouvernement devant une situation catastrophique : une augmentation des expulsions forcées, trois millions de personnes mal-logées et près de 900 000 logements manquants pour couvrir l’ensemble des besoins.

Face à cette situation, la France a mené un débat national en 2007 sur la nécessité de reconnaître un droit au logement opposable (justiciable) dans une nouvelle loi. Le débat a été utile et une nouvelle loi sur le droit au logement opposable a été adoptée en mars 2007 (loi DALO). Cette nouvelle loi est en apparence très progressiste. Elle reconnaît le droit à un logement décent et indépendant à toute personne résidant régulièrement sur le territoire français et qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens. Elle prévoit un accès à la justice pour les victimes en cas de non-respect de la loi et crée un comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement. Comme dans la loi écossaise, elle prévoit des étapes permettant à une première catégorie de la population de pouvoir recourir devant la justice en cas de violation du droit au logement dès le 1er décembre 2008 – les personnes avec des besoins prioritaires – avant qu’une nouvelle catégorie de personnes puisse le faire à partir du 1er janvier 2012.

Malgré ses promesses, cette nouvelle loi a été violemment critiquée par la société civile et les milieux académiques. Le premier reproche que lui ont fait les ONG est qu’elle ne protège que les personnes établies régulièrement en France, alors qu’une part importante des sans-abris est constituée de personnes sans autorisation de séjour. Les ONG reprochent également au gouvernement son inaction dans les mois qui ont suivi l’adoption de la loi, alors que des mesures concrètes doivent être prises rapidement pour sa réalisation.

Enfin, la critique la plus radicale est venue des experts en droit constitutionnel, qui ont dénoncé une loi tellement complexe qu’elle ne veut en fait rien dire. Les prochaines années seront donc décisives pour voir si l’adoption de cette loi de 2007 aura permis d’améliorer la situation des sans-abris et des mal-logés en France.

Références

Cette fiche a été initialement publiée dans le n°1 de la Collection Passerelle. Vous pouvez retrouver le PDF du numéro Europe : pas sans toit ! Le logement en question

En savoir plus

Sur la reconnaissance du droit au logement au niveau international, voir :

  • Legal Resources for Housing Rights. International and National Standards, 2000

  • ONU-Habitat, National Housing Rights Legislation, 2006 (3rd Edition)

Sur l’Ecosse :

Sur la loi sur le logement opposable en France :

Texte de la loi DALO