Tousisme durable en Europe

Dimensions du Paysage - Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage

Niek Hazendonk, Marlies Brinkhuijsen, Chantal de Jonge, Hugo de Jong, Dirk Sijmons, avril 2017

Tiré du chapitre consacré au Paysage et Loisirs en Europe, ce texte correspond au 7e point du chapitre. Abordant de manière précise la question du tourisme durable, il établit les bases d’une prise en compte transversales du tourisme, du paysage, de l’aménagement et de la gestion dans le cadre de la transition.

Lorsque l’Union européenne a commencé à s’intéresser à la question du tourisme, elle a tout de suite pris en compte la dimension environnementale du secteur. Au milieu des années 1990, le Livre vert de la Commission sur le rôle de l’Union en matière de tourisme (DOCE 97/1995 du 4 avril 1995, série COM) soulignait que l’un des objectifs de l’Union en matière de tourisme était de contribuer au développement durable. Le programme Philoxenia proposait des mesures visant à développer un tourisme européen de qualité par la promotion de la durabilité. Ainsi, il prévoyait la mise en place de systèmes de gestion respectueux de l’environnement ainsi qu’un prix européen du tourisme et de l’environnement.

Le prix avait trois objectifs :

Le secteur du tourisme a fortement bénéficié de l’aide européenne. De nombreux programmes de financement ont été mis en place et certains programmes de subventions destinés à des projets environnementaux bénéficient également aux acteurs du secteur du tourisme. L’instrument financier de l’Union européenne LIFE soutient divers projets favorables au tourisme durable, comme la protection des ressources naturelles, culturelles ou traditionnelles dans les régions qui en dépendent économiquement, ainsi que des projets développant de nouveaux concepts de protection environnementale. Dans le cadre du Plan d’action de la Commission pour soutenir le tourisme, plusieurs projets pilotes en faveur du tourisme durable ont été soutenus financièrement : par exemple, le projet transnational intitulé « Pour une mobilité douce dans les stations et les régions touristiques » (Eckert et Cremer, 1997). Cependant, l’absence de véritable politique européenne commune dans le domaine du tourisme peut être considérée comme le principal obstacle à la réalisation des objectifs fixés dans le secteur. L’idée qui a toujours prévalu et qui prévaut encore est que les activités touristiques relèvent principalement de l’échelon national, régional ou local et que les actions européennes ne doivent que les compléter. En conséquence, les mesures prises au niveau européen s’avèrent inefficaces et relèvent davantage de l’intention que de la décision.

La participation de l’ensemble des secteurs concernés

Au début du xxie siècle, la nécessité d’un tourisme durable dans les États membres de l’Union européenne a commencé à être largement ressentie et les initiatives en la matière sont devenues une priorité.

Pour atteindre cet objectif, l’Union européenne s’est appuyée sur les lignes directrices internationales en la matière. Parmi ces textes, on peut citer le programme Action 21 pour l’industrie du voyage et du tourisme, élaboré en 1999 par le WTTC, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) et le Conseil de la Terre, le Code mondial d’éthique du tourisme, adopté par l’Assemblée générale de l’OMT qui insiste sur le principe de durabilité, le document intitulé « Lignes directrices internationales sur le tourisme durable » (PNUE) et la Convention sur la diversité biologique. La Commission européenne a rédigé un Livre blanc intitulé « La politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix » en vue de développer des modes de transports touristiques plus efficaces et plus durables. La Commission a également élaboré les orientations de base pour la durabilité du tourisme européen (21-11-2003, COM/2003/716), qui définit les mesures à mettre en oeuvre par l’Union européenne et invite l’ensemble des parties ayant un intérêt dans le secteur du tourisme à s’investir, à savoir l’Union européenne elle-même, les organisations internationales, les États, les collectivités locales, les acteurs privés et enfin les citoyens et les touristes. Parmi les mesures phares, on peut citer la création en 2004 d’un groupe chargé d’oeuvrer au développement d’un tourisme européen durable (constitué de représentants d’associations professionnelles, de destinations touristiques, de syndicats, d’organisations de la société civile, d’administrations des États membres et d’organisations internationales) et l’élaboration de l’Agenda 21 européen pour le tourisme (Villanueva-Cuevas, 2011).

L’Agenda 21 européen pour le tourisme L’Agenda pour un tourisme européen compétitif et durable (19.10.2007, COM/2007/621 final) insiste sur la nécessité de développer une industrie du tourisme européenne plus compétitive et plus respectueuse de l’environnement. C’est-à-dire un tourisme durable, cette qualité le différenciant des autres destinations émergentes.

Pour y parvenir, la mise en place de politiques publiques fondées sur la gestion durable des destinations et la prise en compte de la notion de durabilité dans les actions des entreprises et des touristes est fondamentale (Villanueva-Cuevas, 2011). La Commission a défini les principes suivants et invité l’ensemble des parties à les respecter :

La Commission a encouragé l’ensemble des parties concernées par le secteur du tourisme à accroître leur degré de participation. En outre, elle a reconnu sa responsabilité d’action dans ce domaine et s’est engagée à poursuivre son rôle d’initiatrice au niveau européen avec les objectifs suivants :

Jusqu’alors, les initiatives en faveur de la durabilité s’inscrivaient dans le cadre de politiques sectorielles spécifiques qui influençaient le tourisme, comme la politique des transports, ou dans le cadre d’actions isolées visant à la protection de territoires de l’Union européenne soumis à un tourisme excessif, le Protocole sur le tourisme de la Convention alpine.

L’Union européenne n’avait pas le pouvoir d’imposer aux États membres une véritable politique dans le secteur du tourisme et du paysage. En effet, depuis que l’Union européenne s’intéresse à ces questions, il a été décidé que les principales initiatives en faveur du tourisme devaient être majoritairement prises au niveau local, parce que les États membres, les régions et les entités locales avaient une connaissance plus directe des problèmes liés au tourisme et pouvaient trouver plus rapidement des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire. Ainsi, il était nécessaire que les initiatives de l’Union européenne dans le secteur respectent scrupuleusement le principe de subsidiarité. Les mesures européennes ne pouvaient donc qu’apporter une valeur ajoutée aux actions de chaque État. Si de nombreuses personnes ont demandé qu’un chapitre spécifique consacré au tourisme soit inclus dans les Traités constitutifs, cette proposition a été systématiquement rejetée, en raison des possibilités d’action limitées de l’Union européenne, du manque de ressources budgétaires, de l’insuffisance des ressources humaines au sein de l’organisation commune du secteur, du manque de coordination des initiatives menées par les États membres, etc. Cependant, au début de ce siècle, divers facteurs ont contribué de manière décisive à modifier la stratégie de l’Union européenne en matière de tourisme : le tourisme européen est en croissance, mais sa croissance est inférieure à la moyenne mondiale, en particulier en comparaison des destinations émergentes. De même, il devient nécessaire de répondre aux nouveaux défis posés par le tourisme (nouvelles destinations internes, concurrence extérieure, manque de main-d’oeuvre qualifiée, qualité des services, adoption de l’euro, déréglementation des transports publics). L’ensemble de ces facteurs imposent de développer une meilleure coordination. En conséquence, un cadre stratégique a été élaboré en vue de mettre en place une véritable politique commune en matière de tourisme.

Cette tendance s’est concrétisée par sa prise en compte dans le Traité de Lisbonne (article 195 du texte consolidé du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, DOCE, 30.03.2010, C 83/47), qui a conféré à l’Union européenne des pouvoirs spécifiques et substantiels pour permettre de soutenir, de mener à bien et de coordonner les actions des États membres, tendant ainsi vers une action plus claire et plus cohérente, et non limitée à la coordination du respect des dispositions légales et réglementaires par les États membres. Assurément, des résultats ont été obtenus grâce à ce nouveau cadre d’action : dans le domaine du tourisme durable, par exemple, la réunion ministérielle informelle organisée par la présidence espagnole du Conseil, tenue le 15 avril 2010, a constitué une étape décisive dans l’objectif d’obtenir l’engagement de l’Union européenne et de l’ensemble des États membres à oeuvrer en faveur d’un secteur du tourisme plus compétitif, plus durable, plus moderne et plus socialement responsable. En juin 2010, la Commission a présenté une communication fondée sur ces nouveaux pouvoirs qui décrivait diverses mesures visant à favoriser le tourisme européen ainsi que son évolution et son adaptation à la conjoncture économique difficile actuelle (Communication de la Commission européenne, « L’Europe, première destination touristique au monde : un nouveau cadre politique pour le tourisme européen », Bruxelles, 30.06.2010, COM (2010) 352 final). Ce nouveau cadre, que la Commission tente d’établir en faveur du tourisme, repose sur quatre idées centrales fondamentales, dont l’une est de promouvoir le développement d’un tourisme durable, responsable et de haute qualité. Pour atteindre cet objectif, la Commission propose de prendre une série de mesures :

Faire de la durabilité l’identité du tourisme européen

L’Union européenne n’envisage pas les actions en faveur de la durabilité de la même manière que les autres actions menées dans le secteur du tourisme. Il ne s’agit pas d’une ligne d’action parmi d’autres. Désormais, seul le tourisme durable sera pris en considération. La Commission associe à un tel point la compétitivité, la qualité et le développement du modèle touristique européen à la durabilité qu’elle considère que l’avenir de ce secteur sera étroitement lié à la qualité de l’expérience touristique, dont la durabilité fait partie intégrante. Pour elle, on ne devrait plus parler de tourisme européen sans parler de tourisme européen durable. Cependant, cela ne doit pas nous faire oublier comment le tourisme a été traité par l’Union européenne. Même si l’Union possède à présent de nouveaux pouvoirs qui peuvent lui permettre de coordonner, de compléter et de soutenir les initiatives des États en faveur d’un tourisme durable, il appartient toujours aux États de développer de tels projets, et leur capacité à les mener à bien dépendra de leur évolution (Villanueva-Cuevas, 2011). Dans ce contexte, le rôle des institutions européennes, Conseil de l’Europe y compris, sera d’enseigner aux États membres et aux régions que l’avenir du tourisme européen doit être fondé sur la durabilité, en tant que vecteur de qualité et de compétitivité, mais de sorte que cette caractéristique soit la « marque de qualité » du tourisme européen et non pas une simple caractéristique de plus.

Et selon nous, les paysages, constituent une carte maîtresse pour présenter l’Europe sous cette marque de qualité. Le paysage doit donc être pris en compte dans la politique européenne et mis en relation étroite avec la nouvelle conception de la politique touristique au niveau européen.

Références