Les déterminants des retards scolaires et la possibilité de les compenser : des résultats qui décoiffent

Pierre Calame, janvier 1975

Résultats d’une étude exhaustive sur les déterminants des retards scolaires dans la région de Valenciennes en 1973 : corriger les idées reçues.

À télécharger : scolarisation_en_maternelle_et_scolarite_primaire.pdf (35 Mio)

Comment y voir clair dans les différents facteurs liés entre eux qui sont susceptibles d’influencer les performances scolaires des enfants de primaire ? Faut-il s’en tenir à des idées simples comme le déterminisme social ou les mérites individuels ? La scolarisation précoce en maternelle est-elle de nature à compenser les handicaps sociaux ou familiaux des enfants face à l’école ? Les enfants immigrés réussissent-ils mieux ou moins bien que les enfants d’origine française ? Les établissements privés sont-ils plus sélectifs que les établissements publics qui favorisent la mixité sociale ?

Pour avancer des réponses un peu solides à toutes ces questions, il faut travailler sur une population nombreuse d’enfants et disposer des méthodes adaptées pour faire le tri entre toutes les données. Une collaboration absolument originale entre le Commissariat au Plan, le Ministère de l’Equipement et le Ministère de l’Education nationale a permis de réunir toutes ces conditions en 1973. Toutes les écoles de l’arrondissement ont contribué à l’enquête relevant un grand nombre de données pour chacun des 40 000 enfants scolarisés dans l’arrondissement. Ce processus exceptionnel a permis de repartir de la trajectoire scolaire de tous les élèves.

A cette époque, la pratique du redoublement quand un élève n’avait pas le niveau souhaité était la règle de sorte que le retard scolaire constituait une mesure significative de la performance scolaire des enfants. Nous pouvions, grâce au patronyme des enfants, indiquer leurs origines familiales pour les enfants français d’origine étrangère, ce qui est impossible dans les travaux officiels en France.

Si, sans surprise, l’origine sociale des parents à une grande influence sur les résultats scolaires, d’autres facteurs, à origine sociale égale, jouent un rôle essentiel, en particulier le nombre d’enfants dans la famille ou le travail de la mère à l’extérieur. La scolarisation précoce en maternelle permet aux enfants de mieux passer le cap du CP mais son influence s’atténue vite par la suite. Les établissements de l’Enseignement public accueillent certes toute les classes sociales mais l’analyse fine des écoles montre que c’est dans le public que l’on trouve à la fois les classes réunissant les élèves dotés du plus grand capital culturel et le classes accueillant les élèves les moins bien dotés, ce qui relativise l’idée que le public est favorable à la mixité sociale.

Tous ces résultats dessinent une école qui favorise les familles les plus proches de l’univers de l’école, en particulier les familles peu nombreuses où les parents « misent » sur l’école et ont le temps et la volonté d’accompagner l’effort scolaire des enfants.