PAP 83 : Une recherche-action sur les plateaux calcaires de l’Yonne et de la Nièvre
Laurent Lelli, Lucie Liège, juin 2025
Le Collectif Paysages de l’Après-Pétrole (PAP)
L’intensification agricole et la mondialisation ont rompu les liens séculaires avec les terroirs et bouleversé les pratiques alimentaires. Pour « rétablir ces différents équilibres et ménager un avenir souhaitable pour le socle terrestre qui assure notre existence, un levier existe : chercher à raviver l’ancrage territorial des produits de la terre auprès des habitants comme des agriculteurs qui la cultivent ». Laurent Lelli, géographe, chercheur à l’UMR Territoires de Clermont-Ferrand et Lucie Liège, chargée du programme Eau, Alimentation, Territoires au CPIE Yonne et Nièvre, présentent le programme « recherche-action » mené sur les plateaux calcaires de l’Yonne et de la Nièvre.
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Les pratiques de l’agriculture se sont transformées au cours des dernières décennies, l’agroalimentaire a industrialisé ses process, induisant l’uniformisation des produits que nous consommons comme des paysages dont ils sont issus. La crise sanitaire récente et les effets du changement climatique ont révélé la faible résilience de ces systèmes. Comment engager leur transformation ?
Pollutions de la terre et des eaux, banalisation des paysages, perte de biodiversité, disparition des sols vivants, altération du climat : l’ensemble du milieu se trouve impacté par les effets de l’intensification agricole tandis que, dans de nombreux territoires, la consommation alimentaire des habitants a perdu tout lien avec la production agricole locale. Si l’on entend rétablir ces différents équilibres et ménager un avenir souhaitable pour le socle terrestre qui assure notre existence, un levier existe : chercher à raviver l’ancrage territorial des produits de la terre auprès des habitants comme des agriculteurs qui la cultivent.
En instaurant le dispositif des projets alimentaires territoriaux (PAT), la loi d’orientation agricole de 2014 a cherché à ranimer ces relations. Philippe Pointereau le formule de façon claire : « Les limites du modèle néolibéral et ses conséquences sur le dérèglement climatique appellent une mutation de nos systèmes de production et de distribution alimentaires » 1. En promouvant les produits de terroir, ce ne sont plus seulement l’authenticité et les valeurs du passé que ceux-ci incarneront, mais plutôt la résilience, la sobriété, le déploiement des énergies renouvelables, l’agroécologie et la lutte contre la précarité. Rapprochant les consommateurs des producteurs, ces initiatives créent en outre un nouveau pacte entre le rural et l’urbain.
Fondés sur les ressources disponibles localement - une forte diversité de productions du champ à l’assiette et de nouvelles formes de démocratie dans les échanges, les informations disponibles et la participation de chacun -, les systèmes territorialisés semblent à même de pouvoir assurer une part importante de la subsistance des territoires, dans le contexte des crises socio-économiques et environnementales déjà là. Il importe désormais de multiplier ces démarches pour que les acteurs des territoires, notamment les agriculteurs, se les approprient. La restauration des relations entre les termes disjoints du système suppose que l’on cherche à agir sur leur ensemble, et non pas seulement sur l’un ou l’autre de ses éléments. Pour ce faire, le thème du paysage s’impose par sa transversalité et les moyens qu’il offre pour convier la sensibilité de chacun aux évolutions nécessaires. Il se trouve cependant que les relations entre les pratiques agricoles, les paysages et les produits ont peu été étudiées jusqu’ici dans le cadre des PAT 2. Soutenu par un collectif original, le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Yonne et Nièvre a donc engagé en ce sens une recherche-action menée entre 2021 et 2023. En reliant l’alimentation à son territoire par un ensemble d’outils d’animation, son ambition était d’explorer une problématique systémique à partir d’une action engagée pas à pas sur chacune de ses composantes. L’enjeu était d’imaginer des stratégies territoriales redonnant de l’évidence aux liens dont le paysage s’avère un puissant révélateur : l’eau, les pratiques, les cultures locales, la mémoire et l’espoir pour l’avenir.
Le contexte territorial et paysager de la recherche
Face au défi de réussir à associer des productions agricoles de qualité avec une meilleure gestion des ressources environnementales, les initiatives citoyennes, associatives et institutionnelles se sont multipliées depuis quelques années dans l’Yonne et la Nièvre. Pour fournir une alimentation de proximité et respectueuses du milieu vivant, plusieurs PAT cherchent à intégrer la nécessité de mieux gérer les ressources en voie de raréfaction comme l’eau, les sols ou la biodiversité et visant, pour ce faire, à établir des démarches conjointes entre les acteurs des systèmes agricoles et alimentaires.
La dimension paysagère de ces dispositifs de territorialisation de l’alimentation y est cependant restée très marginale puisque le paysage y était souvent présenté seulement comme une toile de fond promotionnelle, et non comme la matrice même à partir de laquelle se nouent les liens entre pratiques alimentaires et pratiques agricoles 3.
Fort de son ancrage territorial, le CPIE Yonne et Nièvre a donc élaboré, en 2021, un projet intitulé « De l’eau dans les PAT ». Visant à relier les thématiques de l’alimentation, du paysage et de l’eau à l’échelle d’un territoire, un défi majeur dans le contexte du dérèglement climatique, le projet du CPIE propose d’expérimenter sur le terrain le concept de paysage alimentaire. Ce terme identifie de façon claire et originale le lien organique qu’entretient la survie de nos corps avec ce que nous appelons souvent, d’une façon encore approximative et sommaire, le cadre de vie.
Le périmètre d’étude du projet est la Forterre, petite région située entre les collines humides de Puisaye et la vallée de l’Yonne jusqu’au bassin de l’Auxerrois. A la jonction entre le bassin parisien et le Morvan, elle se caractérise par une diversité de paysages et de systèmes agraires. Les sols superficiels et filtrants des plateaux calcaires et marno-calcaires de l’Yonne conditionnent les cultures qui y sont pratiquées. Les céréales non irriguées et les vignes y prédominent.
Concernant leurs ressources hydrologiques, ces paysages ne se livrent pas au premier regard. Les ruisseaux et rivières sont rares car les chemins de l’eau restent souterrains, indépendants de la surface des plateaux calcaires qu’ils traversent pour courir, dessous, le long des pentes d’un plancher imperméable. L’eau affleure ici et là dans les vallées en de nombreuses sources autour desquelles se sont établis les villages avec leurs lavoirs, mares maçonnées, fontaines et citernes enterrées.
Les pluies alimentent d’abord un compartiment superficiel favorisant la production végétale, cette croissance de l’herbe et des arbres qui fournit de la biomasse pour les agriculteurs, la verdure et l’ombre pour les habitants. Leur surplus recharge la nappe phréatique en hiver, quand la végétation est au point mort et l’évapotranspiration nulle. Mais, en l’absence des pluies hivernales, ces dernières années, les arrêtés « sécheresse » se sont multipliés l’été, alors que celles du printemps avaient entraîné une production record de biomasse et donc un visage verdoyant pour la campagne. Ces changements sensibles et visibles interrogent les habitants. Vers quels paysages s’oriente l’évolution du territoire en ces temps de changement climatique ? Par ailleurs, de nombreuses communes de cette zone ont été affectées par des pollutions de l’eau potable dont l’origine était agricole. L’usage productif de l’eau peut venir obérer son usage social, quand certaines priorités économiques viennent contrarier les urgences vitales de tous. L’eau, ce marqueur du paysage, est donc un enjeu commun pour les pratiques agricoles comme pour les usages domestiques du territoire.
Quel avenir pour un territoire affecté par de telles évolutions ? Quelles relations nouer à nouveau entre populations, métiers et pratiques pour retrouver un usage raisonné des ressources locales et s’engager ensemble dans un avenir territorial et social plus réfléchi et plus sensé ? Un travail d’animation sur les paysages locaux visait à permettre aux populations de s’éveiller collectivement aux changements nécessaires et de débattre au sujet des transformations à décider ensemble.
Les acteurs locaux et la gouvernance du projet
En introduisant la notion de paysage alimentaire, l’équipe de la recherche-action entendait construire des méthodes et des outils d’animation combinant les approches des savoirs scientifiques et vernaculaires pour l’action. Pour ce faire, elle associait un collectif de structures locales et des chercheurs. Prenant comme fil directeur le thème transversal de l’eau dans les PAT, ce projet entendait réinvestir les pratiques liées aux savoirs locaux passés et actuels.
Le projet intègre le consortium « Fabrique de territoire » en tant que collectif. Le CPIE Yonne et Nièvre coordonne le projet, tandis que l’association P.a.r.c apporte des éléments réflexifs sur les liens entre les paysages et la cuisine tout en menant des ateliers pour enrichir l’approche des paysages alimentaires par les sens. Le Collectif « Bonjour Cascade » propose un accompagnement à la conception d’outils d’animation et de restitution. Le CAUE de l’Yonne met à disposition des ressources humaines et techniques ainsi que des compétences en paysage, architecture et urbanisme. Les chercheurs contribuent à la méthodologie du projet par des enquêtes de terrain et un recul réflexif au sujet des animations menées par l’équipe locale. Hybridant différentes cultures d’intervention tout au long de la démarche, ce projet est donc également une expérimentation sur les modes d’agir ensemble dans un territoire. La démarche repose sur deux interrogations initiales. Le fait de rendre visibles les liens entre le paysage et l’alimentation peut-il avoir un effet catalyseur sur la transition alimentaire ? En tant que cadre de vie et source d’attachement, le paysage permet-il d’identifier des leviers d’action, à l’échelle des acteurs, pour intégrer les questions de l’eau et de l’alimentation dans les projets de territoire ?
Outre les cofinancements du Plan de relance, ce projet est soutenu par la communauté d’agglomération de l’Auxerrois, le conseil régional Bourgogne Franche-Comté, le département de l’Yonne et l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Des réunions régulières sont animées par le CPIE Yonne et Nièvre pour piloter la démarche, mais aussi assurer la complémentarité des structures en termes de compétence et d’apports des partenaires. Une phase d’interconnaissance a été propice à l’acculturation de ces différents acteurs sur le thème des approches paysagères. La pluridisciplinarité des membres de l’équipe projet (géographe, paysagiste, agronome, pédologue, etc.) a permis d’intégrer les approches sectorielles, qu’elles soient esthétiques, patrimoniales, fonctionnelles ou agroécologiques.
Les méthodes et instruments utilisés
Organisées à Saints-en-Puisaye, les Journées de l’eau et l’alimentation des 15 et16 octobre 2021 ont marqué le démarrage du projet. Pour le présenter aux acteurs institutionnels, aux professionnels et aux habitants intéressés, chaque partenaire de l’étude avait préparé une animation autour des liens à renouer entre paysages, pratiques agricoles et alimentaires. Le CAUE 89 est venu sensibiliser le public aux caractéristiques du paysage local à partir de supports iconographiques montrant son évolution du fait des transformations agricoles. Le CPIE a présenté une étude exposant la dimension systémique de la ressource en eau dans un territoire où sa répartition inégale affecte la production agricole comme la consommation humaine. Les chercheurs sont venus présenter la recherche‑action qui s’amorçait afin de lui donner un écho auprès des habitants. Enfin plusieurs producteurs sont venus expliquer en quoi ils étaient intéressés par le projet et faire goûter leurs produits locaux.
Entre mai et août 2022, une connaissance des paysages d’hier et d’aujourd’hui a été co-construite auprès des acteurs de terrain. Une enquête sur les paysages vécus et la problématique de l’eau était conduite auprès des agriculteurs, des élus et des acteurs du tourisme. Cette enquête a mis en évidence que les habitants étaient préoccupés par la gestion de cette ressource. Comment garantir sa pérennité mais aussi préserver le petit patrimoine architectural des villages, les fontaines, lavoirs et citernes ? Une approche diachronique des paysages montrait, de son côté, à quel point les liens avec les terroirs se sont distendus. Le souvenir de la suppression des haies, de l’agrandissement des parcelles agricoles ou de la régression des surfaces en vigne avait disparu.
Plusieurs balades et dégustations paysagères ont été animées par le CPIE, proposant un exercice de lecture de paysage sur un itinéraire déterminé. Pendant que les participants déambulaient en groupe en échangeant au sujet de leur perception du paysage et de ses évolutions, plusieurs outils d’animation étaient mobilisés dont des cartes postales anciennes, des transparents pour que chacun dessine son paysage, des assiettes pour imaginer une recette qui en soit issue, des puzzles de cartes pour inscrire un trajet dans le grand paysage et analyser la toponymie. Une étude de sols était également réalisée in situ. Ces balades se clôturaient par des dégustations paysagères préparées sur place et animées par l’association le P.a.r.c avec sa cuisine mobile. Différentes recettes conduisaient à s’interroger sur le goût des paysages, les traditions culinaires et les habitudes alimentaires pendant un temps de convivialité.
En novembre 2022, un atelier projectif sur les paysages de demain a été organisé à partir d’une animation réalisée par le collectif des structures locales. Elle s’inspirait de la méthodologie des tréteaux du paysage et des fresques « Les campagne des paysages d’Afterres2050 » imaginées par le collectif Paysages de l’après-pétrole 4. Sous la forme d’un jeu sérieux à partir de blocs-diagramme entourés de dessins de produits du paysage, du petit patrimoine et d’une mise en contexte, l’exercice posait un cadre de prospective autour d’une situation fictive rappelant différents traits des paysages locaux. L’équipe les avait distribués en différentes entités recoupant leurs caractéristiques hydrographiques, géologiques et pédologiques.
Chacun devait réfléchir à l’intérieur d’un groupe : en 2030, comment limiter l’ampleur du dérèglement climatique, comment s’adapter à ses conséquences d’ici 2050 ? Après une rapide étude des opportunités et menaces qui portaient sur l’entité paysagère sur laquelle il devait s’interroger, l’objectif de chaque groupe était d’imaginer quel paysage permettrait demain que tous disposent d’une eau et d’une alimentation saines. Chacun devait remplir des fiches-actions, voter sur les propositions formulées et dessiner sur le bloc‑diagramme le changement de paysage induit.
Ces ateliers ont réuni une vingtaine de participants déjà intéressés voire déjà acteurs – agriculteurs retraités, élus, citoyens – aux niveaux d’informations variés. De nombreuses propositions visaient à recréer des liens en organisant les fêtes de moissons comme autrefois ou en installant des cuisines collectives de village pour valoriser les produits du paysage. Pour s’adapter aux excès comme au manque d’eau, on invitait à redécouvrir les citernes enterrées qui stockent l’eau de pluie, l’utilité des mares et de la renaturation des cours d’eau, ainsi que de l’usage des matériaux perméables, etc.
Le concept de « paysage alimentaire » issu de la recherche et sa généralisation possible
Un livret accompagné d’un podcast a été réalisé par la Fabrique de territoire à partir des témoignages de tous les participants de la recherche-action. En cours de conception, une exposition gourmande itinérante circulera dans plusieurs communes pour donner à voir la démarche, ses résultats, et en discuter avec le grand public. Cette exposition vise également à continuer à mobiliser, à identifier des projets d’acteurs locaux, voire à les accompagner. La capitalisation et la diffusion se feront également en direction des collectivités à partir d’autres supports, enrichissant les initiatives du collectif en matière d’essaimage de la démarche.
Une méthodologie de « lecture gourmande de paysage » en est un des acquis. Adaptée à différents types d’événements, elle est propre à mobiliser et contribue à transmettre des savoirs locaux. La recherche-action a permis la rencontre d’acteurs aux approches différentes pour aborder la thématique de l’eau. Fort des recherches de terrain et des actions proposées par les habitants lors du jeu sérieux, une des retombées de cette recherche-action est un projet visant à rendre visible, restaurer et réinventer les architectures de l’eau pour favoriser une gestion durable des ressources.
La notion de paysage alimentaire aura été un fil rouge pour les animations et aussi une difficulté de la démarche.
Cette notion a permis de sensibiliser les habitants de ce territoire à la problématique de l’eau sans susciter de polémique excessive au sujet de la responsabilité des agriculteurs dans la réduction et l’altération de cette ressource locale. Comme un thème intégrant l’ensemble des dimensions et approches de leur territoire, l’idée d’un paysage alimentaire a invité les habitants à regarder différemment leur cadre de vie et ce qui s’y passe. Cette approche apporte une dimension spatiale à la réflexion sur la résilience alimentaire et focalise le débat sur les ressources du territoire. Le paysage permet ainsi d’ouvrir les questions en instaurant un cadre de problématique transversal.
La notion a toutefois connu des difficultés d’appropriation pour certains participants des animations : dans ces terroirs de grandes cultures, une habitante a clairement exprimé qu’il lui était impossible d’imaginer un paysage local qui fournirait son alimentation de tous les jours. Les enquêtés ont parfois manifesté leur nostalgie face à la transformation parfois radicale des paysages agricoles autour de chez eux. L’introduction du thème du paysage dans les PAT reste à approfondir comme sans doute, plus généralement, dans l’ensemble des actions menées en France sur cette question.
La notion de paysage alimentaire interroge les liens entre les productions agricoles qui visent l’exportation et ceux qui, issus de terroirs particuliers, ont une valeur économique mais aussi culturelle et historique locale. Reflet des pratiques agricoles qui les ont façonnés au fil du temps, les paysages ont illustré les savoir-faire paysans et se sont incarnés dans des pratiques culinaires et des fêtes locales. La notion de paysage alimentaire permet de renouer les fils d’une histoire et de reconnecter les habitants avec la question des productions potentielles et durables de leur territoire.
Cessant de réduire l’assise locale de l’établissement humain à un système agraire emboîtant des paramètres pédologiques, géologiques ou hydrologiques dans une gestion économe ou pas des ressources en eau, la notion de paysage alimentaire doit encore mûrir. Elle permet d’imaginer des systèmes de cultures qui ne seraient pas tournés vers l’exportation financiarisée mais orientés par un objectif d’alimentation de proximité. Elle a permis également de travailler la question des choix alimentaires de chacun, qui font ou défont le paysage. L’ensemble de ces thématiques sont induites par l’approche relationnelle nouée avec les participants, qu’il faut tenir dans le temps. Enfin, certains membres de l’équipe ont souligné l’intérêt du paysage pour mettre en lien la diversité paysagère visible et l’agro-diversité nécessaire à la résilience des territoires, faisant alors des paysages des outils des politiques alimentaires de territoire.
Sortir les paysages ruraux de l’ère du pétrole ?
La démarche engagée a permis au CPIE de construire un dispositif d’animation territoriale original et de faire émerger des coopérations autour de projets où le thème du paysage apportait son potentiel de transformation. La pluridisciplinarité de l’équipe projet est une des forces de la démarche mais aussi l’un de ses plus grands défis. Associer des structures locales et des chercheurs à distance l’était également.
Seul un processus de coopérations sur la longue durée sera à même d’engager le territoire dans le renouveau d’un respect pour ses paysages, un respect fait d’attention aux lieux, à la préservation de la vitalité des sols et de l’eau, et à la reconstruction de pratiques alimentaires portant un soin à ce qu’il est possible de produire à l’échelon local.
Le lien vital de l’alimentation se montre capable de reconnecter les habitants avec la question de la santé du socle terrestre en mobilisant leurs sensibilités, leurs affects et leurs imaginaires. La démarche de paysage alimentaire, support possible des projets alimentaires territoriaux, semble ainsi un moyen prometteur pour amorcer un changement de regard au sujet des paysages agricoles banalisés et appauvris par l’ère du pétrole. Les territoires prennent encore trop souvent ce nouveau paradigme par le bout des doigts alors que l’urgence est celle d’une prise en main globale des interactions entre nos productions agricoles et alimentaires avec l’environnement et les paysages.
Cette démarche a engagé un collectif d’acteurs original dans la recherche-action : Pierre Curmi membre du CPIE et pédologue, Maryline Tagliabue paysagiste au CAUE de l’Yonne, Juliette Six designeuse territoriale à Bonjour Cascade, Pauline Daviet coordinatrice de l’association le P.a.r.c (Produire - S’Alimenter - Se Réunir – Créer). Anne Curmi, biographe, membre du CPIE. Paola Branduini, architecte, chercheuse à l’École polytechnique de Milan, Célia Auquier, géographe, ingénieure de recherche contractuelle à AgroParisTech.
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1 Pointereau Ph., Le paysage rural aura-t-il à nouveau le goût de notre assiette ? Signé PAP, n° 72, Collectif paysages de l’après-pétrole, décembre 2023, et dans le volume Changeons de paysage, l’embellie écologique, Éditions du Moniteur, page 13.
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2 Thierry A., 2022 : “Réintroduire le paysage au coeur des politiques alimentaires”, revue Openfield, 18 février 2022 :
www.revue-openfield.net/2022/02/01/reintroduire-le-paysage-au-coeur-des-politiques-alimentaires/
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3 Cf. l’article de Paola Branduini et Laurent Lelli : « Relier l’alimentation à ses paysages. Une histoire à réécrire », Revue Dard/Dard, n°2, Éditions de l’attribut, printemps 2020, pp. 44-52.
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4 Lelli L., Sahuc Ph. 2014 : “Le paysage, une interface de dialogue entre chercheurs et acteurs”, in Julie Ruiz et Gérald Domon (dir.) : Agriculture et paysage. Aménager autrement les territoires ruraux, Montréal, Presses de l’Université de Montréal. INITIAL et Solagro, 2020, « Que seront les paysages agricoles de l’après‑pétrole ? La campagne des paysages d’Afterre 2050 », in Villes et territoires de l’après-pétrole, le paysage au coeur de la transition, Le Moniteur, 2020, pp. 239-244.