L’automobile, de la sobriété à la civilité

Frédéric Bonnet, septembre 2013

Monde pluriel

Cette fiche met en exergue la contradiction entre la volonté des pouvoirs publics de réduire la place de l’automobile dans la vie quotidienne et les enjeux économiques (construction automobile), spatiaux (étalement urbain), et sociaux (facilité d’accès aux transports en commun, achat et entretien d’une voiture particulière…) liés à son usage. L’auteur propose ensuite quelques pistes de travail.

Pour mieux doser les relations entre organisation urbaine et voiture, en évaluer l’inertie, il faut préciser quelques contrastes, et envisager quelques paradoxes qui ne rendent pas la tâche facile. Plusieurs points se dégagent :

Tous ces points ont des conséquences très importantes sur la « contextualisation », la programmation et la formalisation des projets urbains, mais aussi immobiliers. En la matière, il faudrait considérer avec attention quelques pistes de travail :

Que l’espace dédié ou largement induit par la voiture soit payé avec des budgets publics (rues, places et routes) ou avec des investissements privés, il représente un coût très lourd pour le citoyen et pour l’usager. Or, on peut moduler cela. Une première piste de modulation consiste à une meilleure et plus forte hiérarchie des voies. Une seconde piste de modulation, serait de promouvoir une densité relative plus forte. Cela optimise le coût de la voie, et l’efficacité de la desserte, et est propice aux synergies d’usages.

Cette option a ses limites. Bien souvent en effet, la capacité immobilière d’une parcelle n’est pas tant déterminée par la typo-morphologie (hauteur, proportion et composition, prospects) que par la capacité en stationnements, qui sature très vite le site. Moduler la densité impose donc d’inventer de nouvelles formes de stationnement, et de nombreuses alternatives existent : localisation mutualisée en des lieux situés à proximité, et mieux adaptés, favorisant le foisonnement en fonction des heures de la journée, positionnement sous l’immeuble en semi-enterré, mutualisation sous forme de silos, moins onéreux que les cuvelages obscurs et autres radiers noyés dans les alluvions détrempés. Enfin, troisième piste, comme beaucoup de villes le réalisent : concilier développement des transports publics et baisse des ratio de stationnement à la parcelle.

Comme toujours, ces solutions supposent une démarche de projet partenariale et multiscalaire : insérer chaque opération dans une vision d’ensemble pour localiser les automobiles là où cela est préférable, lier le dessin de la parcelle et de ses accès avec la réflexion fine sur la nature de l’espace public, partager des ressources et concrétiser cela sous forme contractuelle juridiquement acceptable, anticiper sur des usages. Dans le cas des parkings mutualisés, par exemple, la principale difficulté n’est pas tant dans l’usage et l’efficience du dispositif que dans le montage. Parce que les permis sont traités individuellement, chaque édifice doit disposer, de manière identifiée, de ses stationnements réglementaires. Il faut donc construire le silo avant que les opérations ne partent, ou accepter d’en différer légèrement la réalisation. Qui finance ? les collectivités ne sont plus vraiment à même de le faire, et les opérateurs traditionnels qui gagnent copieusement leur vie dans les zones les mieux fréquentées, ne sont pas nombreux à s’intéresser à des secteurs résidentiels moins rentables.

Concluons. L’usage de la voiture renchérit l’habitat, qu’il soit urbain dense ou plus diffus. Modérer la place de la voiture en ville, et à la campagne, est donc aussi un enjeu socio-économique, qui n’est pas dénué de paradoxes : même s’ils coûtent à tous, le réseau routier et la circulation automobile sont aussi des conditions de la dynamique urbaine, dans un territoire marqué massivement par cet héritage.

Les alternatives s’appuient toutes sur de nouvelles logiques de projet, transversales, multiscalaires, assemblant la planification et la conception des dispositifs, l’énergie privée et la vision politique. C’est un changement de culture, là où la voiture était le parangon de la sectorisation et de la croyance à la capacité technique de surmonter nos difficultés sociétales.

Références

Pour accéder à la version PDF du numéro de la revue Tous Urbains, n°2