Coopérative Territoriale de Restauration : développer l’entrepreneuriat collectif des habitants issus des quartiers prioritaires en réponse aux enjeux socio-économiques

novembre 2019

Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL)

L’Association de développement de l’économie sociale et solidaire (ADESS) expérimente, en partenariat avec Brest Métropole et la Ville de Brest, l’implantation d’un restaurant coopératif durant quatre mois au sein d’un centre social, pour servir d’outil d’insertion socio-professionnelle pour les habitants du quartier ayant un projet professionnel en lien avec les métiers de la restauration.

Partant d’une expérience de coopérative « jeunesse » de territoire et de la volonté d’habitants de quartiers prioritaires d’entreprendre dans le domaine de la restauration, un collectif d’acteurs publics et privés s’est lancé dans le projet d’une coopérative éphémère.

La première expérimentation a donnée des résultats très positifs et le projet est en cours de développement.

Arrière-plans et objectifs

L’historique du projet renvoie à 2 projets de coopérative éphémère (2014 et 2017) destinés aux jeunes publics (Une coopérative jeunesse de services, Deux coopératives jeunesse de territoire).

La genèse du projet de la Coopérative Territoriale de Restauration est née de la rencontre de plusieurs ambitions (volontés des structures locales d’accompagnement de porter une réflexion sur de nouvelles formes d’emploi et volonté de l’ADESS Pays de Brest de promouvoir une nouvelle forme d’entrepreneuriat inclusif, ancré dans des valeurs humaines et au service d’une économie inventive) et des besoins exprimés par des habitants de Brest. Un collectif de structures brestoises a particulièrement remarqué l’appétence des habitants pour la création d’activités et leur intérêt pour la restauration – cœur de métiers en tension, d’après l’observatoire de Pôle Emploi Bretagne – secteur dans lequel les projets foisonnent ces dernières années au sein des quartiers prioritaires de la Ville de Brest.

L’émergence du projet de coopérative a permis de créer une dynamique transversale sur le territoire en mobilisant l’ensemble des parties prenantes : habitants, acteurs privés et publics du territoire.

La coopérative Ephémère de Restauration, projet à la croisée des champs de l’insertion, de la formation et de l’éducation populaire a pour objectif de :

La mise en œuvre

Le projet de coopérative éphémère de restauration est un projet d’entrepreneuriat collectif en direction d’habitants (entre 8 et 15), avec une mise à disposition temporaire d’un laboratoire de cuisine aux normes et d’une offre de formation-sensibilisation sur les compétences entrepreneuriales et les métiers de bouches.

Il s’agit d’une réponse directe aux habitants porteurs d’un projet de création d’activité dans la restauration ou de personne en insertion cherchant à découvrir ces métiers. C’est une opportunité offerte aux habitants de pouvoir s’immerger dans le secteur de la restauration et du monde entrepreneurial, de manière à prendre le temps de construire leur projet professionnel en lien avec leur territoire de vie et/ou avec les acteurs locaux.

Un comité local d’appui au projet a été mis en place (collectif porteur, des représentants du conseil citoyen, des acteurs économiques, des acteurs associatifs, des acteurs institutionnels) ainsi qu’un comité de suivi des parcours (suivi des parcours individuels des participants à l’action).

Le projet se déroule sur 6 mois (dont 1 mois d’intégration et 5 mois d’ouverture du restaurant) et peut concerner de 8 à 15 personnes (8 coopérantes pour la première expérimentation). Le chiffre d’affaire est réparti entre habitants sur la base de principes décidés entre « pairs ».

Le collectif porteur regroupe une multitude de partenaires : ADESS, le Centre Social Horizons, Défis Emploi, Cités Lab, ICEO, la Mission Locale et TAg29 (propulseur d’innovation sociale) et les participants au projet sont accompagnés au quotidien par des professionnels (un coordinateur technique lié à l’activité, un animateur de la coopérative, un chargé de projet).

Sur la durée du projet, le restaurant a ouvert ses portes 56 jours sur 18 semaines, soit 4,5 mois d’activité. L’équipe a réalisé également 5 prestations de traiteurs

Le projet s’inscrit dans une dynamique de projet de territoire mobilisant des entreprises, la maison de l’agriculture biologique et intégrant la dimension « santé et alimentation ».

Durant la première session, une action intitulée « La table citoyenne alimentation durable » a été organisée regroupant 80 personnes dans l’enceinte du centre social et a permis aux participants d’aborder, diverses thématiques (saisonnalité des produits, les régimes alimentaires, alimentation équilibrée, qualité nutritionnelle, produits issus de l’agriculture biologique, budget alimentaire,….).

Financement et ressources

Le cout global du projet est de 70 000 €. Il bénéfice des cofinancements suivants : 28 000 euros Contrat de ville (15 000eurs de la Région, 15 000 euros de la Direccte, 5 000 euros de Brest métropole et 3 000 euros contrat de ville/enveloppe Santé) ainsi que le financement de fondations.

Résultats et impacts

L’expérimentation menée en 2019 a permis de valider la pertinence de l’outil Coopérative Ephémère au regard des besoins identifiés et de conforter les parties prenantes dans la nécessité de consolider le projet.

Sur les 8 coopérants, 5 ont exprimé le souhait, à la fin du projet, de créer ou reprendre une activité de restauration (traiteur, restauration, foodtruck) et les 3 autres poursuivent un projet de recherche d’emploi salarié :1 coopérante a été recrutée, 1 coopérante intègrera une formation en restauration, 1 coopérante prépare une reprise d’activité, 1 coopérante recherche activement un foodtruck d’occasion à racheter pour un démarrage d’activité au premier semestre 2020.

Au final, les impacts sont multiples : les enseignements à tirer sur l’expérimentation de nouvelles formes d’emploi et de création d’activités, la coopération territoriale autour du projet, le développement de l’activité économique et l’émancipation économique des femmes.

Obstacles et défis

L’équipe qui met en œuvre le projet doit gérer le paradoxe de l’urgence et du besoin de temps pour faire bouger les lignes : décloisonnement des cultures professionnelles, changement de pratiques pour faire face aux enjeux des crises écologique, sociale, institutionnelle.

Il s’agit de travailler aux conditions de pérennisation de ce nouveau modèle économique, sa compréhension et appropriation par les différentes parties prenantes et de pouvoir mobiliser des financements hors contrats de ville pour étendre le projet (ex : projet de formation expérimentale de la Région).

Leçons apprises, perspectives ?

A partir de ces 2 expériences, le projet de diffusion a été conforté dans le cadre du protocole d’engagements réciproques et renforcés d’objectifs du Contrat de ville avec pour ambition d’accompagner l’émergence de nouvelles formes d’activités qui s’appuient sur les compétences, les savoir faires et les intérêts des habitants des quartiers politique de la ville, d’accompagner les habitants dans l’identification de leurs compétences, de favoriser l’émergence de projets collectifs et l’expérimentation de nouvelles formes d’activités et d’emplois et de dispositifs type territoire zéro chômeur.

De manière opérationnelle, il s’agit de pérenniser et développer les moyens de la coopérative d’activité de l’ANDESS.

Du point de vue du rôle des professionnels du développement social urbain, cela a permis de mettre en évidence l’importance des logiques de facilitation et de décloisonnement, l’accompagnement des partenaires pour faire évoluer leur pratique ainsi que l’intérêt de construire un cadre expérimental.

Références

  • « Économie de la contribution et innovation sociétale », Philippe Béraud et Franck Cormerais, Dans Innovations 2011/1 (n°34), pages 163 à 183

  • Journées des territoires 2019 « Agir sans subir : les territoires relèvent le défi écologique et social » les 25 et 26 novembre à Paris – Atelier « Nouveaux modèles économiques ? »

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