Le Forum social urbain à Naples : une opportunité pour consolider les alliances et articulations des mouvements européens

Charlotte Mathivet, 2012

Collection Passerelle

Bien qu’elle ait une histoire et une organisation économique commune, l’Europe est cependant très diverse, avec plus de 120 langues parlées, et avec des réalités politiques, juridiques et socio-économiques bien distinctes. Plus que de regrouper et d’analyser les raisons communes qui affectent les peuples en Europe et les empêchent chaque jour un peu plus de bénéficier réellement du droit au logement, on nous renvoie souvent à une vision sectorielle des différentes politiques nationales de logement.

Cela explique, en partie, la difficulté des mouvements sociaux à trouver des points de convergences et à organiser des espaces de rencontres pour débattre et construire des alternatives au niveau européen ainsi qu’une véritable considération du logement comme un droit.

Cependant, par-delà les caractéristiques spécifiques propres à chaque pays, les politiques néolibérales mises en œuvre depuis les années 1980 ont eu des impacts très importants sur la reconnaissance et la protection du droit au logement dans tout le continent. Dans cette période de « crise économique globale » perçue par nombre de mouvements sociaux comme une possible inflexion du système capitaliste, il est plus que jamais nécessaire d’adopter une stratégie d’articulation des mouvements et organisations sociales à l’échelle régionale européenne et mondiale. Nous devons lutter contre le recul de nos droits humains fondamentaux durement acquis comme sont le droit au logement, à l’éducation, à la santé, au travail, qui envahit l’Europe tout entière. Nous devons avoir conscience que la sectorialisation des causes des politiques d’austérité, le renvoie dos à dos entre les peuples dans le discours officiel d’organismes comme ceux de la Troïka (Fonds monétaire international, Commission européenne, Banque centrale européenne) ne font que servir les intérêts du système que nous combattons.

C’est pour cela que plus que jamais nous devons investir et construire des espaces propres à la société civile pour combattre, de manière articulée, les expulsions locatives, hypothécaires et des collectifs qui occupent des logements vacants, la destruction des maisons des quartiers populaires, la spéculation immobilière. Il est temps de revendiquer le droit des peuples au bien vivre, dans tous les territoires, en proposant des alternatives pour l’application réelle du droit au logement et du droit à la ville.

Le Forum Urbain Mondial de l’ONU Habitat, qui aura lieu à Naples en septembre 2012, a pour sujet « L’avenir urbain » (The Urban Future). Ce slogan consensuel et flou conditionne la réflexion autour d’une seule alternative d’avenir possible, évince de plus du débat le thème de la relation ville-campagne, sous entendant que le futur de l’humanité ne saurait être qu’urbain, et ne tient en aucun compte de la dimension de justice sociale dans les territoires. Les réseaux globaux, les organisations et mouvements sociaux qui défendent les droits liés à l’habitat ont construit des propositions alternatives qui remettent en cause les racines mêmes des problèmes rencontrés dans les villes comme dans les campagnes, critiquant aussi le tournant de plus en plus néolibéral de l’ONU Habitat.

Le Forum social urbain, dont la première édition s’était réalisée en mars 2010 à Rio de Janeiro, au Brésil, coordonné par les mouvements sociaux brésiliens et les réseaux internationaux tels que Habitat International Coalition (HIC) et l’Alliance Internationale des Habitants (AIH), se déroulera en septembre 2012 à Naples en Italie. Ce sera une opportunité importante pour dénoncer la hausse des prix du logement dans toute l’Europe, le retour des bidonvilles, la privatisation du parc social de logement, la recrudescence des expulsions notamment pour motif économiques, la criminalisation des mouvements sociaux ainsi que pour améliorer l’articulation des problématiques urbaines et rurales.