Les potentiels des monnaies complémentaires face aux enjeux territoriaux : la territorialisation des activités

Séquence 2.3 du MOOC

Marie Fare, novembre 2017

Nous allons explorer les potentiels offerts par les monnaies complémentaires au regard des enjeux territoriaux contemporains que nous avons abordé dans la première séquence. Le premier enjeu que nous abordons ici est celui de la territorialisation des activités. En effet, les monnaies complémentaires tendent tout d’abord à territorialiser les activités socioéconomiques en développant les interactions sociales entre les membres par l’activation de différentes formes de proximité. En ce sens, la territorialisation des activités est un processus qui résulte de la construction par les acteurs.

À télécharger : 2_les_monnaies_complementaires_dans_les_dynamiques_territoriales1.pdf (890 Kio)

Les monnaies complémentaires tendent tout d’abord à territorialiser les activités socioéconomiques en développant les interactions sociales entre les membres par l’activation de différentes formes de proximité. En ce sens, la territorialisation des activités est un processus qui résulte de la construction par les acteurs. Les monnaies complémentaires peuvent favoriser deux processus complémentaires : la mise en réseau des acteurs et le développement territorial endogène.

Favoriser la mise en réseau des acteurs territoriaux

La mise en place d’une monnaie complémentaire suppose un travail de mobilisation des acteurs du territoire afin de faire émerger, par la mise en réseau des acteurs, une communauté solidaire à même de générer un processus de développement territorial soutenable.

La proximité spatiale joue assurément un grand rôle, à partir de la construction sociale d’un territoire mais elle ne suffit certainement pas à définir les modalités de mise en œuvre effective du projet monétaire. Il est nécessaire que les acteurs partagent d’autres formes de proximité notamment de valeurs ou un réseau social. La monnaie devient alors à la fois l’objet central du projet et un symbole de l’appartenance au groupe. La communauté ainsi instituée génère des modes de coordination produisant des relations de confiance et de coopération. En ce sens, la monnaie joue donc un rôle de médiation sociale entre les membres de cette dernière : la proximité fonde l’agir collectif et donc la communauté – qui est par nature une action collective.

Favoriser un développement territorial endogène

La création d’une communauté locale fondée sur l’usage d’une monnaie, définie communautairement, a pour caractéristique de localiser les échanges dans un espace de circulation monétaire par l’instauration d’une limite d’usage. Est ainsi privilégié l’usage local des revenus tirés d’une production elle-même locale en créant un circuit plus ou moins autonome vis-à-vis de l’extérieur. Les circuits-courts ainsi instaurés réduisent d’autant les coûts sociaux et environnementaux.

Ce faisant, il devient possible de rééquilibrer les rapports de force entre modèles d’entrepreneuriat locaux et modèles de la grande entreprise puisque c’est le commerce local (artisans, professions libérales, petits commerçants, micro-entreprises, petites et moyennes entreprises) qui est favorisé. Les monnaies complémentaires permettent ainsi d’augmenter la propension du revenu local à être consommé localement, ce qui en fait un moteur du développement territorial, entraînant par le biais de la demande les activités locales, grâce aux effets multiplicateurs d’emploi et de revenu. En d’autres termes, cette dynamique s’inscrit dans une logique plus large de développement local endogène où offre et demande sont enracinées localement à travers l’orientation des échanges vers le territoire, ce que souligne le rôle des flux de revenus dans le développement territorial (Davezies, 2008).

Ainsi, il ne s’agit pas de capter les richesses de l’extérieur, mais de renforcer l’économie de proximité qui dépend de la propension à consommer localement et vise la satisfaction des besoins des personnes présentes sur le territoire : cette économie de proximité permet de fournir des revenus internes via leur endogénéisation (théorie de la base consommatrice). Les échanges étant localisés dans un espace de circulation délimité et contraint, les transactions devraient se détourner des producteurs extérieurs (ce qui limite les flux de revenus sortants) pour privilégier les producteurs locaux, parties prenantes au réseau monétaire local. Les effets multiplicateurs sont dépendants de la capacité du territoire à répondre à une augmentation de la demande. C’est pourquoi il faut favoriser la construction des circuits économiques locaux.

L’activation des relations de proximité et de coopération favorise le processus de territorialisation en appréhendant de manière renouvelée le territoire comme lieu de vie, de production, de consommation.

Références

Davezies L., 2008, La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses, Paris, Seuil, coll. « La république des idées »