Groningen : planifier la ville pour une mobilité durable et sociable.

Ina Ranson, 2011

Groningen a lutté contre l’étalement urbain en orientant toute sa planification vers la ville compacte où les distances entre les lieux de vie, de travail et de commerce sont courtes, bien desservies par les transports en commun et facilement accessibles aux cyclistes

Groningen, ville moyenne située au nord des Pays-Bas, est un centre régional pour l’industrie, le commerce, les services, l’éducation et la culture. 170 000 habitants vivent dans la ville même, et au moins 250 000 personnes dans la zone de conurbanisation. Face à l’extraordinaire affluence quotidienne des personnes qui se rendent à leurs occupations diverses dans la cité, il a été vital pour Groningen de lutter contre la croissance du trafic des automobiles. La municipalité s’y est engagée dès la fin des années 1980.

Le système ABC de planification urbaine : la bonne activité au bon endroit

Deux principes ont guidé la planification : 1. La Ville de Groningen doit rester facilement accessible. 2. Il faut partout soutenir les transports publics et l’utilisation du vélo.

Pour atteindre ces objectifs, le département pour la planification urbaine, les transports et les affaires économiques a suivi une stratégie communément acceptée aux Pays-Bas qui consiste à favoriser la densité urbaine autour des endroits facilement accessibles par les moyens de transports doux et à implanter autant que possible « la bonne activité au bon endroit ». Cette politique à long terme, appelé le « système A B C » oriente les entreprises qui emploient beaucoup de main-d’œuvre vers des endroits classés dans la catégorie A, c’est-à-dire très accessibles aux transports en commun et aux vélos. A l’inverse, les entreprises qui dépendent beaucoup des transports routiers ou qui emploient peu de personnes sont orientées vers des endroits classés C, c’est-à-dire près des autoroutes ou de leurs bretelles.

A noter qu’aux Pays-Bas, le régime de planification spatiale favorise l’influence des pouvoirs municipaux dans la promotion de certaines activités conformément aux priorités du plan de développement.

La municipalité a par ailleurs adopté le modèle de la ville compacte. Elle veille à ce que les lotissements nouveaux soient construits de préférence à l’intérieur de la ville ou aussi proches que possible, tout en favorisant l’aménagement de beaucoup d’espaces verts. Pour les automobilistes, elle manie habilement le bâton et la carotte : les espaces prévus pour les parkings sont limités et payants, mais tout est fait pour rendre agréables les alternatives : faire ses courses à pied, prendre le vélo ou les transports en commun.

A souligner que les habitants de Groningen sont régulièrement invités à s’associer aux réflexions sur la politique des transports et l’aménagement des espaces. Ils peuvent participer à l’élaboration des plans. Et chaque procédure de délibération prévoit des moments où les citoyens expriment leurs idées sur les propositions mises en avant.

Depuis deux ans, Groningen a introduit une contrainte nouvelle : les habitants du centre-ville qui garent leur voiture dans la rue doivent payer une permission. Ceux qui vivent dans les quartiers situés à environ deux kilomètres du centre paient également 80 florins (environ 240F) par an, toujours pour une seule voiture. Ils sont autorisés à payer pour une deuxième place, destinée à des visiteurs, mais c’est le maximum. Souvent, les stationnements sont réservés dans les maisons de parking de voisinage (les « Parkhauses »). Il n’existe d’ailleurs pas de loi, aux Pays-Bas, qui oblige les particuliers à disposer d’un ou de plusieurs parkings privés.

Une des réussites les plus remarquables de la municipalité est certainement la « politique intégrée pour les centres d’achat ». Il s’agit d’interdire la construction de centres commerciaux extra-urbains et de donner à tous les habitants la possibilité de faire leurs courses près de leur logement. Le centre commercial le plus important de la région doit rester au centre-ville de Groningen.

L’importance de cette politique peut être illustrée par une étude française: l’ADEME a chiffré les coûts en énergie et en pollution liés à l’habitude de faire les courses une fois par semaine, en voiture, dans un hypermarché à 10 km du domicile : en comparaison avec l’alternative de faire les courses à pied ou en transports en commun deux fois par semaine, les rapports au détriment de l’hypermarché sont : de 1 à 80 en consommation énergétique et en émissions CO2 ; de 1 à 200 pour les polluants atmosphériques; de 1 à 20 pour le bruit. (Politis 601, 18 mai 2000). Par ailleurs, le supermarché de centre-ville fait travailler deux fois plus de monder que l’hypermarché… (Le Monde Diplomatique, mars 2001, p.32)

Le confort d’une vie sans voiture

A Groningen, les touristes aussi se passent aisément de leur voiture. Les trains, les bus régionaux ou locaux sont bien coordonnés, ponctuels et toujours faciles à trouver. Des plans en plusieurs langues indiquent aux automobilistes où trouver un parking et pour quel prix. Les tickets des quatre importants parkings autour du centre-ville permettent aussi de prendre les city-bus qui desservent ces parkings entre cinq et douze fois par heure. Pour une ou cinq personnes, le ticket combiné ne coûte que 3,50 florins (10,50 F).

Cependant personne n’est obligé de renoncer à la voiture : sauf dans la petite zone sans voiture tout au centre (d’environ 0,5 km2), les rues sont conçues pour tout le monde. On peut stationner, pour un prix raisonnable, à certains endroits au centre-ville, mais pas plus longtemps qu’une heure. Les handicapés physiques disposent de 45 parkings spéciaux.

Un effort tout particulier a été déployé pour rendre la vie agréable aux cyclistes : un réseau cohérent de voies pour vélos leur permet la plupart du temps de rouler en dehors des routes ou sur des routes peu fréquentées par les voitures. Des aménagements spéciaux pour cyclistes ou piétons permettent d’éviter de nombreux détours auxquels les automobilistes sont obligés. Les rues à sens unique sont en général praticables dans les deux sens pour les cyclistes. Enfin, tout est prévu pour garer les vélos, partout où l’on peut avoir envie de s’arrêter : à côté des magasins, au centre-ville, évidemment aux arrêts des bus… Au centre-ville, on trouve facilement des parkings gardés, certains équipés de coffres, de toilettes, de cabines téléphoniques, etc.

Les résultats des efforts pour améliorer la qualité de vie des habitants sont remarquables. Toutefois, si la croissance du trafic des automobiles a bien été réduite, elle n’a pas pu être arrêtée. Entre 1986 et 1998, elle a augmenté de 80 pour cent sur les routes nationales et de 36 pour cent sur les routes locales. La proportion des vélos dans le choix des transports a été maintenue.

Comment faire encore mieux ? La municipalité vient d’élaborer un plan de réseau de tramway (Light-Rail) pour la Ville de Groningen ainsi que pour sa région en se référant au modèle de Strasbourg. Les études complètes seront terminées en 2001. Ensuite elles doivent être approuvées par le gouvernement national qui, espère la Ville de Groningen, prendra en charge une grande partie des travaux.

Sources

Documents internes et correspondance avec Koen Eekma, responsable technique, Ville de Groningen

SURBAN - Good practice in urban development, City of Groningen, banque de données subventionnée par la Commission Européenne, DG XI et la Ville de Berlin, European Academy of the Urban Environment