Echanges pour une terre solidaire : une initiative de réappropriation citoyenne de l’alimentation qui responsabilise citoyens, agriculteurs et collectivités territoriales

Hauts-de-France, France

September 2017

Centre Ressource du Développement Durable (CERDD)

our re-territorialiser l’alimentation sur un territoire marqué par la précarité alimentaire et une agriculture industrielle, l’association Echanges pour une terre solidaire développe des projets faisant le lien entre les différents acteurs du territoire. Déployer ses actions de sensibilisation à une alimentation saine et responsable, des ateliers culinaires, des rencontres entre mangeurs et agriculteurs, elle conseille et accompagne également les collectivités pour faciliter la mise en lien entre les différentes parties prenantes et faciliter l’émergence de projets citoyens ou de filières locales. Sa posture de facilitateur autant que sa capacité à faire est source d’inspiration pour de nouvelles initiatives.

L’association basée dans l’Oise est sur tous les fronts de la sensibilisation, de l’événementiel et de l’accompagnement des collectivités pour promouvoir une alimentation répondant aux besoins des territoires, habitants compris bien sûr.

Claire Tauty, directrice d’Échanges pour une Terre Solidaire (ETS) a une phrase fétiche pour décrire l’association. Elle agit, dit-elle, pour « la réappropriation citoyenne d’une alimentation saine et responsable ». Mais cela dit… tout n’est pas dit ! Saine et responsable, ça signifie : « meilleure pour la santé, moins polluante pour l’environnement et favorable à l’économie locale », détaille le tract de présentation de la structure. Basée à Pont-Sainte-Maxence dans l’Oise, Échanges pour une terre solidaire a été fondée en 1997 mais son projet actuel, centré sur l’alimentation, a été défini en 2011. Pour l’heure, elle emploie cinq personnes, ce qui représente 2,5 postes en équivalent temps plein. Elle intervient principalement dans l’Oise mais également dans le reste de la Picardie.

Le lancement du nouveau projet d’Échanges pour une Terre Solidaire doit beaucoup à l’engagement de sa directrice, connue pour son implication bénévole dans le mouvement des AMAP et dans l’association picarde Copasol, qui œuvre à la création d’exploitations relevant de l’agriculture nourricière. Claire Tauty a été aussi auteure d’un mémoire de master sur « la souveraineté alimentaire locale », en 2012, alors qu’émergeait dans le champ citoyen le thème de la re-territorialisation de l’alimentation, sujet repris à partir de 2014 dans les politiques publiques. Mais le développement du projet, son déploiement et la reconnaissance acquise par l’association, sont bien sûr le fait d’une équipe, tant bénévole que salariée.

Des fruits dans les établissements scolaires

Le premier domaine d’action d’Échanges pour une Terre Solidaire est la sensibilisation à de nouvelles manières de se nourrir. L’association y travaille par exemple dans le Parc naturel régional Oise-Pays de France, dans le cadre d’un programme dénommé « Les petits éco-citoyens ». Mais le plus souvent, elle déploie ses compétences d’animation et d’accompagnement dans les écoles, les collèges et les lycées (près de 70 en 2016). Elle a notamment reconfiguré l’initiative « Un fruit pour la récré » (désignation d’une classe-pilote par établissement, rencontre des enfants avec un arboriculteur, introduction de fruits bio) et l’a portée pendant trois ans, de 2014 à 2016, en partenariat avec l’association nationale Passerelles-info. Plus de 2 000 élèves en ont encore bénéficié au cours du dernier trimestre 2016. Échanges pour une terre solidaire, convaincue de l’intérêt de cette action, a défini une nouvelle formule, en rapport avec les financements disponibles, pour la période 2017-2018 ; elle s’intitule « Une pomme bio locale à la récré ».

Dans cette rubrique « sensibilisation », l’association a également inscrit une formation sur l’alimentation durable et la lutte contre le gaspillage, financée par l’ADEME et la Région Hauts-de-France ; sous forme de prototype, elle a concerné une dizaine d’enseignants. Enfin, elle intervient auprès du grand public, à travers des ateliers culinaires, lors d’événements éco-responsables (13 l’année dernière), en général organisés par des collectivités locales. Pour ses actions éducatives, Échanges pour une terre solidaire a été distinguée en 2016 au titre du prix « De la santé dans nos paniers ».

L’alimentation au cœur des territoires

La deuxième vocation d’Échanges pour une Terre Solidaire est d’aider les collectivités et EPCI à s’impliquer dans des projets alimentaires solidaires. En 2013 donc, Claire Tauty et son équipe ont conçu et animé un projet expérimental sur les territoires des deux SCoT (Schémas de Cohérence Territoriale) du Grand Creil et du Pays d’Oise et d’Halatte. Il s’agissait de rencontrer les agriculteurs, les élus, les associations concernées par l’alimentation et de composer des liens favorables à l’émergence de projets de cuisine, de jardinage, d’insertion ou encore de création de filières solidaires. Avec des moyens humains et financiers limités, la démarche « Territoire solidaire pour une alimentation saine » (TSAS) a permis d’affiner une méthodologie participative et a montré l’intérêt de la mise en réseau, favorable à l’innovation sociale. Elle a aussi révélé la difficulté de créer des filières solidaires à l’échelle d’un ou deux bassins de vie seulement. Pour élargir le cadre, un partenariat a été envisagé avec l’association nationale des épiceries solidaires mais il n’a pas abouti pour l’instant. Dans la foulée cependant, Échanges pour une Terre Solidaire a été chargée de constituer et d’animer le réseau « nutrition » du contrat local de santé de Creil. De 2013 à 2015, l’association a également soutenu un projet européen visant une mobilisation citoyenne en vue de la création d’un conseil local alimentaire dans le sud de l’Oise.

Jusqu’au bout du Bray

Et puis, « TSAS » a engendré « Picasol ». Explication de Claire Tauty : « Nous avons formalisé la méthodologie employée dans les pays de Creil et d’Oise et Halatte, et nous l’avons mise en oeuvre dans trois nouveaux territoires, grâce aux financements de la Région, de l’Agence Régionale de Santé et du ministère de l’agriculture ». L’opération a commencé en 2015 dans le Pays de Bray, avec la maison locale de l’économie solidaire. Dans l’ordre : diagnostic (plutôt orienté sur les circuits courts), rencontres avec les agriculteurs locaux, les représentants de la chambre d’agriculture, des acteurs de la formation, des associations, des élus, et enfin, réunion de restitution avec toutes les parties concernées. Au terme de ce processus, une vingtaine d’agriculteurs ont manifesté la volonté de distribuer leurs produits plus près de chez eux. Ils ont créé leur association ("Les producteurs du bout du Bray"), ont organisé un premier marché public à succès et réfléchissent toujours à des coopérations possibles entre eux.

Les besoins des populations locales

Le même parcours a été accompli dans le Santerre, autour de Ham et Péronne, dans la Somme (trois communautés de communes). Avec comme idée force : comment ce territoire d’agriculture majoritairement industrielle peut faire le lien avec les besoins d’une population locale plutôt démunie ? Échanges pour une Terre Solidaire a pleinement justifié son nom en multipliant les rencontres et réunions. Elles ont débouché sur une semaine d’information grand public « Alimentation et territoire », riche de plusieurs manifestations dans des lycées et auprès du grand public, et sur une « Rencontre des solidarités », plus professionnelle, avec des élus, des représentants des épiceries solidaires, des porteurs de projets agricoles… Dans le secteur de Laon enfin (quatre communautés de communes), l’association a repris, à la demande de la Région, une action déjà engagée sur l’introduction de produits locaux, et si possible bio, dans la restauration collective. Le diagnostic a été suivi d’un brainstorming avec des producteurs, la chambre d’agriculture, l’association Agriculture Bio en Picardie, les collectivités et des représentants de la restauration collective. A l’arrivée, pas de plate-forme de distribution commune à tous les types d’agriculture, comme espéré, mais au moins une journée professionnelle, « Les restaurateurs à la rencontre des produits locaux », qui a mobilisé une cinquantaine de personnes en mai 2016.

Nouveaux espaces de dialogue

Dans le Laonnois, comme dans les deux autres territoires, les projets Picasol seront poursuivis encore une année. Claire Tauty se félicite d’avoir pu ouvrir partout de « nouveaux espaces de dialogue, selon une méthodologie éprouvée et avec une vraie participation ». En 2016 pour Picasol, l’association a été lauréate du Programme National pour l’Alimentation. Aujourd’hui, le paysage a changé avec la constitution de la Région Hauts-de-France et l’apparition des Projets alimentaires territoriaux promus par l’Etat. Echanges pour une Terre Solidaire imagine déjà un « Picasol 2 », qui la verrait travailler plus intensément encore avec les collectivités, pour les informer, les outiller et en faire des porteurs « durables » des initiatives.

To go further

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