Articuler les démarches territoriales de transition

May 2021

Réseau pour la transition énergétique (CLER), Territoires à Energie Positive (TEPOS)

Depuis 1984, le CLER - Réseau pour la transition énergétique défend et accompagne la montée en puissance des énergies renouvelables et de la maitrise de l’énergie dans le paysage énergétique français. Grâce à un réseau de plus de 300 acteurs locaux précurseurs, l’association poursuit son objectif d’accélérer la transition énergétique sur le terrain. En innovant sans cesse et en élaborant des pratiques vertueuses et reproductibles, les collectivités et professionnels engagés avec le CLER forment une société civile déjà en mouvement dans les territoires. Fondé en 2011 par six territoires pionniers, le réseau des Territoires à énergie positive (TEPOS) rassemble plus d’une centaine de collectivités qui visent la couverture de leurs besoins énergétiques, après les avoir réduit au maximum, par les énergies renouvelables locales (objectif « 100 % renouvelables et plus »), ainsi que des acteurs engagés à leur côté. Ensemble, ils ont choisi de faire de l’énergie une chance et un facteur de développement territorial. Le CLER - Réseau pour la transition énergétique, porte le projet et anime le réseau TEPOS au niveau national. Instaurée il y a plus de 20 ans, la notion de projet de territoire fait son retour en grâce avec le contrat de relance et de transition écologique (CRTE). Amenés à se généraliser sur l’ensemble du territoire national dès 2021, les CRTE s’appuieront en effet sur le projet de territoire qui sera au fondement du contrat passé entre les collectivités territoriales et l’État. Pour répondre à l’ambition souhaitée par l’État d’allier transition écologique, développement économique et cohésion territoriale, le projet de territoire devra s’enrichir d’une stratégie de transition écologique et de cohésion du territoire, ainsi que du plan d’action correspondant - s’il ne les intègre pas déjà explicitement. Ce travail a bénéficié́ du soutien de l’ADEME - Agence de la transition écologique, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et de la Banque des territoires dans le cadre du programme d’actions 2020 du réseau Territoires à énergie positive, animé par le CLER. Nous proposons ici de mettre en valeurs certains éléments et de les illustrer par quelques expériences.

To download : porter-un-projet-de-territoire-en-transition3.pdf (520 KiB)

Structurer une dynamique pour faire émerger des projets concrets

Les collectivités territoriales, par les politiques publiques qu’elles mettent en oeuvre et les dynamiques qu’elles animent, activent la transition sur le terrain. Elles ont les compétences et la responsabilité de construire les cadres d’orientation et possèdent déjà certains outils pour engager ce changement : plan local d’urbanisme/plan local d’urbanisme intercommunal (PLU/PLUi), schéma de cohérence territoriale (SCoT), plan climat-air-énergie territorial (PCAET)… Autant de projets stratégiques auxquels chacun peut contribuer. Par ailleurs, plusieurs autres dispositifs ont été proposés ces dernières années : démarches Cit’ergie et Économie circulaire, appel à projets Territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), contrats de transition écologique (CTE), contrats d’objectifs territoriaux de l’ADEME… Ils témoignent de l’importance que l’État accorde depuis une quinzaine d’années à la transition énergétique et écologique dans les territoires, et sa volonté de l’accompagner pour relever les défis associés. Les institutions nationales et régionales orientent et structurent plus globalement ce mouvement d’ensemble au travers de leurs exercices de prospective et de planification : stratégie nationale bas carbone (SNBC)16, programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET)17 en particulier.

S’inscrire dans des cadres d’action publique plus larges et interagir avec les différentes échelles permettent de construire les cohérences nécessaires pour conduire une transition vers une société durable. Trouver des convergences avec des dynamiques collectives locales est une clé pour conforter la mise en mouvement territoriale que peuvent impulser les collectivités. En s’appuyant sur un ensemble de démarches territoriales de transition, ce sont autant de projets concrets qui se développent localement au service du quotidien des citoyens et de l’évolution du monde associatif et des entreprises. Partout, des solutions sont déjà mises en oeuvre dans des communes, intercommunalités et territoires de projet de toutes tailles, au profit de territoires plus sobres en carbone, vecteurs de lien social, d’amélioration de la qualité de vie et de dynamisme18.

Mobiliser progressivement les différents dispositifs

Chaque dispositif d’appui à la transition territoriale présente un intérêt distinct, en fonction de son public cible identifié, des besoins et envies du territoire, et de la maturité de son projet de transition. Tous doivent être au service du projet de territoire de la collectivité engagée avec les acteurs locaux autour d’une ambitionde transition énergétique et écologique. En présentant les différents dispositifs, leur trajectoire historique, ce que chacun fait et apporte, à qui ils bénéficient, notre intention est de guider le choix des collectivités vers ceux qui répondent le mieux à leurs besoins, à un moment donné, tout en les encourageant à structurer un parcours de mobilisation progressif des autres dispositifs pour consolider leur stratégie et leur organisation dans le temps.

Sans oublier les fondamentaux : une collectivité n’a pas vocation à accumuler par principe les dispositifs, dans l’idée qu’en saisir le plus possible serait le mieux. Leur finalité est bien le passage à l’action en matière de transition. Conscient de cela, des pionniers de la transition énergétique comme Le Mené défendent spontanément la logique : « moins de papier, plus de projets ». Est-il réellement nécessaire de déployer tous ces dispositifs avant d’agir et pour agir ? Dans l’absolu, non bien sûr. Mais d’une part, plusieurs d’entre eux sont obligatoires et donc se cumulent nécessairement (et idéalement s’articulent intelligemment). D’autre part, les projets inscrits dans une stratégie de transition écologique et de cohésion territoriale structurée ont plus de chance d’être des « bons projets », pertinents pour le territoire et adaptés aux enjeux. Ainsi, les intercommunalités et leurs groupements ont tout intérêt à saisir le plan climat-air-énergie territorial (d’autant plus s’ils sont obligés) comme une opportunité d’élaborer à la fois une vision du territoire à long terme et un programme d’action à court terme, combinant ambition, opérationnalité et mobilisation locale. C’est cette ligne directrice qui doit guider les choix opérés localement.

Comprendre le positionnement de chaque démarche

Différents dispositifs peuvent donc s’articuler pour construire une vision, des plans d’action et des moyens associés dans les territoires. En substance, voici comment il est possible de résumer le positionnement de chaque démarche19

Définir une ambition - Mobiliser

La démarche de Territoire à énergie positive (TEPOS) fixe une ambition politique sur l’énergie au projet de territoire, favorise la mobilisation des acteurs locaux et oriente les conditions de réalisation des projets en faveur du développement territorial.

Planifier

Le plan climat air-énergie-territorial (PCAET) apporte une vision complète des enjeux et constitue une planification à moyen et long terme des projets. Il est le cadre de coordination de la transition énergétique sur le territoire. Son plan d’action est le fruit de la mobilisation des acteurs, il nourrit des demandes de financement et d’appui technique, notamment par le biais des CRTE.

S’organiser

Le référentiel de la transition écologique de l’ADEME, composé de Cit’ergie et Économie circulaire, donne les clés d’une organisation optimisée du pilotage de la stratégie et des projets au sein de la collectivité. Il permet d’étalonner son action à l’échelle du référentiel.

Animer - Se doter d’ingénierie

Le financement de postes de chargés de mission dans les territoires grâce aux contrats d’objectifs territoriaux ou aides au changement de comportement de l’ADEME, au FNADT sur des enjeux d’aménagement et de cohésion territoriale ou aux programmes européens et régionaux, les met en capacité de structurer leur projet, développer un plan d’action partenarial en fédérant les acteurs et instruire les demandes d’aides (si nécessaire) pour financer les actions. L’ADEME, l’Agence de la cohésion des territoires ou la Banque des territoires proposent en outre des aides à l’ingénierie externe, et le Cerema un appui technique aux projets.

Concrétiser-Réaliser

Des contrats et conventions (appels à projets ADEME, précédemment TEPCV, contrats d’objectifs énergies renouvelables thermiques, contrats régionaux et européens, etc.) apportent des moyens financiers des partenaires aux territoires pour cofinancer leurs projets (investissement, études, animation). Les contrats entre État et territoire, tels le CTE et désormais le CRTE, n’apportent pas de moyens additionnels mais concentrent les moyens existants des partenaires (État et agences, parfois Régions, etc.) pour accompagner la transformation écologique des territoires et faciliter la réalisation de leurs projets via une programmation budgétaire.

Action !

Les investissements consentis et les actions concrètes menées dans les territoires font de la transition écologique un axe de développement social, économique et environnemental majeur. Ils permettent de diminuer la facture énergétique du territoire et de chacun, de réduire la précarité énergétique des ménages, de faire de l’énergie une source de revenus pour les acteurs locaux, de créer de l’activité et des filières économiques, de préserver la compétitivité des entreprises, de faire vivre des dynamiques collectives…

Rétablir de la lisibilité et de la cohérence après 10 ans d’éparpillement

« Chacun sa loi, chacun son appel à projets, chacun son budget… »

Indépendamment de la sincérité des intentions qui président a priori à leur mise en place, avec la volonté claire de faire avancer la transition écologique, le foisonnement des démarches initiées par l’État depuis 10 ans révèle un « mal français », que l’on peut résumer par la formule : « chacun sa loi, chacun son appel à projets, chacun son budget… » Les logiques de marketing politique ont conduit les gouvernements successifs à lancer de nouvelles initiatives, sans se soucier réellement de la continuité des politiques publiques et de la lisibilité de l’offre pour les bénéficiaires finaux, les collectivités locales.

La cohérence entre les dispositifs est donc difficile à trouver et c’est logique : elle n’a jamais été pensée en amont. Sa construction dans un second temps relève de l’art de la « post-rationnalisation ». Pourquoi donc chercher à articuler ce qui n’a jamais été pensé pour être articulé ? Tout simplement parce que sur le terrain, les territoires n’y comprennent plus grand chose. L’exercice d’articulation des dispositifs est une réponse nécessaire à leur demande. Les pouvoirs publics locaux et régionaux, les acteurs locaux et les bureaux d’études qui accompagnent les territoires doivent pouvoir expliquer l’utilité de tel ou tel dispositif, ses spécificités et sa complémentarité avec les autres,aux élus et agents des collectivités. Il s’agit de les éclairer suffisamment pour qu’ils ne se perdent pas complétement dans le brouillard. L’expérience vécue par les utilisateurs doit revenir au centre des considérations pour concevoir, améliorer et faciliter l’usage des dispositifs. À défaut de les écouter sincèrement, les propositions venant « d’en haut » passent souvent à côté des besoins réels et ratent leur cible.

L’amorce d’un virage avec les contrats de relance et de transition écologique ?

La méthode préconisée pour l’élaboration des Contrats territoriaux de relance et de transition écologique marque a priori une évolution favorable. Les intentions affichées dans la circulaire du 20 novembre du Premier ministre sont encourageantes avec :

Pour autant, la réussite (ou l’échec) de ce dispositif dépendra largement des conditions de sa concrétisation sur le terrain. Beaucoup d’inconnues subsistent et les premiers retours du terrain ne sont pas particulièrement rassurants. Une évolution du rôle et de la posture des services déconcentrés de l’État, passant de l’instruction et du contrôle, à la facilitation de l’action des territoires, sera une clé de réussite. Par ailleurs, il s’agira de vérifier que ce nouveau dispositif soit bien le vecteur d’une transformation des modèles de développement territorial dans le sens de la transition. La coexistence de deux modes d’intervention avec des objectifs et des temporalités très différentes (plan de relance versus projet de territoire) invite pour l’instant à cheminer sur une ligne de crête très étroite, avec le risque de tomber du côté de la relance du « monde d’avant ». Tout l’enjeu réside donc, dans une logique en deux temps, à identifier d’abord des projets d’investissement vertueux, parfois déjà dans les cartons, pour mobiliser rapidement les fonds de la relance (par exemple, des infrastructures de mobilité durable, des rénovations énergétiques de bâtiments…) ; puis se doter de moyens humains sur le temps long pour installer une capacité d’animer la coopération et la transition, et de faire émerger de nouveaux projets plus complexes et cohérents avec le projet de territoire.

Investir dans le capital immatériel des territoires

Une grande partie des territoires ont désormais conçu et mettent en oeuvre des politiques sectorielles allant dans le sens d’une transition écologique, notamment un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Cependant, rares sont encore ceux qui sont engagés dans une démarche pour penser leur avenir à long terme, mettre en place des politiques et des actions à la hauteur des enjeux, pour eux comme pour le pays, et concevoir une transition systémique et partenariale, amorçant un nouveau modèle de développement. Pour entreprendre cette longue marche, les territoires doivent investir. Certes, dans des infrastructures et des objets matériels.

Mais l’investissement le plus durable, le plus significatif est un investissement immatériel : celui de la mise en mouvement et de la mise en route, celui du dialogue avec les habitants, celui d’une véritable démocratie délibérative amenant les différents acteurs à partager une même vision des défis à relever dans les décennies à venir, celui de l’apprentissage du travail e n commun, de la confiance mutuelle et de la coopération.

La crise liée à la pandémie de la Covid-19, comme les chocs climatiques et sociaux qui se multiplient, montrent que la première vertu à attendre d’un territoire c’est la résilience : la capacité à ne pas se laisser abattre par des difficultés mais à les transformer en opportunités de changement. Cette résilience dépend essentiellement du « capital immatériel » du territoire : des apprentissages, parfois très anciens, qui ont développé un art de penser et d’agir en commun et qui se trouvent réactivés face à une nouvelle crise. Parce qu’il est construit dans la durée et porte ses effets dans la durée, ce capital immatériel est bien au sens strict du terme un capital, un investissement, bien plus urgent, bien plus durable que tous les autres investissements. En outre, dans la perspective d’une relance économique et sociale, les investissements les plus utiles seront ceux où l’argent entrant dans le territoire y circulera, stimulera l’économie locale sans ressortir massivement pour acheter des biens et services importés : c’est dire la supériorité des investissements immatériels, du moins si l’argent injecté dans le territoire permet de créer des structures de travail durables au service de la transition.

Pas de transition sans intelligence territoriale

La transition énergétique et sociétale ne se fera pas sans intelligence territoriale. Il faut des hommes et des femmes pour monter des projets, accompagner le développement des capacités des acteurs locaux à en porter, faire vivre la transversalité et la coopération au sein des services et avec les acteurs, déployer des dynamiques collectives de transition. Le constat est unanime : il manque des chargés de mission dans les territoires pour faire la transition écologique.

Soyons clairs quand on parle d’ingénierie locale : certes une ingénierie technique, juridique et financière peut et doit être mutualisée au plus près des territoires, au sein de structures tierces (agences locales de l’énergie, associations spécialisées, syndicats d’énergie, territoires de projet…). Certes les services et agences de l’État peuvent apporter un appui ponctuel en ingénierie, directement ou par le biais de la mise à disposition d’experts, pour des aspects spécialisés. Mais dans tous les cas, une solide équipe interne à la collectivité, généralement l’intercommunalité ou un groupement d’intercommunalités, est indispensable pour piloter la mise en oeuvre du projet et mobiliser les compétences externes et coordonner leur intervention.

Mieux accompagner la montée en capacité des territoires

Dans un contexte de restriction budgétaire et de mise à l’index de l’augmentation du nombre de fonctionnaires dans les collectivités territoriales, il est difficile de créer des dépenses de fonctionnement et des postes sur la transition écologique et énergétique. La capacité de mobilisation des collectivités locales sur ce sujet, surtout en territoire rural, repose généralement sur l’accès à des financements externes. Le soutien à l’ingénierie pour la transition dans les territoires se fait souvent par des appels à projets initiés par leurs différents partenaires (ADEME, Région, etc.). Cet appui est absolument déterminant. Mais la modalité associée induit le recours privilégié aux contrats courts (3 ans au mieux, parfois moins). Cela limite la montée en compétences des chargés de mission, génère un fort turn-over, parfois des non-remplacements. En outre, ces personnes « volantes » peuvent peiner à assoir leur légitimité en interne à la collectivité et rencontrer de ce fait des difficultés à engager largement les autres services. Cette précarité humaine constitue in fine un frein important à la montée en capacité des territoires. La structuration de dispositifs d’accompagnement stables, lisibles, cohérents et systématiques est nécessaire pour permettre aux territoires de s’engager dans la durée avec une vision claire des moyens dont ils peuvent disposer sur une longue période d’amorçage de leur dynamique, à l’issue de laquelle ils auront construit leur autonomie financière pour conduire et amplifier la transition énergétique.

S’assurer d’une égalité des territoires dans la capacité d’accéder aux dispositifs

Les territoires qui ont déjà fait des études et disposent d’une ingénierie interne se positionnent en premier sur les fonds de la relance, et globalement sur tous les dispositifs de financement. Ce sont souvent les mêmes, à commencer par les collectivités urbaines. Les territoires ruraux sont beaucoup moins nombreux dans cette situation.La capacité différenciée des territoires à accéder aux dispositifs existants peut faire exploser les inégalités entre territoires, qui plus est dans cette période de relance économique. En développant des stratégies d’ingénierie financière, les collectivités qui ont des chargés de mission sont en capacité de faire l’intermédiaire entre leurs politiques publiques, les projets locaux et les opportunités de financement externes ; elles savent maximiser l’effet levier de leur action, en combinantleurs apports avec ceux des porteurs des projets, habitants et entreprises, et en mobilisant les autres financements publics et offres financières priviligiées existants - en particulier pour les deux prochaines années. Tandis que ces bénéficiaires de la relance créeront de la valeur et renforceront leur résilience avec la transition, les non-bénéficiaires seront abandonnés à leur vulnérabilité. Cela posera un sérieux problème de cohésion. C’est pourquoi des moyens spécifiques d’accompagnement pour les territoires qui ont le moins de capital humain, notamment ruraux, doivent être mis en place pour leur permettre de construire au plus vite leur projet de territoire et déployer le plan d’action associé.

Articuler, mettre en cohérence les échelles et financer par les contrats

Avec le CRTE, le projet de territoire devient théoriquement le document stratégique de référence pour la contractualisation cadre entre le territoire et l’État. Les Régions et les autres partenaires des territoires seraient avisés de suivre la même voie. Les documents de planification qui déclinent opérationnellement le projet de territoire, notamment le plan climat-air-énergie territorial, sont le moyen pour l’État de s’assurer que l’action des collectivités locales, librement déterminée, s’inscrit en cohérence avec les grandes orientations nationales sur la transition énergétique et pour le concitoyen de suivre et évaluer l’action locale. L’élaboration de ces documents réglementaires sont autant d’occasion de prendre le temps de mobiliser les acteurs locaux pour écrire un projet partagé et affiner des partenariats et coopérations.

Les contrats entre les acteurs aux différentes échelles sont un outil d’articulation et de mise en cohérence de leurs objectifs et moyens respectifs, permettant de structurer un agencement institutionnel efficace au profit d’une action volontaire dans les territoires et de l’atteinte des engagements régionaux, nationaux, européens et internationaux de la France.

Le CRTE pose un cadre organisationnel favorable pour ce dialogue et cette coordination entre échelles. Mais il présente une double limite importante : d’une part, il n’est assorti d’aucun financement dédié, en particulier pour investir dans l’humain ; d’autre part, il n’incite pas particulièrement les territoires à faire preuve d’ambition en matière de transition écologique, ce qu’on peut résumer de manière imagée en disant : « sans carotte, pas de bâton ». Cependant, il ne manque pas grand-chose pour compléter le « mécano » et le rendre réellement efficace, exigeant et vertueux. La clé de voûte consiste à proposer de manière systématique et pérenne (c’est-à-dire a priori renouvelable dans la durée) le bénéfice d’un financement pour des postes de chargés de mission aux territoires signataires d’un CRTE.

À court terme, des dispositifs existants peuvent être renforcés et mobilisés pour cela. Le premier est le contrat d’objectifs porté par l’ADEME. En conditionnant une partie du montant de l’aide financière à l’atteinte d’objectifs et en s’adossant aux référentiels de transition écologique (Cit’ergie et Économie circulaire) pour simplifier la définition et l’évaluation de l’atteinte de ces objectifs, ce contrat attribue des moyens significatifs aux collectivités pour leur permettre de structurer leur action, tout en incitant à l’amélioration continue quel que soit le point de départ. Le second est le Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT). Il apporte un soutien de l’État, notamment en fonctionnement, pour la mise en oeuvre des choix stratégiques de la politique d’aménagement du territoire et répond aux enjeux de montée en capacité des territoires moins dotés et de cohésion des territoires. Si le contrat d’objectifs de l’ADEME tend désormais à s’adresser plus naturellement aux intercommunalités, en lien avec la mise en oeuvre des référentiels de transition écologique, le FNADT est taillé pour les territoires de projet - ce qui est complémentaire. Ces deux dispositifs et les aides associées doivent être accessibles pour tout territoire demandeur structurellement déficitaire en ingénierie, selon des règles d’éligibilité clairement définies, dans une logique de guichet ouvert20. La montée en puissance du recours à ces dispositifs est à programmer sur le plan budgétaire ; les futures lois de finances abonderont pour cela les montants affectés de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros par an. Les canaux existent et sont opérationnels : il suffit désormais de fluidifier le processus et d’augmenter le débit.

À moyen terme, l’efficacité de cet assemblage devra être évaluée et confrontée à une alternative défendue de longue date par les associations de collectivités locales et les associations environnementales, davantage conforme à une logique de décentralisation : l’affectation d’une dotation aux intercommunalités et aux régions, dans le cadre ou non d’un contrat avec l’État, pour l’exercice des compétences en matière d’écologie qui leur ont été confiées par l’État.

Sources

  • Pratiques méthodologiques des territoires à énergie positive, CLER - Réseau pour la transition énergétique,mars 2017

  • Propositions en faveur de la transition énergétique territoriale, CLER - Réseau pour la transition énergétique,janvier 2018

  • Synthèse d’activités 2019 et perspectives 2020, ADEME Direction régionale Auvergne-Rhône-Alpes, mai 2020

  • Articuler les dispositifs d’accompagnement au profit du projet de territoire (compte-rendu d’atelier),

  • Ministère de la transition écologique et CLER - Réseau pour la transition énergétique, septembre 2020

  • Accélérateur des transitions (appel à projets), ADEME Grand Est, novembre 2020

  • Articuler les démarches territoriales de transition écologique et énergétique (wébinaire),CEREMA, décembre 2020

  • Décryptage des politiques publiques de la transition vers le développement durable en Nord-Pas-de-Calais,CERDD, 2014

  • En route vers des territoires à énergie positive, CLER - Réseau pour la transition énergétique, 2015

  • Définir des stratégies territoriales pour faire évoluer les modes de vie en faveur de la transition,Collège des transitions sociétales et autres, novembre 2020

  • Les contrats de transition écologique : comment aller plus loin ?,

Ministère de la transition écologique, juin 2020