L’atelier climat de Nantes métropole : une initiative originale de participation

La mise en œuvre d’une démarche participative au long cours

Judith Ferrando y Puig, 2012

Institut de la Concertation et de la participation citoyenne

L’agglomération nantaise (Nantes métropole) s’est doté d’un Plan Climat, c’est-à-dire un programme stratégique qui comprend différents objectifs relatifs à l’adaptation et à la lutte contre le réchauffement climatique et donc contre les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les collectivités territoriales en elles-mêmes ne sont responsables que d’une petite fraction des émissions de gaz à effet de serre de leur territoire, l’essentiel provenant des acteurs privés et de la population.

C’est pourquoi, outre la limitation de ses propres émissions, Nantes métropole a décidé de travailler avec le secteur économique, les associations et les habitants. La mise en place d’un Atelier Climat s’insère dans cette perspective : il s’agit de mobiliser un groupe d’habitants et d’étudier avec eux les mesures possibles, afin de pouvoir ensuite transformer ces recommandations en propositions portées par la collectivité.

Présentation de la démarche

Cette expérience peut s’intégrer dans la grande famille des dispositifs dits « à mini-public » qui, à l’instar des conférences de citoyens, vise à susciter les avis de profanes sur un sujet d’intérêt général et peut donner lieu à une traduction dans les politiques publiques locales. Elle est cependant originale du fait du nombre relativement important de personnes mobilisées (plus d’une centaine de familles), de la durée de l’expérience (plus d’un an) et du souci de coupler un processus participatif avec un travail approfondi d’analyse et d’enquête. Pour la collectivité en effet, les objectifs sont multiples. En premier lieu, il s’agit de susciter des propositions (un « avis ») sur la base de l’expertise profane d’un ensemble de participants peu éloignés par leurs caractéristiques de l’ensemble de la population, afin d’anticiper la mise en place de mesures à la fois volontaristes et réalistes car ancrées dans les motivations des habitants. En second lieu, il s’agit de mieux savoir comment sont considérées et mises en œuvre les mesures promues dans les politiques publiques. Enfin, il s’agit de mesurer les transformations effectives des pratiques des habitants au cours d’un processus de sensibilisation original. Finalement, l’objectif est de rechercher de meilleures articulations entre actions politiques et comportement quotidiens, ainsi que de créer des lieux de dialogue entre institutions et citoyens.

Les étapes : mobilisation du panel et mise en place du processus de travail

La première étape a consisté en la réalisation d’une enquête téléphonique, par un organisme spécialisé, auprès d’environ 2500 habitants de l’agglomération nantaise afin de mieux connaître les connaissances et les représentations de la population sur le changement climatique. En quoi consiste-t-il ? Est-il perçu comme inquiétant ? Quels sont les gestes connus et effectivement mis en pratique qui peuvent limiter l’émission de gaz à effet de serre ?

A la fin du questionnaire, les personnes interrogées étaient invitées à laisser leurs coordonnées si elles acceptaient d’être recontactées à ce sujet. Environ une personne sur deux a donné son accord. Ce fichier a permis ensuite de constituer un échantillon représentatif de la population de l’agglomération d’environ 150 personnes, sur la base du volontariat en en fonction de catégories d’âge, de condition socio-économique ou d’habitat.

L’équipe de consultants Missions Publiques a alors proposé un dispositif de travail à ces volontaires. Ce qui leur était demandé n’était pas de devenir des citoyens exemplaires, mais de contribuer à une réflexion sur la lutte contre le changement climatique, c’est-à-dire de donner à comprendre ce qui peut changer dans le mode de vie des habitants, les mesures qui seront comprises et mises en œuvre.

Pour cela, deux dispositifs de travail sont proposés : la « Formule 3 » et la « Formule 7 ». Dans la Formule 3, les participants s’engagent à participer en famille à trois journées ou demi-journées d’information et d’échange entre juin 2010 et juin 2011, à mesurer régulièrement leurs émissions de gaz à effet de serre grâce à un protocole mis au point par l’Ademe et à répondre à un questionnaire en ligne sur leurs pratiques quotidiennes. Dans la Formule 7, les participants assistent en outre à 4 journées d’approfondissement thématiques sur les déplacements, les déchets, la consommation, l’habitat et l’énergie. Ils ont également à leur disposition un site internet dédié sur lequel ils peuvent puiser et diffuser de l’information, ils sont invités à participer à des visites de sites de l’agglomération et font l’objet d’un entretien personnalisé à domicile.

Des 150 candidats initiaux, environ 100 suivront le parcours dans son intégralité. Ils se répartissent approximativement à égalité dans les Formules 3 et 7.

Le déroulement

Les journées d’information et de débat ont fait intervenir des spécialistes mais aussi des habitants de l’agglomération ayant déjà fait évoluer leurs modes de vie pour les rendre moins émetteurs de CO2. Elles ont donné lieu à des échanges qui se sont révélés peu contradictoires : en effet, ce n’est pas la pertinence de l’objectif qui était débattue, mais la question du « comment faire ? ». Les participants venaient en famille, les enfants se consacrant à des activités spécifiques sur le même sujet pendant que les parents auditionnaient des invités et débattaient entre eux.

Les discussions ont porté notamment sur les incitations financières, sur la notion de contrainte et d’incitation dans les politiques publiques, etc. Des changements de pratiques ont été expérimentés en temps réel, tout au long du processus.

Selon les participants, le débat est plus efficace en termes de changement de comportement que la communication institutionnelle. Le fait de parler à des pairs, de soulever des réserves ou de poser des questions : tout cela fait progresser la réflexion. C’est le principe de l’effet transformateur de la délibération qui est ainsi mis en évidence.

Finalement, les participants ont émis une série de recommandations qui ont été remises aux élus de Nantes métropole et sur lesquelles le Président de l’agglomération a répondu de manière détaillée le 20 octobre 2011 lors de la Journée du Plan Climat, en pointant les efforts à déployer en termes de renforcement de l’action publique et d’expérimentations d’actions collectives.

Principaux enseignements

Premier enseignement, quelque peu paradoxal : la collectivité territoriale est vue par les habitants comme un acteur légitime dans ce type de domaine, mais ses actions sont très mal connues. On lui octroie une certaine confiance et on reconnaît son autorité, tout en méconnaissant les initiatives qu’elle a déjà prises par exemple en matière de co-voiturage, d’auto-partage ou de promotion des circuits courts. Seule politique locale clairement identifiée comme s’insérant dans ce champ : le développement des transports collectifs. Noyés dans un flux d’information, les messages de sensibilisation qui sont adressés aux citoyens ne les touchent visiblement que peu.

Second enseignement : la conscience des risques du changement climatique n’est pas un moteur majeur d’évolution des pratiques quotidiennes. Si les mesures effectuées tout au long du processus montrent une évolution effective des comportements, notamment dans le domaine des déplacements et de la consommation, ce n’est pas dans le but affirmé de limiter l’effet de serre, mais plutôt par souci général envers l’environnement et par adhésion au principe de développement durable. Les citoyens ne font pas de nette distinction entre l’économie d’énergie et l’économie d’eau, par exemple, ces deux mesures leur paraissant aller « dans le bon sens » même si elles ont des objectifs différents (la seconde n’ayant pas d’impact direct sur le changement climatique). Cette conclusion est susceptible d’orienter fortement les actions de communication ultérieures de la communauté urbaine : ce n’est pas la crainte du changement climatique qui fera évoluer significativement les comportements. Les habitants sont également soucieux de ne pas apparaître, en modifiant leur comportement, comme des « écolos », mais plutôt comme des citoyens responsables.

Troisième enseignement : tous les participants ne modifient pas leurs pratiques, soient parce qu’ils l’avaient déjà fait, soit pour d’autres raisons. L’enquête avait déjà montré qu’il n’y avait pas de corrélation nette entre le niveau de conscience du problème du réchauffement climatique et les pratiques effectives des habitants. Certains, conscients du problème, ne passaient pas à l’acte pour des raisons diverses (santé, confort…) ; d’autres en revanche avaient modifié leurs pratiques pour des raisons non liées au réchauffement climatique, notamment pour des motifs économiques.

Quatrième enseignement : les participants ont été surpris des dépenses en énergie induite par leur mode de consommation. Le poids du transport et du chauffage était connu, visiblement pas celui du transport et du mode de production des aliments.

Enfin, dernier enseignement : les participants ont le sentiment que l’action individuelle des citoyens est insuffisante face à l’ampleur des problèmes et qu’il est nécessaire de s’orienter vers des choix de société plus radicaux. Interpellée à ce niveau, la communauté urbaine s’est trouvée surprise et quelque peu désarmée…

En conclusion

Quelles sont les caractéristiques innovantes de ce processus ? Ce sont principalement les suivantes :

A l’interface entre information, action et recherche, c’est un processus novateur susceptible d’inspirer de nouvelles démarches.

To go further

Informations : L’atelier Climat

Les grands principes du dialogue citoyen nantais

Le projet de dialogue citoyen 2014-2020

Les collectivités locales dans la lutte contre le changement climatique

Article sur le site de l’Institut de la concertation