Transformation d’un terrain provisoire en habitats adaptés à destination des gens du voyage

Projet de relogement de familles vivant dans un habitant insalubre à Lille

Delphine BEAUVAIS, 2005

Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC)

Cette fiche présente un projet de relogement des gens du voyage après leur expulsion d’une aire de stationnement. Retraçant les étapes et les partenaires du projet, cette fiche expose de manière intéressante les limites de sa réussite et les questions en suspens pour gérer au mieux les problématiques de logement que rencontre ce type de population défavorisée.

Historique du stationnement sur le terrain provisoire

L’Association Régionale d’Etude et d’Action Sociale auprès des gens du voyage (AREAS) a pris connaissance de l’existence du terrain rue de Marquillies à Lille, en 1994, sur un stationnement de la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF). Ce stationnement comportait jusqu’à une centaine de caravanes selon les périodes de l’année et rassemblait différentes ethnies (Roms, Yénishs, Roms yougoslaves…). Cette multiplicité d’ethnies et de caravanes sur un terrain précaire entraîna d’importants soucis d’hygiène, d’exiguïté, de confort : absence totale de sanitaires, de toilettes, de tout à l’égout, d’arrivée d’eau potable, branchement électrique en sauvage, etc. Début 1997, devant l’importance du stationnement et de ses conséquences, la SNCF, propriétaire du terrain, a décidé de réagir et d’expulser l’ensemble des familles.

Bases du projet de relogement

Face à la situation très précaire de certaines familles et à leurs attentes de relogement, les différentes associations intervenantes sur le terrain (CAL PACT, ATD Quart Monde, AREAS), ont interpellé la ville de Lille sur ce problème. En mars 1997, la municipalité, sensibilisée sur la question de l’habitat adapté des gens du voyage, s’est emparée du dossier.

A partir d’une liste de familles en demande de relogement, fourni par les différentes associations, la ville est parvenue à négocier une parcelle de terrain avec la SNCF autorisant les familles à rester une année. Il s’agit de 15 ménages, dont 8 en logement individuel et une famille de 7 ménages souhaitant un terrain familial. La ville a décidé d’être le maître d’œuvre dans la construction de 5 logements individuels. En juin 1997, le projet d’un bailleur social est retenu, il pourra ainsi être discuté avec les 5 familles ciblées par l’AREAS en partenariat avec le PACT.

En octobre 1997, le projet est présenté aux familles. Entre cette date et juin 1998 le projet ne voit aucune avancée pour des raisons économiques. Enfin en 1999, il est réellement lancé et l’on s’achemine vers la réalisation de cinq maisons adaptées, alignées dans la même rue. Ces maisons possèdent une grande salle de vie, entourée d’une cuisine ouverte et de chambres disposées tout autour. A cela vient s’ajouter un petit jardinet et un emplacement ouvert au devant de la maison. Toute cette réalisation s’est portée sur la nécessité d’ouverture de l’habitat.

On peut se demander face à cette situation si ce n’est pas le fait de ne pouvoir accéder à un habitat adapté (et donc de subir des conditions de vie extrêmement difficiles), plutôt que la sédentarisation en elle-même qui amène à des problèmes identitaires et processus d’exclusion.

Avancée et déroulement de l’action

Entre 1997 et l’emménagement des familles en novembre 2001 un certain nombre de questions se sont révélées tant auprès des familles que des partenaires concernés par l’action :

La demande des familles en matière de logement était très forte. Pendant près de six ans, leur dynamique a été mise à mal par les préoccupations du quotidien et leurs conditions de vie allant à l’encontre de la dignité humaine.

Toute la coordination du projet a visé à :

Au regard de tous ces objectifs, il est évident que l’AREAS ne pouvait pas intervenir seul. Un énorme travail partenarial et de réseau s’est ainsi mis en place :

Fin de l’action, bilan et passage de relais

L’action de l’AREAS dans le cadre de son accompagnement éducatif a pris fin en novembre 2004. En effet dans le cadre du FSL (Fond Solidarité Logement) l’accompagnement avait été jugé opportun pour une durée de trois ans. Il fut convenu entre chaque partenaire de stopper les concertations régulières organisées par le maire de quartier en accord avec tous les partenaires concernés.

Un relais fut bien entendu passé avec toutes les structures participatives notamment autour de la prévention et du service social de secteur. Au-delà du retrait progressif de l’AREAS tous les partenaires concernés étaient parfaitement conscients de l’interpellation possible de notre association sur des situations précises, de par notre spécificité d’accompagnement auprès de cette population. Les familles ont tout à fait perçu l’importance et la nécessité de relais avec la possibilité qui leur était offerte de faire appel à des structures de droits communs.

Bien entendu tout ce projet doit amener à des questionnements et des remises en question :

En conclusion il paraît évident, au regard de la richesse et de la réussite progressive de ce projet, que la solution de l’habitat adapté en faveur des gens du voyage reste un travail intéressant à mener et à construire. Mais il reste essentiel de s’interroger sur la pertinence de tout projet mis en place, sur son maintien et sur le temps nécessaire à sa réalisation.