DESERTEC, un concept pour l’avenir

Manuel Marin, 2013

Cette fiche présente un projet de développement des énergies renouvelables, à l’échelle mondiale, porté par la Fondation DESERTEC, qui mise principalement sur l’énergie solaire et la coopération régionale pour l’approvisionnement énergétique de vastes régions du globe.

La Fondation DESERTEC a été créée en 2003 par un groupe de scientifiques, responsables politiques et économistes autour d’un concept de développement durable et de management efficace de l’énergie, le concept DESERTEC. En termes simples, le concept DESERTEC consiste à exploiter l’énergie solaire des déserts du Nord de l’Afrique pour alimenter en électricité l’Europe, le Nord de l’Afrique et le Moyen Orient. Les chiffres indiquent que le potentiel énergétique de ces déserts est énorme et que l’intervention sur une toute petite fraction du territoire serait suffisante pour obtenir une quantité importante d’énergie. Plus précisément, le concept DESERTEC établit un plan de renouvellement énergétique complexe, concernant les trois régions appelées EUMENA (Europe, Middle-East et North Africa) et dont l’incorporation graduelle des renouvelables et la diminution du fossile (le nucléaire n’est pas considéré dans cette stratégie) sont les pièces principales. Le projet est pensé pour être mis en place étape par étape jusqu’à 2050. Cependant, la Fondation DESERTEC affirme que c’est maintenant qu’il faut commencer, si l’on veut arriver à l’année 2050 sans une crise énergétique, économique et écologique affectant toute la région. C’est pourquoi les autorités d’EUMENA sont appelées à initier les démarches nécessaires dès que possible.

DESERTEC est née de la conviction qu’un changement dans les politiques énergétiques en Europe, au Nord de l’Afrique et au Moyen Orient est possible et nécessaire. Cette possibilité consiste à changer la façon dont la ressource énergétique de la région est pensée et organisée. Le réchauffement climatique a mis une limite à l’exploitation de la ressource fossile. Celle-ci est, en tout cas, naturellement limitée par la taille des gisements ; le taux actuel d’extraction ne pourra pas se maintenir pendant longtemps. La ressource renouvelable est donc indispensable pour venir en aide : elle est diversifiée, propre et, d’après les études effectuées par DESERTEC, elle est suffisamment abondante pour satisfaire les besoins de la région. Comment est-il possible, se demandent les chercheurs de DESERTEC, que la stratégie énergétique globale ait ignoré, pendant si longtemps, le principe économique essentiel de la diversification des portfolios ? Ce que ces chercheurs proposent est d’assurer la base de la consommation énergétique d’Europe, du Nord de l’Afrique et du Moyen Orient, par des sources renouvelables et d’utiliser le fossile uniquement pour faire l’appoint. Cette stratégie cherche à tirer le meilleur de chaque ressource énergétique. L’énergie renouvelable n’est pas, comme la fossile, capable de s’adapter rapidement aux brusques changements de la demande. Par contre, elle est abondante et l’exploitation d’une toute petite fraction serait suffisante pour nourrir en énergie des milliards de personnes.

Mais de quelles énergies renouvelables parle-t-on dans le projet DESERTEC ? Notamment, de l’énergie solaire à concentration. Celle-ci est une technologie assez récente, mais éprouvée, qui trouve dans les déserts les plus arides, comme ceux qui s’étalent au Nord de l’Afrique, sa matière primaire élémentaire. L’énergie solaire thermique est redirigée par une centaine de miroirs vers un point commun, où l’énergie est concentrée et encapsulée dans un fluide spécial, une sorte de sel à haute performance calorique. Lorsque l’énergie est requise, la chaleur concentrée est libérée, générant de la vapeur qui fait tourner une turbine. L’énergie cumulée dans la journée peut se libérer dans la nuit, ce qui permet de ne pas s’arrêter de fonctionner. La turbine peut tourner avec du gaz naturel aussi. Ce genre de structures est opérante en Californie depuis plus de 20 ans. D’autres se sont installées plus récemment en Espagne. Les chiffres sont éloquents : un kilomètre carré de surface de concentration solaire installée dans les déserts au Nord de l’Afrique pourrait produire une quantité d’énergie de 250 GWh par an. C’est la même quantité que peuvent produire 1,5 millions de barils de pétrole brut. Le projet DESERTEC envisage la mise en place d’usines à concentration solaire sur une surface de 2.500 km² d’ici 2050. L’énergie produite doit ensuite être amenée aux points de consommation, dont les principaux sont en Europe. Pour cela il faut construire des lignes de transmission hautement efficaces et DESERTEC propose les lignes haute tension à courant continu. Ces lignes traverseront la mer. La portion du territoire concernée est minimale.

L’énergie solaire de concentration est donc un secteur-clé, mais ne sera pas la seule à rénover la matrice énergétique d’EUMENA, en tout cas pas dans le schéma de DESERTEC. En fait, toutes les énergies renouvelables y sont convoquées, même les énergies fossiles. Ces dernières interviennent afin d’apporter la fluidité et la stabilité dont le réseau a besoin. L’énergie nucléaire, qui ne présente aucun avantage, ni technique, ni économique, ni écologique, et en tout cas bien des inconvénients, est écartée de cette stratégie. Les scientifiques de DESERTEC conseillent aux nations d’abandonner le nucléaire graduellement. L’avenir énergétique, dit DESERTEC, sera assuré à travers un mix des sources diversifiées d’énergie : la biomasse, la solaire photovoltaïque, l’éolienne et la marémotrice apporteront une base ; la géothermique et l’hydraulique permettront de fournir la demande intermédiaire et c’est le solaire à concentration et le fossile qui équilibreront le réseau. La maîtrise de la demande contribuera également à cet équilibre.

La grande transition de l’énergie fossile au solaire de concentration, selon les recherches de DESERTEC, ne pourrait pas se produire avant 2020. La pénétration d’autres énergies renouvelables sera aussi graduelle. Au fur et à mesure, les énergies fossiles diminueront leur participation. Ces changements permettront de diminuer les émissions de CO2. En 2050, les émissions seront moins de la moitié qu’en 2000.

Les détails de l’étude effectuée par la Fondation DESERTEC et ses propositions se trouvent dans le «Livre blanc », publié en 2008. Cet ouvrage est centré sur les aspects techniques et discute des avantages et désavantages de chaque type d’énergie, la façon dans laquelle la demande en énergie va évoluer dans la région pour les 40 prochaines années, les coûts associés à la mise en place des structures ainsi que d’autres remarques de type économique, la pertinence des lignes de transmission haute tension à courant continu, les aspects environnementaux, etc. La dimension politique n’est pas traitée dans le « Livre blanc », mais elle est abordée dans le « Livre rouge », une deuxième publication orientée vers la divulgation et la vulgarisation. A la fin du « Livre blanc », cinq points sont présentés comme une sorte de guide pour les autorités et les organismes responsables de la région EUMENA, points sur lesquels ils devraient s’intéresser et sur lesquels ils devraient se concerter. Ce sont : l’efficacité, les énergies renouvelables, la coopération inter-régionale, l’interconnexion et l’équilibre du réseau. Ces points constituent l’état d’esprit de la Fondation et son regard pour le futur. Un regard sur la problématique énergétique qui n’est pas comme celui de la période précédente.

Le concept DESERTEC peut s’appliquer à d’autres endroits du monde. Par exemple, en Asie, en Amérique du Sud et en Amérique du Nord, l’énergie des déserts est aussi abondante que sur le Nord de l’Afrique. On pourrait discuter la viabilité de l’installation d’un réseau de transport d’énergie ici, où dans d’autres régions, qui intégrerait les concepts examinés par DESERTEC. Le problème est d’arriver à la coordination nécessaire entre les différents acteurs : gouvernements, entreprises, communautés indigènes, organismes de recherche, ONGs, fondations, etc. En tout cas, ce genre de stratégies d’intégration régionale semble valable pour l’évolution des systèmes énergétiques. Et DESERTEC, de réussir, créerait un précédent important. Il faut prendre en compte que le coût financier de ce genre de projets est considérable et la coordination de l’ensemble des organismes qui interviennent est aussi importante (ministères, banques et investisseurs, organismes techniques, universités et centres de recherche, etc.).

Sources

  • Fondation DESERTEC – site officiel

  • Consortium Dii – site officiel

  • Fondation DESERTEC, Livre blanc, Quatrième édition, Février 2009.

  • Dii GmbH, Agir maintenant pour l’énergie de demain, Première édition, Juin 2012.