Où en est-on fin 2013 dans la lutte contre le changement climatique ?

2013

Cette fiche propose un bilan de l’année 2013, à la fois sur les évolutions du second semestre (nationales, européennes et internationales) et sur les tendances quantitatives par rapport aux différents objectifs en matière de lutte contre le changement climatique.

I. Politique française

1. Mesures fiscales dans le Projet de loi de finances 2014

Un rapport du Comité pour la fiscalité écologique a été remis aux ministres de l’économie, du budget et de l’écologie le 18 juillet 2013.

Désaccords autour de la fiscalité verte (Le Monde 15 juin 2013). La commission Perthuis échoue à faire des recommandations claires au gouvernement.

Deux sujets : alignement de la taxation du diésel sur celle de l’essence et introduction d’une composante carbone dans la fiscalité écologique. Préconisations Perthuis : rattrapage d’un centime par an (2 pour la Fondation Nicolas Hulot), tonne de CO2 à 20 euros en 2020 (40 pour la Fondation. Débat aussi sur l’utilisation de ces recettes : transition énergétique seule ou avec soutien à l’activité (le Gouvernement veut 3 millions d’euros de fiscalité verte pour le crédit d’impôt compétitivité-emploi) ou aussi compensations pour les ménages. Arbitrages non rendus mais dans tous les cas il y aura des mesures dans le PLF 2014 (décision du Parlement le 4 juin). La France se situe à l’avant dernier rang des 27 membres de l’UE en ce qui concerne la fiscalité verte.

2. Taxe poids lourds : mise en service prévue octobre 2013

L’entrée en vigueur de l’écotaxe poids lourds est différée. Le gouvernement justifie, le report d’octobre à janvier par des difficultés techniques (Le Monde, 7 septembre 2013)

Déclaration du ministre des transports le 5 septembre, report au 1er janvier 2014, au lieu de juillet puis d’octobre. Une table ronde consacrée au fret routier est annoncée pour le 26 septembre. France Nature Environnement dénonce un manque de courage politique à quelques jours de la Conférence environnementale prévue à paris les 20 et 21 septembre. Problèmes techniques

Malgré les tests conduits depuis le 29 juillet avec une flotte d’un millier de véhicules, la mise en œuvre au 1er octobre s’avérait impossible. Sur les 800 000 véhicules concernés (dont 200 000 étrangers) seuls 20 000 ont été effectivement enregistrés et 10 000 dossiers sont en cours de traitement.

Volonté des milieux patronaux d’empêcher la mise en place de la taxe ? Le dispositif sera-t-il prêt à la fin de l’année ? « Nous pouvons enregistrer 10 000 dossier par jour voir 20 000 si nécessaire dit M.Cornil, vice-président d’Ecomouv, société privée chargée du contrôle et de la perception de la taxe.

Suite à un fort mouvement de contestation né en Bretagne (région sensible car la plupart des autoroutes sont gratuites donc dans le champ de la taxe), le premier ministre a annoncé le 29 septembre la suspension de l’écotaxe poids-lourds. E parallèle, un débat juridico-économique a été engagé sur le contrat passé avec la société Ecomouv pour la mise en œuvre de l’écotaxe, contrat qui serait très lourd à dédommager si la taxe était abandonnée.

L’écotaxe restera suspendue jusqu’à la « remise à plat de la fiscalité » (lemonde.fr, 19 novembre 2013)

L’écotaxe, dont l’entrée en vigueur au 1 janvier 2014 avait été repoussée, restera suspendue jusqu’à la refonte de la fiscalité annoncée par Jean-Marc Ayrault à l’horizon 2015, a annoncé le ministre de l’écologie, Philippe Martin.

3. Le projet de loi sur la transition énergétique

Le débat national ouvert en mars a été clos en juillet par la remise d’une synthèse par le comité de pilotage du débat. Des annonces étaient attendues le 18 septembre lors de l’ouverture de la deuxième Conférence environnementale du quinquennat Hollande.

Le débat au parlement est prévu au printemps 2014.

Fiscalité verte : l’exécutif à pas comptés. François Hollande ouvre vendredi 20 septembre, la deuxième conférence environnementale (Le Monde, 20 septembre 2013)

L’essentiel du message est que le pli de la fiscalité écologique va être pris dans le projet de loi de finances pour 2014 et s’imprimer durablement. Après les émois manifestés par EELV à l’annonce de l’abandon d’une taxation accrue du diésel, le gouvernement s’est efforcé de faire redescendre la température.

Premier point : la « contribution climat-énergie ». Pas de nouvelle taxe mais la prise en compte du niveau des émissions de CO2 dans l’assiette de plusieurs taxes existantes constituant la taxe intérieure de consommation (TIC) : taxe intérieure pour les produits énergétiques (TICPE), TICGN pour le gaz naturel et TICC sur les houilles, lignites et coke. Mais aussi la AGAP (taxe générale sur les activités polluantes et taxe sur les véhicules de société. En 2014 le barème démarrera à 7 euros la tonne de CO2, 14,50 en 2015 et 22 euros en 2016. Mais les arbitrages ne sont pas rendus pour ce qui concerne les mécanismes de restitution aux ménages et aux entreprises afin de balayer le reproche d’alourdissement des impôts. Plusieurs options sont sur la table : TVA à 5 % pour la rénovation thermique, crédits d’impôts, chèque énergie…

François Hollande s’engage à réduire de 50 % la consommation d’énergie d’ici à 2050 (Le Monde, 21 septembre 2013)

Autre une baisse de la consommation d’hydrocarbures de 20 % d’ici à 2030 et le rappel de l’engagement de ramener la part du nucléaire de 75 % à 50 % de la production d’électricité d’ici à 2025.

II. Politique européenne

1. Politique énergie climat à l’horizon 2030

La Commission européenne a ouvert le 27 mars 2013 la consultation sur la politique énergie climat à l’horizon 2030. L’objectif général est de fixer des objectifs au-delà de ceux existant pour 2020 et de préparer les négociations internationales supposées aboutir à des engagements chiffrés pour tous les pays lors de la conférence qui doit se tenir à Paris en 2015. Les sujets ouverts sont les suivants :

Le Livre vert qui sert de base à cette consultation rappelle le chemin parcouru depuis l’adoption du paquet énergie-climat en 2008 et ses objectifs pour 2020 :

En complément de cet état d’avancement, le Livre vert souligne que la feuille de route 2050 adoptée en 2011 avec l’objectif de limiter l’élévation de température à 2°C par une baisse de 80 à 95% des émissions de GES par rapport à 1990, suppose d’atteindre en 2030 – 40 % d’émissions et 30 % d’énergies renouvelables et que le Livre blanc des transports adopté également en 2011 fixe l’objectif sectoriel de 10 % d’énergies renouvelables et d’une baisse de 6 % du contenu carbone des carburants. La commission souligne également le problème du prix du carbone : 5 à 7 euros la tonne (voir encadré plus haut) alors que le prix significatif pour le développement de technologies propres serait de 20 €.

La consultation des parties prenantes était ouverte jusqu’au 2 juillet 2013, les premières propositions de la Commission sont attendues pour fin 2013 et les décisions pour 2014 ou 2015.

2. Réglementation des émissions de CO2 des véhicules

Au moment où ce dossier se clôt, les décisions de la Commission européenne sur la réglementation CO2 ne sont toujours pas définitives en raison d’une intense pression de certains constructeurs, allemands notamment, pour repousser l’échéance des 95 g par km prévue en 2020. Ils tentent d’obtenir que cet objectif soit étalé en fixant une exigence de 80% des véhicules neufs à ce niveau en 2020, croissant annuellement pour atteindre 100% en 2024.

III. Contexte international

1. Premières indications sur le rapport du GIEC 2014

Réchauffement climatique : le scénario noir des experts (Le Monde, 28 septembre 2013)

Une hausse possible de 4,8°C d’ici à la fin du siècle. Le cinquième rapport du GIEC, adopté vendredi, aggrave le diagnostic sur l’évolution du réchauffement.

Le texte adopté n’est pas le rapport lui-même, qui sera publié en janvier 2014, mais le « résumé à l’attention des décideurs ». Les experts estiment désormais « extrêmement probable » (probabilité supérieure à 95 %) que l’élévation de température résulte de l’accumulation de gaz à effet de serre d’origine humaine. Les modèles prédisent une élévation de température comprise entre 0,3 et 4,8°C pour la période 2081-2100 par rapport à la période 1986-2005. Seul le scénario le plus sobre a une probabilité supérieure à 50 % d’éviter de dépasser le seuil d’élévation de 2°C au-dessus des températures pré-industrielles. Les experts n’excluent pas que la banquise arctique estivale ait totalement disparu au milieu du siècle. L’élévation du niveau de la mer pourrait être comprise entre 26 cm et 81 cm et dans le scénario le plus catastrophique, de 98 cm. A la demande des gouvernements et tout en en soulignant les risques, les experts ont commencé à étudier des méthodes de lutte contre le réchauffement ne passant pas par une réduction des émissions mais par une manipulation des particules dans la stratosphère.

Une pression supplémentaire sur les négociations internationales.

En novembre, à Varsovie, lors de la Conférence climat, la France devrait être officiellement désignée comme l’hôte de la conférence de décembre 2015 supposée déboucher sur un accord global engageant tous les pays signataires de la Convention des Nations-Unies sur le changement climatique.

2. La Conférence des parties en novembre 2013 à Varsovie

L’enjeu de cette conférence était d’engager un processus permettant d’arriver à Paris en 2015 à un accord engageant tous les pays de la Convention cadre sur des objectifs applicables à partir de 2020. Le résultat à cet égard apparaît bien timide. Les pays en développement sont avant tout soucieux de voir de dégager des financements pour pallier les évènements climatiques extrêmes qui commencent à se multiplier et renvoient, pour ce qui est de la limitation des émissions, les pays développés à leurs responsabilités. Et rien de concret n’a été obtenu pour esquisser une trajectoire de réduction des émissions compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C d’ici la fin du siècle.

Le prochain rendez-vous est à Lima en 2014 et les participants de Varsovie se sont accordés sur la nécessité qu’un projet d’accord 2015 soit élaboré six mois avant la Conférence de Paris.

IV. Quelques indicateurs sur le chemin parcouru et les tendances

1. Energie et effet de serre

Les émissions mondiales de CO2 (Agence internationale de l’énergie, Key World Energy Statistics 2013)

Quelques repères sur les émissions par habitant

Où l’on voit que la Chine, pourtant en plein développement, est au-delà de la consommation française et où l’on comprend les tensions entre pays en développement et pays développés (RDC 100 fois moins que la France).

Le charbon : pire ennemi du climat mais énergie en plus forte croissance. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le charbon est responsable de 30% des gaz à effet de serre émis dans le Monde (lepoint.fr, 18 novembre 2013, d’après AFP)

La Chine, premier émetteur de CO2 au Monde, en tire les deux tiers de son énergie, ce qui signifie que le roi charbon se cache le plus souvent derrière l’étiquette « made in China ». Au final, la moitié de la croissance mondiale de la consommation d’énergie depuis le début du siècle est venue du charbon, toujours selon l’AIE. La seule véritable zone de déclin vient des Etats-Unis, où le charbon fait face à la concurrence du gaz de schistes. Même en Europe la consommation résiste, du fait du charbon bradé des Etats-Unis, du prix de la tonne de CO2 tombé à un niveau quasi insignifiant ou encore de l’arrêt du nucléaire en Allemagne, qui donne au moins temporairement un élan au charbon.

Or la renaissance du charbon est une catastrophe climatique et environnementale : pour un contenu énergétique identique il émet environ 4 unités de CO2 contre 3 pour le pétrole et 2 pour le gaz, sans parler des suies et autres particules responsables de pollutions locales dangereuses pour la santé. Même si les industriels vantent leurs centrales électriques à charbon avec de meilleurs rendements, la seule perspective d’un charbon vraiment moins polluant vient des technologies de « capture et stockage du carbone » (CCS). Mais selon l’AIE, seulement 1 % des installations seront équipées de ces technologies en 2035.

2. Europe et France

Les émissions de GES de l’Union européenne à 27 ont diminué de 18 % entre 1990 et 2011. Elles sont dues pour 33 % à la production d’énergie, pour 20 % aux transports. Pour la France, la baisse est de 13 % mais le transport arrive en tête avec 27 %. L’Europe, comme la France, est donc en avance sur les objectifs du protocole de Kyoto : baisse de 8 % pour l’Europe, stabilité pour la France. Les mécanismes du protocole de Kyoto ont permis d’éviter plus de 2 milliards de tonnes d’équivalent CO2 ; le système de quotas d’émissions couvrait en 2012 plus de la moitié des émissions de CO2 de l’Union à 27.

Mais il faut noter que l’approche « empreinte carbone » (on ajoute les émissions des produits importés et on retranche celles des produits exportés) est moins favorable du fait de la tertiarisation de l’économie. Ainsi, les émissions par habitant de la France étaient de 12,2 t en 2007 contre 8,2 en approche territoire (les seules émissions sur le territoire), pour une moyenne mondiale de 4,3 tonnes dans les deux approches. En somme, la France « importe une part croissante d’émissions de CO2 » (Medde, chiffres clés du climat, France et Monde, édition 2014).

3. Transports terrestres

Le contexte économique (Insee première, mai 2013 ; les comptes de la Nation 2012).

Le pouvoir d’achat des ménages se replie fortement (-0,9 % après +0,7 % en 2011) et les ménages réduisent leur consommation (-0,9 % en euros constants), une première depuis 1993. Les achats d’automobile baissent nettement (-7 % après +0,6 % en 2011), les dépenses de services de transport ralentissent (+0,4 % après +2,6 %).

Résultats pour les transports (Medde/CGDD, références, avril 2013 : les comptes transports de 2012, premiers résultats).

On observe une baisse du transport de marchandises et une résistance du transport de voyageurs. La production marchande de services de transport diminue et le secteur des transports perd 5 000 emplois salariés. La voiture particulière, qui garde sa place prédominante dans les modes de déplacement (82,7 % du transport de voyageurs) est stable au niveau de 2011, soutenue par la progression du parc de véhicules. La circulation recule sur le réseau national (y compris autoroutes) et progresse sur les réseaux secondaires et urbains. La circulation des véhicules particuliers reste quasiment stable et celle des poids lourds se contracte fortement. Du fait de la diésélisation du parc qui se poursuit, de l’amélioration des performances des véhicules, les consommations unitaires des véhicules particuliers diminuent. L’année 2012 est marquée par un recul quasi historique des immatriculations de véhicules neufs.

Emissions de CO2 des voitures neuves (Ademe, Car labelling 2013)

Pour les véhicules particuliers vendus en 2012, la France est en troisième position en Europe avec 124 g de CO2 par km, derrière le Danemark (117 g) et le Portugal (119 g). L’objectif européen de 130g en 2015 est atteint depuis 2010. En 2012, les véhicules émettant moins de 140 g ont représenté 85 % des ventes. Sur quelques 1,9 millions de véhicules vendus, le diésel représente 72,9 % des ventes (33 % en 1990), l’essence 28,3 %, les motorisations modulables superéthanol-E85 3,8 %, les hybrides 1,4 % et les véhicules tout électrique 0,3 % (deux fois plus en nombre qu’en 2011). Ces résultats français sont largement dus au bonus-malus et la marge de progression reste significative par le poids des véhicules qui a encore augmenté de 5 kg en 2012 pour le diésel et de 6 kg pour l’essence (poids moyen 1 260 g contre 953 en 1990).