Des logements en cohabitation accompagnée à Bruxelles

Une forme alternative d’insertion par le logement

Pascale Thys, 2009

Origine du projet

L’initiateur du projet, l’asbl Source, souhaite apporter une réponse alternative à la progression institutionnelle « standard » : la rue - asile de nuit/accueil d’urgence - maison d’accueil - logement de transit – logement privé individuel, et permettre à des sans abris, qui refusent les structures et institutions d’accueil et/ou qui ne souhaitent pas habiter seuls, de quitter la rue et de pouvoir occuper un logement communautaire, de rendre possible un passage direct de la rue à un habitat accompagné de cohabitation.

Il s’agit ici de tenter une forme alternative d’insertion par le logement.1

Le projet a été initié suite à la demande de plusieurs personnes hébergées en maison d’accueil qui souhaitaient habiter ensemble.

Il s’agit d’un projet réalisé en partenariat entre différentes institutions bruxelloises.

Les acteurs

Trois lieux accueillent le projet selon deux axes

Axe 1 : pour des personnes quittant une maison d’accueil

Initié en l’an 2000, sur la base d’un partenariat entre Source/Fami-Home/Logement pour Tous, le bâtiment A. rue d’Anderlecht 48 offre une réponse aux personnes accompagnées qui ne disposent pas de l’autonomie suffisante pour vivre seules. Trois hommes cohabitent dans un appartement 3 chambres, situées dans une maison à 5 appartements gérés par l’AIS et propriété de Source (bail emphytéotique de la Région de Bruxelles-Capitale). Deux personnes du départ sont encore présentes aujourd’hui. Elles sont devenues un élément stabilisateur. La troisième place est celle de « la mouvance » et change régulièrement de personne.

Le bâtiment B. rue de Bodeghem est né d’un partenariat entre Source/Logement pour Tous/Les Sentiers de la Varappe. Six personnes (4 adultes et 2 mineurs) cohabitent dans un appartement 6 chambres situé dans une maison de 5 étages (2 étages sont occupés par les bureaux des Sentiers de la Varappe et les 3 autres par les 6 locataires) appartenant à un propriétaire privé. Chaque partenaire est responsable de 2 chambres. Les 4 locataires adultes sont à la fois bénéficiaires et acteurs du projet, personnes ressources, car ils mettent leur expérience à la disposition des jeunes. Deux des adultes ont quitté la maison d’accueil et sont accompagnés par Fami-Home. Les deux autres sont des candidats locataires de l’AIS qui n’ont pas besoin d’accompagnement social. Les jeunes sont accompagnés par les Sentiers dans le cadre de l’Aide à la jeunesse

L’AIS assure la gestion locative, mais ne couvre pas le vide locatif.

Axe 2 : pour des personnes quittant la rue

Le bâtiment C. rue Van Dyck 42, a été lancé en janvier 2003, sur la base d’un partenariat entre Source/FamiHome/Diogène/Pierre d’Angle/Logement pour Tous. Quatre hommes, issus des publics de Diogène/Pierre d’Angle, cohabitent dans une maison unifamiliale, de 4 chambres à coucher, gérée par l’AIS, dans le cadre d’un mandat de gestion donné par le propriétaire privé qui est au courant de la destination de son bien. FamiHome et Pierre d’Angle s’occupent de l’accompagnement communautaire

Type de public

Il s’agit des publics issus des différents partenaires. Concernant Source/Fami-Home/Diogène/Pierre d’Angle ce sont des personnes sans abri quittant la rue ou quittant la maison d’accueil. Les Sentiers de la Varappe s’adressent à des mineurs et Logement pour Tous à un public plus « standard » de personnes recherchant un logement.

Conditions d’accès et motivation

Les deux seules conditions pour avoir accès à ces logements sont :

a) accepter de vivre selon un mode de fonctionnement communautaire (respect du ROI, de la convention avec l’AIS, …);

b) avoir une situation légale (papiers en règle) et des ressources financières.

Concernant les personnes sans abris, il y a eu deux appels via les travailleurs de rue de Diogène/Pierre d’Angle. Les personnes intéressées se sont inscrites sur une liste. Ensuite un tirage au sort a été effectué. Exceptés les deux conditions ci-dessus il n’est pas facile, pour un tel projet, de déterminer des critères qui demeurent équitables et facilitent l’accès au logement.

Pour les locataires venant de l’AIS, celle-ci a simplement demandé aux candidats locataires s’ils étaient d’accord de cohabiter avec les autres publics.

Mode de fonctionnement

Il existe un Règlement d’Ordre Intérieur qui s’élabore avec les locataires et qui règle, notamment, les aspects pratiques de la cohabitation (par exemple : utilisation de la cuisine, de la salle de bain, des sonnettes, boîtes-aux-lettres, …). Il est assez strict afin de pouvoir l’opposer en cas de difficultés.

Deux fois par an une réunion des locataires est organisée par l’AIS concernant les aspects de gestion locative. C’est surtout l’occasion de faire de l’éducation au logement (par exemple : on y aborde l’entretien des communs, les relations de voisinage ; on y donne une info sur utilisation rationnelle de l’eau et de l’énergie, sur le recyclage, …).

L’arrivée d’un nouveau est gérée différemment suivant les projets.

Dans tous les cas, une visite des lieux et la rencontre des occupants (qui n’ont pas de droit de veto) sont effectuées. Au départ une convention pour un mois (convention de transit) est signée. Elle est renouvelée de mois en mois avec un maximum de 18 mois. Ensuite si les occupants souhaitent rester dans les lieux, on passe à un bail d’un an (technique du bail glissant). Ce bail pouvant se transformer en un bail de 9 ans.

Types d’accompagnement social

L’originalité du projet consiste en l’articulation de l’accompagnement individuel et collectif.

L’aspect individuel (personne de référence) est basé sur un espace de parole et de confidentialité qui doit permettre d’aborder les difficultés rencontrées, qu’elles soient personnelles et non liées au mode d’habitation ou au contraire liées à ce dernier influençant la vie de la personne. L’évolution personnelle renforce les dynamiques de cohabitation et inversement celles-ci renforcent l’évolution personnelle. L’aspect collectif est géré par un intervenant extérieur pour faciliter les dynamiques relationnelles et organisationnelles internes au groupe de cohabitants.

Ce type d’accompagnement prend toute son importance dans la reconstruction de liens et dans la gestion/la mise en œuvre des ressources personnelles et processus qui la rendent possible.

Avant

Il existe un accompagnement social prévu d’emblée pour les publics de Source et des Sentiers. En ce qui concerne les publics de Diogène/Pierre d‘Angle quittant la rue, il n’existe pas de suivi individuel obligatoire. Il s’agit là davantage d’une disponibilité proposée.

Pendant

Actuellement dans le projet A (axe 1) une seule personne a un accompagnement individuel (les deux autres étant passées à un bail normal), mais il existe un accompagnement collectif qui se construit avec les locataires. C’est Fami Home qui s’occupe de l’accompagnement communautaire dans les 3 projets. Il est assisté par Pierre d’Angle dans le cadre du projet C (axe 2). Il s’agit surtout d’offrir une présence en cas de conflit et/ou de prévention de problème et autres problèmes de gestion collective. L’accompagnement collectif n’est pas obligatoire pour les locataires de la rue Van Dyck, il ne le devient que ponctuellement à la demande d’un des colocataires souhaitant une réunion..

Logement pour Tous assure la gestion locative (payement du loyer, décompte des charges, états des lieux, suivi technique des logements,…).

Source/Fami Home/Pierre d’Angle/Diogène/Sentiers de la Varappe assurent le suivi individuel si nécessaire de leurs publics.

L’idée est que la personne puisse expérimenter le logement et tout ce que cela implique avec un encadrement le plus adapté possible et en respectant les évolutions personnelles.

Après

Non, il n’y a pas beaucoup de répercussions. Cela dépend aussi fortement des conditions de départ (par exemple : certains ex-locataires donnent des nouvelles et d’autres partent sans un mot).

Lorsque besoin des petites interventions techniques sont réalisées par l’AIS (par ex. : travaux de peinture, …), mais pour les travaux plus importants l’AIS fait appel à une société coopérative classique.

Il n’y a pas d’activités organisées d’emblée. Cela dépend surtout de la dynamique des locataires (par exemple : la planification d’un repas par semaine en commun).

La mixité entre les populations

Concernant les types de public, il s’agit des publics issus des différents partenaires. Pour Source/Fami-Home/Diogène/Pierre d’Angle ce sont des personnes sans abris et/ou étant passé par la maison d’accueil. Les Sentiers de la Varappe s’adresse à des mineurs et Logement pour Tous à un public plus « standard » de personnes recherchant un logement.

L’important est de trouver des personnes qui s’équilibrent pour donner une certaine dynamique à la vie communautaire et pour permettre que le projet se maintienne en respectant ses objectifs.

Quant au sexe des locataires :

Type de solution

C’est assez variable. Au départ les locataires rentrent tous avec l’idée du temporaire. Mais le modèle proposé pourrait devenir une solution à moyen voire à long terme, une alternative pour des personnes qui quittent la maison d’accueil et ou qui ne souhaitent pas passer par une maison d’accueil.

Ce type de logement est une alternative tant au logement individuel qu’à la maison d’accueil. Il s’agit, quoi qu’il en soit, d’un essai, d’une expérience.

Outils et méthodes

Dans la phase préparatoire à l’élaboration des projets des échanges entre les travailleurs de Source/Pierre d‘Angle/Diogène ont été effectués, afin de prendre connaissance des différentes façons de travailler, de partager les compétences et expériences.

Logement pour Tous n’y a pas participé et s’occupe essentiellement de tous les aspects de gestion locative.

Des réunions régulières sont organisées entre les différents partenaires.

Divers

Un rapport d’évaluation qualitative et de faisabilité a été réalisé par un sociologue concernant le projet sur le principe de la cohabitation comme alternative aux parcours de réinsertion traditionnels.

On peut y trouver un point faisant le bilan sur l’efficacité : « le dispositif peut être estimé efficace. (…) Les personnes sans abri qui ont expérimenté la formule sont ensuite passées dans un habitat digne de ce nom, certaines s’étant aussi réinsérées socialement grâce à un travail rémunéré. (…) L’expérience montre qu’un facteur de réinsertion (le logement) peut à la fois être facilitateur d’un autre (le travail) et/ou s’en alimenter ».

En matière de points faibles on peut avancer :

Para ir más allá

  • Ce texte a été rédigé à partir d’un entretien avec Pierre Denis, directeur de Logement pour Tous, asbl

    Logement pour Tous, asbl

    Rue du Chimiste, 34-36é - 1070 Bruxelles

    Tél. : 02/524.54.30

    Fax : 02/524.55.16

    Mail : [logement pour tous->mailto:lpt.izw@misc.irisnet.be]

  • Véronique Liebling, coordinatrice de l’asbl Source

    Source, asbl

    Rue de la Senne, 78 - 1000 Bruxelles

    Tél. : 02/512.72.04

    Fax : 02/5152.71.75

    Mail : [asbl source->mailto:source@misc.irisnet.be]