Les post-suburbs

Eric Charmes, octobre 2015

Dans la littérature anglaise et nord-américaine, le concept aujourd’hui dominant pour caractériser les périphéries des grandes villes est celui de post-suburbs. La première apparition significative date d’un ouvrage de Robert Fishman publié en 1987, intitulé Bourgeois Utopias et sous-titré The Rise and Fall of Suburbia. Comme l’indique ce sous-titre, Robert Fishman perçoit déjà la fin de l’ère de la suburb, et voit l’avènement de quelque chose d’autre, qui reste lié à la suburb, mais qui n’est plus tout à fait la suburb. La suburb archétypique d’alors est la banlieue résidentielle, dominée par la maison individuelle familiale, par la mobilité automobile et par la dépendance du centre pour les emplois. Mais au milieu des années 1980, quelque chose de nouveau émerge que Robert Fishman propose de qualifier la « technoburbs » et qu’il exemplifie par la Silicon Valley. Cette dernière est suburbaine en raison de la prédominance de la mobilité automobile, du paysage verdoyant et dominé par l’habitat individuel. En même temps, les habitants de la Silicon Valley travaillent dans la Silicon Valley. Mieux c’est l’emploi qui tire le développement de ce territoire. Qui plus est, ces emplois ne sont pas proposés par des entreprises de second rang, mais par des entreprises de haute technologie. La Silicon Valley n’est pas un pôle secondaire dépendant de San Francisco mais un pôle dominant. On sait aujourd’hui que cette domination était appelée à devenir mondiale, la Silicon Valley accueillant entre autres les sièges sociaux d’Apple, Windows et Google… Le concept de technoburbs n’est aujourd’hui plus usité, mais l’idée que l’on est entré dans une ère post-suburbaine est restée.

La notion de post-suburbs et ses déclinaisons, telles que post-suburban age ou post-suburbia, se sont d’abord diffusées dans les publications consacrées à la Californie au cours des années 1990 et, par la suite, à l’ensemble des publications académiques anglophones (Phelps et Wu, 2011). En se répandant, la notion est devenue plus lâche. Elle est surtout définie de manière négative : les post-suburbs ne sont pas la suburb traditionnelle, mais elles ne sont pas la ville non plus. Plus positivement, les post-suburbs peuvent se caractériser par la diversité, tant sociale que fonctionnelle et morphologique et par l’éclatement spatial des lieux de la vie quotidienne. Et, à la différence de la ville diffuse ou de la ville émergente, la faible densité n’est pas un élément constitutif ; au contraire, beaucoup de suburbs deviennent des post-suburbs par des processus dont la densification est une caractéristique essentielle.

Ainsi définie, la notion de post-suburbs se rapproche sous de nombreux aspects des notions de ville émergente (voir La ville émergente) ou d’entre-ville (voir L’entre-ville). La littérature académique sur les post-suburbs se distingue toutefois des travaux consacrés à la ville émergente par une moindre attention aux modes de vie et aux pratiques. Elle se distingue également des travaux consacrés à la ville diffuse par une moindre attention à l’organisation physique de l’espace. La littérature sur les post-suburbs s’intéresse avant tout d’une part aux logiques de développement immobilier, au travers de l’étude de la croissance des commerces et des emplois, d’autre part au gouvernement des territoires et à la gouvernance.

Références

FISHMAN Robert, 1987, Bourgeois Utopias: The Rise and Fall of Suburbia, Basic Books.

KEIL Roger et Douglas YOUNG, 2014, Locating the Urban In‐between: Tracking the Urban Politics of Infrastructure in Toronto, International Journal of Urban and Regional Research, vol. 38, n°5, p. 1589-1608.

PHELPS Nicholas et Fulong WU, 2011, International Perspectives on Suburbanization. A Post-Suburban World?, Palgrave

TEAFORD Jon C., 1997, Post-Suburbia: Government and Politics in the Edge Cities, Johns Hopkins University Press.