L’intégration de la santé dans les documents d’urbanisme

Les carnets pratiques de l’Institut Paris Région (n°13)

junio 2021

Institut Paris Région (IAU)

Aujourd’hui, les effets sociaux et économiques de l’environnement immédiat sur la santé des populations ne sont plus à démontrer. Les habitants, sensibilisés aux risques auxquels ils sont soumis, sont de plus en plus concernés par leur bien-être et leur santé. Les évènements liés au réchauffement climatique ou à des épisodes épidémiques ou pandémiques questionnent les politiques d’aménagement et leur capacité à prévenir les risques. Il ne s’agit pas seulement d’organiser les « réparations » mais de développer la résilience de notre société. Comment faire de la santé une entrée majeure dans la planification de l’aménagement des territoires ? Le champ d’intervention des documents de planification intègre déjà de nombreuses thématiques implicitement attachées à la santé. Mais peu d’entre eux se font l’écho de la question de la santé. Ce carnet pratique vise à révéler les actions pouvant être mises en place via les documents d’urbanisme et leurs bénéfices pour la santé des populations. Les leviers disponibles sont présentés et illustrés par des exemples de schémas de cohérence territoriale et de plans locaux d’urbanisme, avec notamment des extraits de leur volet réglementaire.

Para descargar: institut_paris_region_cp13_bat_web.pdf (18 MiB)

La santé, en tant que résultante de l’interaction complexe d’une multitude de facteurs environnementaux, sociaux et contextuels, nécessite une approche transversale au sein des documents d’urbanisme. L’ensemble des enjeux de santé ne sont pas présents avec la même intensité sur les territoires. Il est nécessaire de les décrire et les hiérarchiser pour obtenir une meilleure lisibilité et faciliter leur intégration.

Au sein du document d’urbanisme, le volet prescriptif retient l’attention compte tenu de son caractère contraignant, mais chacune des pièces dudit document remplit une fonction qui permet d’agir sur les déterminants de santé, le tout devant être cohérent. Les enjeux pour un territoire ne peuvent être définis qu’à partir d’un état des lieux suffisamment complet. Les règles, pour être appliquées, nécessitent des explications et une mise en relation avec le diagnostic et les enjeux du territoire. L’évaluation environnementale est l’aiguillon qui permet d’ajuster le projet. Des indications annexes ont aussi leur utilité pour accompagner ceux qui doivent mettre en oeuvre les documents d’urbanisme. Au-delà de la composition du document d’urbanisme, c’est toute la démarche d’élaboration de ce dernier qui peut contribuer à une meilleure prise en compte de la santé. Aussi, la concertation avec le public est-elle importante pour sensibiliser à cet enjeu.

La concertation : informer, expliquer et recueillir les attentes

L’exercice de concertation permet d’associer la population à l’élaboration tout au long de la procédure. Elle est l’occasion de mettre en exergue les atouts et faiblesses du territoire au regard des questions sanitaires, mais aussi de recueillir le ressenti des habitants et usagers en ce domaine, en vue d’améliorer le cadre de vie. Au fur et à mesure de l’avancement du schéma de cohérence territoriale (Scot) ou du plan local d’urbanisme (Plu), il est important pour la collectivité qui le porte de faire exercice de pédagogie pour montrer le lien entre le projet de territoire, puis les règles envisagées avec les déterminants de santé. Cette pédagogie aide accessoirement à l’acceptabilité de certaines orientations. Par exemple, il est plus facile de toucher un large public en matière de préservation des espaces naturels au prisme de la santé que des seuls enjeux d’ordre écologique.

Le rapport de présentation du Scot et du PLU : exposer et expliquer

Préciser un diagnostic « santé » du territoire pour guider le projet

C’est l’occasion d’exposer, aux côtés des éléments de diagnostic requis par les articles L. 141-3 (Scot) et L. 151-4 (Plu) du Code de l’urbanisme, une synthèse des grands enjeux de santé par le croisement de différentes données : l’âge, le profil social, le profil sanitaire et la répartition de la population, l’offre en équipements, l’accès aux transports, l’exposition aux pollutions, les risques et nuisances, les éléments de prospective démographique et d’évolution des enjeux environnementaux. L’élaboration de ce diagnostic doit permettre d’orienter le projet d’aménagement et de développement durables, de nourrir les mesures prescriptives du Scot (le DOO) et du Plu (règlement et OAP). Alors que de nombreux documents intègrent des mesures positives pour la santé de la population qu’ils couvrent sans les articuler de façon globale au regard des enjeux de santé prioritaires, cette démarche est nécessaire pour donner à voir l’architecture et la cohérence de l’approche multifactorielle de la santé sur un territoire donné.

L’évaluation environnementale (EE) : décrire les incidences notables sur la santé, définir des mesures pour éviter, réduire et compenser ces incidences négatives

Depuis 2001, les Scot et les Plu doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale (art. L. 104-1 C. urb.). Celle-ci fait partie du rapport de présentation. Dans ce cadre, un état initial de l’environnement (EIE) est réalisé, mettant en exergue les atouts (richesse des espaces naturels, paysages, etc.) et les faiblesses (nuisances, pollutions, risques…) du territoire sur le plan environnemental. Cet EIE complète le diagnostic du territoire, notamment sur les aspects santé (cf. supra). Il permet de détailler et d’évaluer par la suite les incidences notables que la mise en œuvre du document d’urbanisme est susceptible d’engendrer sur cet état, notamment sur la santé humaine. L’évaluation environnementale est une démarche itérative, tout au long de l’élaboration du document, qui permet d’en ajuster les orientations au regard de leurs impacts négatifs. Le rapport environnemental, qui en découle, décrit les mesures prises pour éviter, réduire ou compenser les potentiels impacts négatifs sur l’environnement et la santé. Cet exercice permet de vérifier et de justifier que le projet retenu est celui le plus à même de limiter les impacts négatifs et de maximiser les impacts positifs sur la santé des habitants du territoire.

Justification et explication des choix : faire le lien entre les règles définies et les enjeux de santé

Ce volet du rapport de présentation permet d’expliciter le parti d’aménagement retenu dans les documents d’urbanisme et de faire le lien entre les objectifs poursuivis et leur traduction réglementaire. Il permet aussi de montrer en quoi le Scot ou le Plu visent à répondre aux enjeux sanitaires.

Remarque : la structure du Scot évolue avec l’ordonnance du 17 juin 2020 relative à sa modernisation. Les éléments qui composent aujourd’hui le rapport de présentation viendront en annexe des Scot prescrits ou mis en révision à compter du 1er avril 2021.

Projet de territoire et grands objectifs

Projet d’aménagement et de développement durables (PADD) : exposer les grands objectifs du projet au regard des enjeux de santé du territoire

Le PADD est le document qui permet d’affirmer la prise en compte systémique des grands enjeux de santé du territoire et les objectifs d’aménagement associés dans le projet politique du territoire : la réduction des pollutions et nuisances, l’adaptation au changement climatique, l’amélioration des qualités d’habitat, l’accès à une alimentation saine, la promotion de l’activité physique, le meilleur accès aux équipements et aux soins, etc. Remarque : s’agissant des Scot prescrits ou mis en révision à compter du 1er avril 2021, le PADD change de dénomination et devient le projet d’aménagement stratégique (PAS).

Éléments prescriptifs

Le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du Scot définit des « principes », « objectifs », « orientations » ou encore des « modalités ». Compte tenu du caractère stratégique du Scot, ses règles ne peuvent s’inscrire dans un niveau de détail qui entrerait en concurrence avec le Plu. Le règlement du Plu définit le droit des sols à l’échelle la plus fine, qui est la parcelle. Il s’exprime à travers une partie écrite et un plan de zonage. Le règlement peut encadrer certains usages porteurs de nuisances ou de vulnérabilités en zones exposées, ou encore définir des secteurs où certains types d’installation nécessitent des protections contre les nuisances ou les risques. En imposant des règles d’implantation, de hauteur et des caractéristiques architecturales aux bâtiments, par exemple, il permet de favoriser la qualité de vie des habitants.

Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) du Plu permettent une approche territorialisée ou transversale des enjeux de santé. Les OAP permettent de faire un zoom géographique ou thématique sur des secteurs à enjeux, avec des prescriptions d’aménagement. Par ailleurs, des OAP thématiques, par exemple « santé » ou « risques et nuisances », permettent une approche transversale des enjeux de santé sur l’ensemble du territoire avec des objectifs et règles associés. En comparaison avec le règlement, les OAP ont un caractère à la fois plus stratégique, dans leur formulation, et opérationnel, au regard des objectifs visés.

Éléments annexes

Les annexes du Plu sont constituées d’éléments prescriptifs mais qui sont extérieurs au Plu (ex : les servitudes d’utilité publique telles que les plans de prévention des risques) et d’éléments informatifs. Elles peuvent comporter des schémas ou des exemples pour indiquer les moyens préférentiels d’une bonne intégration des enjeux de santé : indications sur la conception bioclimatique des bâtiments, principes architecturaux pour la minimisation des nuisances, etc.

Le volet « annexes » pour le Scot est une nouveauté introduite par l’ordonnance du 17 juin 2020 sur sa modernisation, applicable aux schémas dont l’élaboration ou la révision est prescrite à compter du 1er avril 2021. Outre les éléments qui relevaient précédemment du rapport de présentation (voir supra), ces annexes comprennent, à titre facultatif, un programme d’actions qui vise à faciliter l’identification des leviers de mise en œuvre du Scot. Lorsque le Scot tiendra lieu de plan climat-air-énergie territorial, les annexes devront inclure notamment les programmes et plans d’actions dédiés et, dans certains cas, le bilan gaz à effet de serre et les plans de transition. Les annexes du Scot pourront comprendre tous documents, analyses, évaluations et autres éléments utilisés pour son élaboration. Enfin, les annexes permettent d’apporter des suggestions de mise en œuvre pour certains objectifs opposables ou non des Scot et des Plu.

Referencias

Para ir más allá

BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES

  • Le guide ISadOrA, une démarche d’accompagnement à l’Intégration de la Santé dans les Opérations d’Aménagement urbain, sous la direction de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a-urba), mars 2020, 355 p.

  • Adam (M), Cocquière (A), « La planification face aux enjeux de santé environnementale », Note rapide Planification, n° 877, L’Institut Paris région, décembre 2020

  • Santé et territoires, collection « Points FNAU - Alternatives (n° 11) », FNAU et Gallimard, 2019, 176 p.

  • Mieux connaître la santé des Franciliens et ses déterminants dans les nouveaux territoires de coordination. Profil des 22 territoires du projet régional de santé d’Île-de-France : mises à jour 2019 et nouveautés, Observatoire régional de santé, L’Institut Paris région, décembre 2019

  • Pour une meilleure intégration de la santé dans les documents de planification territoriale, collection « Avis et Rapports », Haut Conseil de santé publique, avril 2018, 200 p.

  • Du calme en ville : aménager en faveur du bien-être, collection « L’essentiel », Cerema, février 2017, 62 p.

  • Agir pour un urbanisme favorable à la santé : concepts et outils, École des hautes études en santé publique et ministère des Affaires sociales et de la santé, mai 2016, 192 p.

  • Guide Plan local d’urbanisme et santé environnementale, Agence régionale de santé Aquitaine et agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine (a-urba), novembre 2015, 164 p.

  • ORS Île-de-France, Profils socio-sanitaires des communes d’Île-de-France (format PDF) www.ors-idf.org/fichiers-des-profils-socio-sanitaires-des-communes/

  • Impact sanitaire du bruit des transports dans l’agglomération parisienne : quantification des années de vie en bonne santé perdues. Application à l’agglomération parisienne de la méthode de l’OMS pour la détermination de la morbidité liée au bruit, Bruitparif, ORS Île – de – France, septembre 2015, 30 p.

  • « Territoires, incubateurs de santé ? », Les Cahiers, n° 170-171, L’Institut Paris Région, septembre 2014, 196 p.

APPLICATIONS

OUTILS DE MISE EN OEUVRE DES PLANS ET SCHÉMAS RÉGIONAUX

  • Sdrif : le référentiel territorial du projet Île-de-France 2030 (Refter) est un outil d’accompagnement de l’ensemble des acteurs franciliens (élus, associations, habitants, professionnels) à la mise en oeuvre du schéma directeur de la région Île-de-France. Il propose une déclinaison territoriale du projet régional, en termes d’éléments de diagnostics, d’objectifs, d’orientations, de cadrages quantitatifs (refter.iau-idf.fr/).

  • SRCE : le schéma régional de cohérence écologique de la région Île- de- France  ; le référentiel du SRCE élaboré par l’ARB, département Biodiversité de L’Institut Paris Region, en partenariat avec la Région Île-de-France et la DRIEE ( refsrce.arb-idf.fr ). Il permet de connaître les enjeux, actions et cartes à la commune.

  • PDUIF : fiches pratiques pour la mise en oeuvre du plan de déplacements urbains Île-de- France ( www.pduif.fr/ ).