Former sous influence internationale : circulation, emprunts et transferts, Régis Malet

Interprétation libre

Francine Depras, febrero 2023

D’ores et déjà l’éducation, donc la formation des enseignants, s’inscrit implicitement dans une gouvernance à multi-niveaux, avec un rôle des instances de concertation internationale comme l’OCDE et un rôle normalisateur de l’Union européenne, en particulier pour les cursus d’enseignement supérieur, corollaire de l’internationalisation croissante du marché de l’emploi des professionnels mais aussi et surtout de la globalisation des marchés qui amène les États à se positionner dans la concurrence mondiale, conduisant à considérer la formation et la culture principalement sous l’angle des avantages comparatifs des différents pays sur ce marché. En outre, le système formel d’éducation initiale n’est plus qu’une des composantes de la constitution du « capital humain » de chaque pays. Ce qui a plusieurs conséquences :

  • la décentralisation du système éducatif n’est qu’un prolongement de cette gouvernance multi-niveaux ;

  • la construction et l’entretien des compétences s’organisent tout au long de la vie, confirmant la nécessité d’aborder les six thèmes1 de notre réflexion comme un tout ;

  • la résistance des enseignants à s’inscrire dans cette nouvelle approche internationale peut se lire certes de façon négative, comme une résistance au changement, mais aussi de façon positive comme refus d’une approche excessivement économique de l’éducation qui renoncerait à tout projet émancipateur ;

  • et, surtout, cette approche des instances internationales est maintenant datée : les compétences individuelles et collectives à développer d’urgence sont relatives à la capacité de conduire une transition globale, systémique, vers des sociétés durables ; ce qui signifie qu’on peut adopter une approche proactive, considérant que les réflexions que nous menons ont à leur tour une valeur internationale et appelleront une démarche de notre part en direction de l’Union européenne.

Figures de l’Etat dans le jeu de la mondialisation

(p 95 in Recherche & formation • 65-20102)

Face à la double injonction adressée aux enseignants, l’école se voit soumise à des tensions relatives à l’évolution des conceptions de la formation, devenant un moyen parmi d’autres de formation générale et professionnelle :

L’école et ses enseignants sont, en somme, devenus incertains quant à une mission de transmission culturelle, sous l’effet des politiques de mondialisation décrites, aussi et surtout, de façon endogène mais également globale, de la diversification des lieux et des instances de production de savoirs, de l’effritement de l’idéal égalitaire qui donne sens à l’activité d’enseigner et de la variabilité croissante des contextes éducatifs, et des conditions d’exercice du métier d’enseignant (Lessard & Tardif, 2004). Ces phénomènes génèrent un sentiment de fragmentation identitaire et de dégradation du métier et nourrissent des stratégies de fuite du métier (Cattonar, 2005), les problèmes liés à l’attractivité du métier et la rétention des enseignants étant particulièrement aigus (Eurydice, 2004).

On a tôt fait de relier ces phénomènes de médiation inhérents aux « traditions éducatives » et aux conservatismes qui travaillent les enseignants des pays concernés ("{enable teachers to widen their perspective to see beyond the inluences that have traditionally shaped their behaviour}", CERI, 1998). C’est évidemment une façon pragmatique de poser les enjeux que de ne pas poser la question du sens.

Ce qui se joue au prisme de la mondialisation dans les formes d’adaptation (ou d’inadaptation) des écoles nationales et de leurs enseignants aux politiques de mondialisation est cependant plus complexe et tiennent :

Ces tensions que traversent les démocraties, combinées à la tentation naturaliste qui travaille les politiques de mondialisation appliquée à l’éducation, sont propres, au-delà du volontarisme observable des États, qu’ils soient timides ou zélés, à créer du trouble pour ceux qui ont pour tâche d’éduquer et de former.

Para ir más allá

Voir aussi en libre accès sur Internet à l’adresse suivante : Thèse de sciences de l’éducation, présentée et soutenue publiquement par Paraskevi POULOGIANNOPOULOU : Comment devient-on enseignant ? De l’expérience universitaire à la formation, novembre 2012