Un projet intégré de formation socioprofessionnelle dirigé vers les technologies nouvelles

CASI-UO COFTeN

Pascale Thys, septiembre 2001

Habitat et Participation ASBL

Cette fiche présente le travail d’un centre d’action sociale pour l’insertion socio-professionnelle de jeunes immigrés en difficulté et non qualifiés. Cette formation longue durée se tourne vers le secteur attractif que sont les nouvelles technologies.

Cette fiche a été réalisée avec le concours du Centre d’Orientation et de Formation aux Technologies Nouvelles, à partir de 11 interviews : 8 jeunes en formation dans les trois filières (bureautique réseau, comptabilité et informatique), 2 formateurs et la coordinatrice.

Contexte et origines du projet

C’est en 1970 que naît le CASI-UO (Centre d’Action Sociale Italien – Université Ouvrière) avec pour objectif l’intégration des immigrés par l’action socioculturelle et la lutte contre l’exclusion. Elle s’inscrit dans le courant du « développement communautaire ». Confronté à la crise économique, le CASI-UO a d’abord réagi par la création, à partir de 1979, de coopératives de jeunes (garage, imprimerie, plomberie, magasin d’artisanat). En 1983, l’association lance une expérience d’insertion socioprofessionnelle : le COFTeN. A ses débuts, cette expérience s’adressait aux jeunes d’origine italienne qui, par le fait de leur faible niveau de scolarisation, ne pouvaient même pas accéder aux formations de base du FOREm.

Le projet du COFTeN s’inscrit dans le contexte de la problématique du chômage. Il tente d’apporter une réponse au chômage de longue durée des jeunes essentiellement d’origine étrangère et ayant un niveau d’étude faible.

Objectifs du projet

L’objectif est de donner l’occasion à des petits groupes de jeunes fragilisés par des expériences négatives antérieures (vie, formation,…), par le biais de formations et de stages appropriés, de retrouver une confiance en soi suffisante pour soit trouver un emploi, soit être capable de suivre des filières de formation plus traditionnelles. Pour y arriver, le cadre de fonctionnement est très défini : la solidarité entre personnes, la convivialité, des espaces interculturels, l’annonce claire du contenu et l’efficacité de la formation, les travaux en petits groupes, les débouchés importants sur le marché de l’emploi,…

Population concernée et groupes cibles

La population ciblée est celle de jeunes de 18 à 30 ans, dont le niveau d’études ne dépasse pas le secondaire. La majorité d’entre eux sont faiblement scolarisés et/ou qualifiés, souvent en décrochage scolaire et, pour près de 30%, en situation de chômage structurel.

Sur le terrain, la plupart des stagiaires sont âgés de 25 à 30 ans et présentent d’évidentes capacités d’apprentissage. Une sélection des stagiaires est opérée à l’entrée sur base principalement des potentialités ainsi que sur l’absence d’autres pistes pour se former. Les participants sont jugés aptes à acquérir en un an des compétences de savoirs et de savoirs être en lien avec la demande du marché dans le secteur des nouvelles technologies.

Montage financier

Et plus ponctuellement, la Fondation Roi Baudouin, le FEDER, des sponsors privés.

Partenaires du projet

Le COFTeN travaille avec plus de 200 partenaires économiques.

L’association travaille étroitement en collaboration avec la Coordination bruxelloise d’organismes d’insertion par les technologies de l’information (BRUTEC) avec laquelle elle travaille au suivi de l’évolution du marché de l’emploi et à la détection des nouvelles qualifications, mais aussi avec BIPAsS (une société coopérative d’économie sociale mise sur pied par BRUTEC), le CEFA-UO (un autre organisme d’insertion socioprofessionnelle (OISP) de la Région), EUCLIDES (un centre d’entreprises d’économie sociale), la FEBISP (Fédération bruxelloise des opérateurs d’insertion socioprofessionnelle), etc.

Déroulement du projet

Dans le cadre des inscriptions aux formations, plusieurs journées de candidature sont organisées en juin et septembre.

Environ deux tiers des candidats se présentent pour la formation « Techniques PC », le recrutement est plus difficile pour l’option « Bureautique/comptabilité ».

En « Technique PC », on leur fait passer un test en français, informatique, calcul.

La compréhension du français est un élément crucial. Dans certains cas, un niveau trop faible peut impliquer que l’on propose au candidat de suivre une préformation en langue dans un autre centre pour revenir ensuite à la formation.

Ceux qui obtiennent des résultats suffisants ont alors un premier entretien avec le service de guidance, puis avec les formateurs de la section choisie.

Dans cette sélection, la priorité est donnée à ceux qui n’ont pas terminé leurs secondaires (pas de CESS) car ils n’ont pas accès à des cours du soir.

La formation est basée sur la mise en situation professionnelle. Des travaux pratiques sont donnés à côté de cours théoriques : « les formateurs nous donnent certains travaux en lien avec le terrain : on nous demande de faire un travail qui va vraiment servir. Par exemple en créant une nouvelle feuille de note de frais pour les formateurs du centre » « nous avons l’opportunité de travailler sur les machines des clients. On est en situation réelle ». Ce principe inclut des horaires de formation qui sont ceux des horaires « normaux » d’un emploi (8H30 à 17H00).

Dans cette idée, le COFTeN a lancé « Technofor », qui est un comptoir commercial de vente et de réparation de matériels informatique et électronique qui a été mis en place pour que les stagiaires puissent travailler dans des conditions proches de la référence professionnelle (Un nom mais qui n’est pas une entité juridique distincte du COFTeN). Dans l’atelier, trois formateurs assurent l’encadrement d’une quinzaine de stagiaires.

Peu fréquents dans ce type de formations, au cours de la formation, des interrogations sont organisées pour vérifier les bonnes acquisitions des connaissances.

Tout au long de la formation également, le service dispose d’un responsable pédagogique et de la guidance. Les stagiaires peuvent solliciter l’aide de la guidance s’ils le veulent mais l’ensemble des formateurs sont aptes à recevoir les jeunes en difficultés : « On est écouté dans nos problèmes privés. On n’est pas obligé d’aller voir le responsable de guidance, mais la personne avec laquelle on a le plus d’affinités ».

Perception du projet par les acteurs

Résultats quantitatifs

Environ 75% des jeunes qui suivent la formation trouvent immédiatement un emploi. Ce taux était légèrement supérieur avant la « crise » des nouvelles technologies.

Depuis sa création, plus de 900 jeunes bruxellois, surtout d’origine étrangère, ont suivi les activités proposées par le COFTeN.

Résultats qualitatifs

L’objectif de redonner confiance à des jeunes à qui on donne des possibilités de développer leurs compétences semble être atteint pour ceux que nous avons rencontré. « On ne peut pas venir ici en pensant que c’est une fin ». « Il faudra voir plus loin. Il faudra encore évoluer dans nos connaissances. C’est l’esprit de ce centre : ne pas se contenter de ses acquis ».

Une série de valeurs utiles tant au niveau personnel que dans le travail sont également mises en exergue par les jeunes rencontrés : solidarité, respect mutuel, interculturalité. « Généralement, quand dans un groupe il y a un malade, les autres prennent note pour lui ». « La solidarité, c’est aussi quand ça marche bien », « Si un autre stagiaire a un problème, on a le réflexe de l’aider, avant même qu’il doive en parler aux formateurs », « On ne se sent pas dans un carcan scolaire. On est intégré dans une équipe. C’est la première fois que j’entends qu’une formation organise des Assemblées Générales pour avoir l’avis des stagiaires ». « Le garde-fou, c’est le respect mutuel. Quand ça ne va pas, on négocie de personne à personne ». « Les formateurs sont de différentes cultures. C’est rassurant. Ça fait la richesse de cette école. On se sent bien parce que les formateurs eux-mêmes viennent de cultures différentes ».

Pour arriver à ces résultats, les responsables du projet ont dû instaurer des modes de communication d’adulte à adulte, obligeant les jeunes stagiaires à se responsabiliser. Les responsables doivent dès lors s’assurer à la base que ce mode de fonctionnement et de communication fonctionnera avec le jeune accepté dans le groupe.

La qualité de la formation passe aussi à travers la façon dont ils ont eu connaissance du service. « Je suis arrivé ici par le beau-frère de ma petite amie », explique un jeune. C’est le bouche à oreille qui en a guidé plus d’un vers le COFTeN.

Efficacité du projet

En fin d’année, et aux vues du groupe que nous avons rencontré (8 jeunes), il semble que l’objectif de redonner confiance aux jeunes soit atteint au moins avec certains d’entre eux. « En fin de formation, on va se présenter aux stages. Les employeurs sont impressionnés par notre niveau. On a appris des choses d’un niveau supérieur ». « En 9 mois, je suis étonnée de tout ce que j’ai appris ». Une force, un enthousiasme, une confiance en soi évidents se dégageaient des propos des jeunes qui ont pris la parole ce jour-là. « Les acquis et les expériences sont plus importants que l’emploi. On est là pour étudier, pour apprendre, pour bosser. L’emploi ne vient qu’après ».

L’objectif de fournir un bagage suffisant pour trouver un emploi ou pour s’orienter vers une autre formation plus qualifiante semble lui aussi atteint pour la plupart des jeunes qui se forment. Deux aspects semblent essentiels à ce niveau : la bonne connaissance des attentes du milieu professionnel et le travail spécifique d’une personne attachée au partenariat avec les entreprises.

La participation

Ainsi que nous l’avons signalé plus haut, des représentants des jeunes sont présents lors d’Assemblées Générales d’orientation du projet. Ils nous disent : « Ils veulent avoir l’avis des stagiaires, on n’est pas ici de simple students. » «Le projet évolue avec nous, grâce à nous ».

La coordinatrice explique cette option fondamentale en ajoutant : « ma préoccupation, quand quelqu’un rentre dans l’école, c’est qu’il ait une place dans le projet. L’évolution du projet part de l’équipe et des stagiaires, puis remonte au Conseil d’Administration ». Un des deux formateurs présents insiste : « Moi, je considère d’abord les stagiaires comme des individus, des citoyens, avant d’être des stagiaires ».

Lors de la discussion, des jeunes entre eux posent cependant la limite de leur implication dans le projet. Les uns trouvent qu’ils voudraient en savoir plus sur les problèmes (financiers ou autres) que rencontre le COFTeN tandis que d’autres estiment en savoir suffisamment.

Avancées au niveau du droit

CASI-UO COFTeN donne accès au droit à une formation de qualité pour tous.

Le projet comme processus

Le projet intègre trois niveaux d’intervention : l’analyse de la trajectoire et des besoins en amont, la formation durant une année, le suivi du stagiaire jusqu’à la découverte d’un emploi ou d’une nouvelle filière de formation. Durant toute la formation et pendant la recherche de l’emploi, un suivi important existe.

Il existe plusieurs périodes d’évaluation. « les formateurs nous trouvent des stages en lien avec nos axes forts », nous dit un stagiaire. La coordinatrice explique qu’une fois l’étape de démarrage passée (emploi obtenu ou réorientation en fin d’année), aucun suivi n’est réalisé. Cependant, il arrive que d’anciens stagiaires ayant perdu leur travail reviennent au COFTeN pour avoir une aide à la recherche d’un nouvel emploi.

Difficultés rencontrées, blocages, handicaps

Pour les stagiaires :

Parmi ceux qui n’ont pas de revenu parce qu’en stage d’attente, certains ont des difficultés financières. Un revenu minimum en formation devrait être alloué. Tout ça nécessite beaucoup de démarches auprès du CPAS. De plus, « mon statut de chômeur en stage d’attente est difficile. Je suis restée 7 mois sans argent parce qu’en stage d’attente. Ma famille et mon conjoint m’ont aidé ».

Pour certains, il y a le problème de la garde des enfants durant la formation.

La situation des stagiaires réfugiés en demande de papiers crée de l’insécurité au sein du groupe, et des difficultés de gestion pour l’établissement. Avec la lenteur de la procédure, une dynamique de groupe positive a du mal à s’instaurer dans un tel degré d’incertitude : « le verra-t-on encore demain ? »

La sélection des stagiaires est difficile. Certains se représentent plusieurs années de suite sans être choisis, situation difficile à vivre.

Les responsables estiment que, pour les stagiaires, le système d’intérim est un piège car il est source d’instabilité peu adéquate pour des gens déjà fragilisés.

Pour le service :

Bruxelles-Formation a tendance à reprocher la durée des formations proposées (1 an) par le CASI-UO COFTeN. L’idée serait de créer de petits modules de formation avec des passerelles entre ces modules. Selon la coordinatrice, si ce système peut être positif pour des jeunes en « simple » recherche de formation ou d’emploi, il n’est pas favorable à une population qui doit d’abord retrouver confiance en soi et définir des choix. Ceci demande du temps, de la sécurité sur le plus long terme, une équipe à l’écoute de difficultés autres que celles de formation, l’ouverture à la diversité de voies possibles pour qu’un choix puisse s’établir.

Bruxelles-formation évalue le travail du service uniquement sur la base des résultats quantitatifs en terme d’emploi mais pour certains, il n’y a pas d’emploi à la clef.

Le fait que la référence soit le secteur privé a permis de sortir du flou artistique, de travailler et de s’organiser avec la rigueur des entreprises. Mais il ne faut pas verser dans l’extrême inverse : une formation aux « normes ISO », l’établissement de statistiques basées uniquement sur des indicateurs quantitatifs, etc. Si les outils et les méthodes du monde de l’entreprise sont jugés favorables pour améliorer la formation, les responsables estiment que baser l’évaluation sur le taux de mise à l’emploi n’est pas un indicateur suffisant car il passe à côtés d’autres objectifs poursuivit par le COFTeN.

Le travail administratif est primordial : il faut rendre les dossiers en temps et en heure avec des documents précis pour obtenir les subsides et il est toujours nécessaire de justifier et de prouver les comptes. Le COFTeN est tenu d’avoir 80% de présence. Or quand un stagiaire quitte en début de formation, cela pèse négativement sur les présences de l’ensemble du groupe. La réalité du terrain n’est pas suffisamment prise en compte.

Atouts du projet et causes de réussite

Un des atouts est le taux d’emploi de 75%. Ce niveau d’emploi après formation s’explique par le choix du créneau (les nouvelles technologies), la sélection des jeunes aptes à suivre la formation à l’entrée, un suivi rapproché (autant durant qu’après la formation), et un ajustement permanent de la formation aux demandes du marché.

Pour le COFTeN, la formation longue est un atout, il s’agit d’un certain respect des personnes. Pour la responsable, « le développement de compétences nécessite du temps, il faut aussi du temps pour redonner confiance, et ça prend aussi du temps pour que les gens trouvent leur place dans la formation ».

Un autre atout du projet est l’adéquation entre le programme proposé, le contenu des cours et la demande du marché. Pour les stagiaires, « il n’y a pas de surprise entre le contenu annoncé et ce qu’on reçoit comme formation ». « Ce qui est efficace, c’est que, quand on se présente devant un employeur, on se rend compte que c’est ce qu’il cherche ».

Un autre atout réside dans l’ambiance et les valeurs développées au sein de l’établissement (solidarité, convivialité, respect mutuel, interculturalité)

Perspectives de développements futurs du projet

Chaque année, le contenu des cours est revu en fonction des besoins du marché (soit via les remarques des stagiaires ayant réalisé un stage en entreprise, soit via le responsable du partenariat entreprise).

Un projet de maison d’enfants est en cours de préparation. Cette maison donnerait priorité aux enfants des stagiaires en formations et aux membres du personnel des organismes d’insertion socioprofessionnelle.

Para ir más allá