L’habitat populaire ou précaire n’est pas réductible au slum…

Agnès Deboulet, 2014

Centre Sud - Situations Urbaines de Développement

Cette fiche précise le terme de slum, de plus en plus fréquent dans les discours politiques et médiatiques et précise ses acceptions : tout habitat informel n’est pas réductible au slum et s’étend sur un gradient allant du bâti de bidonville léger à des constructions en dur.

La généralisation récente de la thématique du slum (taudis, bidonville) correspond à un changement de registre lexical qui traverse les institutions internationales (Pnud, Cnueh). Elle donne ainsi de nouveaux cadres aux États pour combattre une des dimensions de la pauvreté.

Au plan international, cette définition se substitue ainsi partiellement à l’appellation plus ancienne de « quartier informel». Elle remplace une vision normative spatiale et légale par une représentation fondée sur l’équivalence entre quartier populaire et insalubrité (voir Faure, 2003 ou Gilbert, 2007) ou dégradation.

Ainsi la politique de résorption de l’habitat dit insalubre est devenue une dimension centrale des politiques publiques telles que le programme Villes sans Bidonvilles au Maroc, soutenu par des organismes de coopération bilatéraux et la Banque Mondiale (Le Tellier, Iraki, 2009) tandis que démarre en Syrie en 2008 un programme de la coopération technique allemande (GTZ) qui vise à “améliorer les conditions de vie dans l’habitat informel”. En Égypte, on rassemble désormais sous le terme de slum l’ensemble de l’habitat informel voire dégradé.

De nombreux écrits récents jusqu’à l’ouvrage-pamphlet de M. Davis (2006) reprennent les rapports de la Cnueh (Un-Habitat) qui mettent en avant la généralisation du phénomène : un citadin sur trois habiterait un slum. Dans la mesure où la désignation actuelle de slum recouvre aussi l’ensemble des quartiers non-réglementaires, indépendamment de leur niveau d’illégalité et des conditions historiques de production du quartier, qu’elle englobe de fait tout quartier dénué de sécurité foncière, cette définition paraît excessive et souvent peu conforme aux réalités locales.

L’autre aspect occulté par l’usage systématique du terme slum est la nature du bâti. Le recours au vocabulaire du slum renforce la tendance des officiels et médias à considérer les quartiers informels comme équivalent générique de bidonville ou de quartier indigne. Or, l’habitat non réglementaire se caractérise dans de nombreux pays par une forte consolidation du bâti, y compris lorsque le statut foncier est précaire.

Sources

Source : Agnès DEBOULET, extrait de « Contrer la précarité par la sécurisation foncière et la légalisation. Enjeux et opportunités dans le Monde arabe et en Égypte », Tiers Monde, été 2011