La restauration collective, levier d’action privilégié des collectivités - qu’est-ce que ça nous apprend ?

Module 3.1 du Mooc « Acteurs, leviers, outils pour mener les transitions du système alimentaire »

Stéphanie CABANTOUS, Maëlle RANOUX, 2018

La restauration collective est un levier régulièrement mobilisé par les collectivités territoriales. La mobilisation de ce levier révèle aussi la capacité des acteurs territoriaux à s’emparer d’une question multi-dimensionnelle que les difficultés et écueils auxquels ils sont confrontés. Plusieurs points de vigilance sont ici relevés.

Pour visionner la vidéo du module 3.1, s’inscrire à une prochaine session de formation (septembre 2019) du CNFPT sur FUN

Diversité des objectifs, des angles d’approche. Articulation des compétences institutionnelles et détermination des leviers. Choix d’un cadre d’action. Mobilisation des instruments et dispositifs.

Pour illustrer ces processus de mise en mouvement, nous allons prendre une illustration concrète. Nous nous intéressons ici au cas de la restauration collective.

Pourquoi ce choix ? Parce que :

Le levier de la restauration collective permet – a priori – de répondre à de nombreux objectifs, permet d’agir sur le développement des filières, l’accessibilité sociale ou encore la santé…

Si la collectivité souhaite contribuer au développement des filières d’agriculture biologique sur son territoire, elle pourra le faire dans le cadre de sa compétence « politique d’achats » en actionnant le levier des marchés publics.

Ici, en fonction de la capacité des agriculteurs locaux à répondre à la demande en termes de types d’aliments et de volume, elle pourra par exemple diviser son marché en lots dimensionnés en fonction de la production locale, avec une montée en puissance progressive. La sécurisation permise par cet allotissement pourra encourager les agriculteurs à ré-orienter leurs modes de distribution et ne pas vendre seulement leurs surplus aux restaurants scolaires locaux.

Si la collectivité souhaite contribuer à l’accessibilité sociale, elle le fera dans le cadre de sa politique sociale en pratiquant des tarifs sociaux aux personnes ou familles à faible revenu.

Sa politique sociale peut également lui permettre d’atteindre des objectifs d’insertion par l’emploi, toujours en lien avec la restauration collective. En effet, les collectivités peuvent établir des conventions avec des établissements et services d’aide par le travail pour des activités de transformation par exemple.

Quant à ces objectifs d’amélioration de la santé des habitants, elle s’attaquera à la précarité alimentaire en mobilisant comme domaine de compétence, sa politique interne de ressources humaines. Ainsi, elle formera les cuisiniers à l’intérêt nutritionnel des produits et au travail sur les produits de qualité biologiques. Par exemple, tenir compte de la moindre déperdition d’eau à la cuisson des viandes biologiques pour ajuster les volumes d’achat et les cuissons ou connaître les grammages adaptés, en particulier pour les plats intégrant céréales et légumineuses.

Dans l’espace ressources, nous recensons des recueils et fiches des leviers d’action par domaines de compétences destinés aux acteurs de la restauration collective et des collectivités. Ces ressources présentent plusieurs pistes d’actions qui toute mobilise la restauration collective. Bien que ces ressources puissent être présentées par domaine de compétence, nous vous encourageons à garder comme boussole le schéma de ce module comme support d’une approche intégrée au sein de votre collectivité, entre les collectivités et sur votre territoire.

Si nous avons choisi une présentation par combinaison des domaines d’intervention plutôt que par collectivité et par compétence de collectivité, ce n’est évidemment pas anodin.

Nous relevons collectivement un certain nombre d’écueils ou difficultés dans les actions menées en restauration collective. Nous pouvons citer par exemple :

La loi agriculture et alimentation adoptée en octobre 2018 réaffirme des objectifs ambitieux en termes d’introduction de produits sous-signes de qualité. Parlant dans ce MOOC de stratégie territoriale d’alimentation durable, nous sommes attachés autant au territoire qu’à la durabilité environnementale de l’alimentation et donc des modes de production et qu’à la justice sociale, donc à l’accessibilité de toutes et de tous à une alimentation de qualité.

Le levier de la restauration collective est en ce sens un levier intéressant. Pourtant, concernant l’introduction de produits biologiques en restauration collective, les écueils cités précédemment sont encore plus marqués. Pourquoi ?

Ces difficultés témoignent du risque de la « solution évidente » dans un contexte où la connaissance des flux et filières alimentaires est souvent partielle pour les acteurs publics.

Pour pallier à ces écueils, nous encourageons la politique du pas à pas en commençant une action sur la restauration par une cantine scolaire avec de faibles quantités de repas journaliers (crèche/écoles de zone rurale) pour éprouver les enjeux de cet approvisionnement (enjeux de régularité et de variété des produits, enjeux de stockage, étapes de transformation, etc.). Cette politique du pas à pas permettra de monter en organisation et, pour les acteurs de la chaîne, de gagner en solidité.

Ce point renvoie à l’enjeu central de définir un périmètre cohérent entre projet/acteurs mobilisés/caractéristiques fondamentales du territoire (bassin de production et de vie). Lorsqu’il y a désajustement, il s’agit de rechercher les acteurs d’une autre échelle qui vont rendre possible le déploiement du projet.

La restauration collective est ici un miroir grossissant des enjeux d’articulation, de coopération, de gouvernance.

La recherche d’une bonne articulation entre les acteurs du territoire, d’une gouvernance partagée entre les différents échelons administratifs contribuera à faire du levier de la restauration collective un bon levier. En gardant en tête qu’il n’est pas le seul, qu’il n’est pas forcément le plus pertinent.

Pour cette gouvernance partagée, il n’y a pas de modèle-type. La coordination peut passer par des instances formelles ou informelles (comme des comités de pilotage, des regroupements, des sociétés coopératives d’intérêt collectif…). Elle peut aussi se traduire dans des outils comme des conventions ou des chartes… L’instance ne fait pas la gouvernance1.