Paysage et publicité

Dimensions du Paysage - Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage

Jean-Philippe Strebler, avril 2017

Média du déplacement par excellence, dans une société où les déplacements individuels ou collectifs sont de plus en plus nombreux, la publicité extérieure – dont la raison d’être est d’être perçue par le plus grand nombre – prend une place de plus en plus importante dans le paysage ; cette présence est accentuée par le recours à des technologies qui permettent désormais de repousser de nombreuses limites physiques.

Le présent rapport vise à formuler des propositions permettant de prendre en compte et de réguler la présence de l’affichage publicitaire dans les politiques de protection et de mise en valeur des paysages, et à exprimer des recommandations afin de définir des politiques destinées à réguler la présence des dispositifs publicitaires au titre de la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage.

INTRODUCTION

Le présent rapport a été réalisé afin de :

Le rapport met l’accent sur la diversité des formes d’expression publicitaire, qui doivent être prises en compte dans le cadre de l’identification et de la qualification des paysages. La prégnance de la publicité extérieure au sein des paysages que certaines législations nationales ont d’ores et déjà cherché à contenir justifie la mise en oeuvre de politiques publiques tendant à préserver ou à améliorer les objectifs de qualité des paysages par des moyens d’intervention visant la protection et la gestion des paysages.

1. PRÉSENCE PUBLICITAIRE DANS LE PAYSAGE

Concepts et définitions concernant l’affichage publicitaire

Publicité et communication La publicité constitue une forme de communication tendant à faire connaître un bien, un produit, un service, un lieu ou un événement, voire une information ou une idée, le plus souvent pour susciter l’adhésion du destinataire du message (consommateur, usager, électeur…) et, le cas échéant, l’inciter à acquérir le bien, produit ou service, ou à adopter un comportement souhaité (économiser l’énergie, sécurité routière, élection d’une personnalité…). Du point de vue économique, la publicité peut être définie, d’une part comme l’action de promouvoir la vente d’un produit en exerçant sur le public une influence, une action psychologique afin de créer en lui des besoins, des désirs, et d’autre part comme l’ensemble des moyens (médias) employés pour promouvoir un produit. La communication publicitaire est le plus souvent diffusée par des moyens de communication de masse, parmi lesquels les cinq médias privilégiés traditionnels sont la presse, la télévision, la radio, le cinéma et l’affichage ; désormais, elle prend aussi d’autres formes telles que les courriers et dépliants publicitaires, la publicité sur internet ou sur les téléphones mobiles. Les parts de marché de la publicité extérieure peuvent considérablement varier d’un État à l’autre : si l’affichage publicitaire représente en moyenne dans les économies occidentales entre 5 et 7 % du marché de la communication publicitaire dans les grands médias1, la publicité extérieure peut occuper une part de marché sensiblement plus importante (10 à 13 %) dans certains pays (notamment France, Belgique, Suisse, Russie), tandis que la part de marché est comprise entre 4 et 7 % dans d’autres pays (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni…). Ces écarts importants sont le reflet d’organisations et de traditions différentes du marché de la communication publicitaire et, dans une certaine mesure aussi, résultent de législations nationales de la publicité extérieure qui peuvent être considérablement différentes d’un État de l’Europe à l’autre (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques – CERTU, 1995 ; Institut d’études, de sondages, de recherches, marketing, sociologiques et psychosociologiques – Procom, 2000 ; Union des annonceurs - UDA, 2013) .

Les médias supports de communication publicitaire sont :

Affichage publicitaire et publicité extérieure Il faut souligner que, par rapport à des médias dont les cibles se dispersent (avec la multiplication des chaînes de télévision ou de radio, ou la désaffection des journaux, voire des cinémas), ou à ceux qui permettent de « cibler » précisément leurs destinataires (mailings, courriels, sms…), l’affichage publicitaire constitue un média dont les parts de marché se révèlent relativement « stables ». Ce média qui cible des personnes en déplacement, dans une société favorisant les déplacements, permet, lorsqu’il est judicieusement positionné, de toucher indistinctement l’ensemble des « passants ». Le plus souvent, ces passants n’ont pas le choix de se soustraire aux messages diffusés par voie d’affichage ; autant il est possible de changer de chaîne de télévision au moment des écrans publicitaires, d’éteindre télévision ou radio au moment des publicités, de ne pas acheter de journal ou d’y passer les pages publicitaires, de jeter des publicités postales distribuées, autant il n’est guère envisageable de ne pas voir les panneaux publicitaires placés aux abords des axes de déplacement. Si l’on qualifie souvent ces formes de publicité d’« affichage », il faut relever que les formes d’expression publicitaire se diversifient considérablement ; cela va de la « mise en scène » des supports (lorsqu’ils continuent à accueillir des affiches) aux nouveaux « supports » de communication extérieure qu’offrent notamment les technologies numériques contemporaines : écrans numériques de très grands formats (de quelques mètres carrés à plusieurs dizaines de mètres carrés), vitrophanies sur façades, « bâches » publicitaires temporaires ou permanentes, projections lumineuses nocturnes… L’affichage publicitaire « traditionnel » (sous forme d’affiches en papier apposées sur des supports fixes ou mobiles) risque très probablement de diminuer ou même progressivement disparaître au profit d’une publicité extérieure tirant le plus grand parti des possibilités technologiques modernes (et des évolutions de leurs coûts).

Évolution des supports et technologies de la publicité extérieure

Publicités et enseignes

Les activités peuvent aussi avoir besoin ou envie de signaler leur existence là où elles sont installées, avec des messages visuels divers, qu’il s’agisse de leur raison sociale ou, le cas échéant, des produits ou services fabriqués ou distribués. Ces messages peuvent être qualifiés d’enseignes.

Multiplicité des formes d’enseignes

Si l’on peut considérer que cette forme de communication visuelle constitue de la « publicité » au profit de l’activité qui y a recours (qui réalise ainsi sa promotion et éventuellement celle de ses produits), on peut aussi estimer que la possibilité de se signaler là où une activité (économique notamment) est installée peut être plus large que celle de diffuser, dans les mêmes lieux, des messages publicitaires sans rapport avec les activités présentes.

1.3. La prégnance publicitaire dans le paysage

Dès lors que l’objet même des publicités et enseignes est d’être vues (de préférence par le plus grand nombre de personnes), plusieurs facteurs contribuent à une présence de plus en plus forte des publicités et enseignes dans les paysages, essentiellement urbains, mais aussi parfois naturels :

Il semble même que, dans certains cas, l’adage selon lequel « trop de pub tue la pub ! » n’arrête pas certains professionnels de la publicité extérieure qui, notamment à l’égard de leurs annonceurs, ne peuvent s’interdire d’être présents là où leurs concurrents seraient déjà présents, quitte à ce que la surabondance compacte des messages publicitaires devienne aveuglante et les rende largement inefficaces. Dans le paysage, les messages publicitaires sont au fil du temps apposés sur des supports de plus en plus variés, voire insolites :

2. ENJEUX DE L’INTERVENTION PUBLIQUE AU TITRE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU PAYSAGE

Les multiples formes de la publicité extérieure lui permettent d’être de plus en plus présente au sein des paysages. Si l’Union européenne s’est intéressée à la publicité sous un angle essentiellement économique, certaines législations nationales sont intervenues, par des voies différentes, pour réglementer l’affichage publicitaire à des fins environnementales, tout en prenant en considération certaines limitations aux interventions réglementaires.

2.1. Enjeux paysagers

Selon les professionnels de l’affichage, la publicité extérieure ne peut pas se contenter d’une présence : elle doit attirer l’attention. L’affichiste français Raymond Savignac estimait ainsi que « comme un boxeur, il faut qu’elle ait du punch pour aller prendre les passants par le revers du veston et les amener jusqu’à elle. Son allure tapageuse et provocante, son maquillage violent sont tellement outranciers qu’ils dépassent de très loin les limites du mauvais goût et lui donnent parfois du style » (Mouandjo, Lewis et Mbianda, 2010). La publicité extérieure est donc par nature et par principe conçue pour prendre la place la plus visible possible dans le paysage et il n’est pas question qu’elle se fonde dans le paysage.

La diversité des vecteurs de communication publicitaire extérieure présentés ci-avant offre à l’affichage publicitaire des possibilités d’expression aux différentes échelles du paysage :

À ces diverses échelles, la publicité extérieure constitue l’une des formes les plus significatives et les plus rapides d’anthropisation des paysages. Cette présence de plus en plus forte constitue autant d’éléments « rapportés » dans les paysages et qui, au-delà d’un certain niveau (que celui-ci soit quantitatif ou qualitatif ), peuvent être regardés comme une forme de nuisance ou de pollution visuelle que les objectifs de « protection, gestion et aménagement des paysages » exprimés par la Convention européenne du paysage engagent à limiter dans le cadre des politiques nationales.

La publicité extérieure, de par la multiplicité des formes, des formats et des supports qu’elle peut prendre, constitue un élément de plus en plus présent dans le paysage. Ainsi, même si la publicité de façon générale et la publicité extérieure en particulier sont de nature à contribuer à l’information des consommateurs dans un contexte économique de libre-échange – et à ce titre, le paysage dans lequel s’insère la publicité extérieure doit aussi « constituer une ressource favorable à l’activité économique » –, l’insertion de supports de communication publicitaire extérieure est souvent de nature à « accélérer la transformation des paysages ». La présence de la publicité extérieure constitue souvent un élément de dénaturation du paysage ainsi que d’altération du cadre de vie et d’appauvrissement de sa qualité. La généralisation de l’éclairage des publicités extérieures (qu’il s’agisse d’un éclairage projeté, de rétroéclairage, d’images numériques sur écrans ou de projections) contribue fortement à la prégnance des publicités dans les paysages : la lumière et plus encore le mouvement (images numériques, clignotement) attirent les regards de façon active au sein des paysages, focalisant l’attention de manière quasi intrusive. Par rapport à des enjeux économiques de communication (largement commerciale), il convient de veiller à préserver l’aménité paysagère ; celle-ci peut sans doute très largement se dispenser de toute présence publicitaire, mais cette présence ne saurait être systématiquement considérée comme une pollution ou nuisance visuelle : il arrive aussi que certains dispositifs publicitaires, dans certaines situations, contribuent à rendre agréable la perception des paysages. L’installation de supports publicitaires ou d’enseignes est considérablement plus rapide que l’aménagement urbain ou la construction d’immeubles et il lui suffit de quelques jours voire de quelques heures pour apporter une transformation majeure du paysage. S’il est vrai que ce qui a été installé rapidement peut tout aussi promptement être démonté, il semble beaucoup plus efficace, d’une part de définir préventivement un cadre juridique de déploiement de la publicité dans le paysage (afin de limiter les critiques quant à des décisions subjectives arbitraires prises au cas par cas à l’encontre de tel ou tel dispositif ), et d’autre part d’envisager des formes de contrôle public préalables (qui permettraient notamment d’éviter des investissements économiques inutiles pour des dispositifs non réguliers qu’il faudrait démonter après leur installation). Il faut également prendre en compte le fait qu’en période de crise économique, la diminution éventuelle du chiffre d’affaires de la publicité extérieure (par réduction des dépenses publicitaires des annonceurs) ne correspond pas nécessairement à une réduction du nombre de dispositifs exploités (les faces disponibles peuvent simplement être proposées à des tarifs inférieurs). En situation économique tendue, il arrive aussi que certains dispositifs soient abandonnés dans les paysages et deviennent de véritables « points noirs » paysagers ; à cet égard, le paysage constitue aussi un reflet du fonctionnement d’un territoire, et peut, comme dans ce cas, renvoyer des images négatives de ce paysage. Les abords des agglomérations sont des secteurs particulièrement sensibles du point de vue des paysages. La problématique de banalisation des entrées de ville, due à la dénaturation de ces franges constituant des espaces de transition entre des paysages naturels ouverts non bâtis et des paysages artificialisés urbanisés, constitue un enjeu paysager majeur. Parfois dégradés par une urbanisation (notamment commerciale) peu maîtrisée, ils constituent des secteurs particulièrement prisés par la publicité extérieure, que ce soit pour annoncer les activités ou services qui sont présents dans l’agglomération ou pour signaler les activités qui se sont implantées aux abords des axes de circulation d’entrées de ville.

2.2. Approche juridique européenne

L’Union européenne considère la publicité comme un outil économique qui influence les comportements d’achat de plusieurs centaines de millions de consommateurs qui vivent et travaillent dans l’Union. La publicité a ainsi un rôle d’information essentiel qui contribue au bon fonctionnement du marché intérieur, lequel, avec la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, a augmenté la diversité de l’offre de produits et de services. C’est surtout sous l’angle de la protection du consommateur que l’Union européenne s’est jusqu’ici préoccupée de la publicité (publicité trompeuse et publicité comparative, publicité télévisuelle) : les conséquences de la présence de la publicité extérieure sur les paysages n’ont pas fait l’objet d’intervention communautaire à ce jour.

2.3. Législations nationales

La législation de plusieurs États européens tend à réglementer de façon plus ou moins stricte la publicité extérieure. On peut évoquer, à titre d’exemples de législations nationales qui abordent de façon différenciée la limitation de la présence publicitaire dans le paysage :

Allemagne :

En l’absence de législation fédérale, la publicité extérieure relève principalement du code de la construction dont les Länder définissent les modalités de mise en oeuvre. Les dispositifs sont soumis à permis de construire (municipal) et assujettis à une taxe locale. Ils doivent s’intégrer dans le paysage urbain des centresvilles ; dans les secteurs résidentiels, seules les entreprises de construction peuvent supporter des publicités (sauf événements particuliers). Dans les secteurs naturels ou peu peuplés, la publicité est interdite. La réglementation apparaît largement dissuasive : les publicités extérieures sont rares et situées dans des secteurs de faible intérêt paysager ; en entrées de ville, des panneaux synoptiques regroupent généralement les mentions des établissements rencontrés ; les enseignes sont souvent décoratives et informatives, plus que publicitaires.

Belgique :

Les régions intègrent la réglementation de la publicité et des enseignes dans leur règlement régional d’urbanisme. Les règles régionales applicables à la région de Bruxelles, par exemple, tendent à privilégier une intégration harmonieuse de la publicité dans le paysage urbain (dispositifs visibles de l’espace public « extérieur ») en évitant les nuisances visuelles, à interdire les dispositifs dangereux pour la sécurité routière, à garantir l’habitabilité des logements et à réguler les nouvelles formes de publicité (bâches et vinyles) ; les publicités et enseignes sont, en principe, soumises à un permis de bâtir préalable, sauf dispense prévue pour des dispositifs temporaires ou de faibles dimensions.

France :

La publicité extérieure relève essentiellement du code de l’environnement, profondément remanié en 2010-2012 (Dupont, 2009). Interdite par principe hors agglomération et dans les secteurs « environnementalement » sensibles, elle doit respecter diverses prescriptions (densité, surface, implantation…) ; seules certaines formes de publicité (lumineuse, bâches) relèvent d’une autorisation préalable, l’administration étant seulement préalablement informée des projets d’installation des autres dispositifs. Les collectivités communales ou intercommunales peuvent adopter des règlements locaux de publicité tendant à restreindre les possibilités offertes par les règles nationales. Les préoccupations de sécurité peuvent aussi limiter les possibilités d’expression publicitaire en bordure des voies de circulation routière.

Italie :

Selon les zones, une réglementation nationale et des règles locales coexistent ; les communes définissent les conditions d’installation de l’affichage publicitaire qui relève d’un régime d’autorisation préalable. Le code de la route limite, sans l’interdire, la présence publicitaire le long des routes en dehors des secteurs habités : les restrictions s’appliquent notamment aux dispositifs susceptibles de constituer un danger pour les usagers de la route ; les collectivités gestionnaires des voies (État, régions, communes) fixent les règles applicables aux supports publicitaires. Seuls les secteurs protégés et les voies qui les desservent sont interdits d’affichage.

Royaume-Uni :

Si l’affichage publicitaire relève d’une loi sur l’urbanisme (1990) et d’un règlement relatif au contrôle de la publicité (2007), ce sont les conseils et les commissions d’urbanisme des collectivités locales qui en assurent le contrôle. Selon le cas, les dispositifs ne sont soumis à aucune formalité préalable ou au contraire doivent faire l’objet d’une déclaration préalable ou d’une autorisation. La réglementation est empreinte de simplicité et de pragmatisme, préférant l’appréciation au cas par cas aux interdictions ou règles générales ; les paysages en périphérie des centres-villes notamment paraissent toutefois peu préservés en matière de publicité.

Suisse :

Les « réclames » (selon la terminologie législative nationale) sont réglementées pour assurer la sécurité routière (loi et ordonnance fédérales, réglementations cantonales) et soumises à autorisation préalable. Pourtant, la présence des publicités n’est pas seulement prise en compte du point de vue de la fonctionnalité des voies routières, mais en considérant les voiries comme un espace public qui intègre la dimension paysagère et la protection des sites. Le cadre législatif ne laisse que peu de marge de manoeuvre, la réglementation étant collectivement plutôt respectée.

Certains États (France, Italie ou Royaume-Uni, par exemple) ont assujetti la publicité extérieure à un régime fiscal qui, par son aspect dissuasif, peut contribuer à préserver les paysages d’une présence publicitaire excessive. Il faut cependant relever que si la fiscalité de la publicité extérieure permet de limiter sa présence dans le paysage, elle peut aussi, notamment en période de difficultés budgétaires pour les collectivités publiques, avoir pour effet pervers de décourager les interventions que pourraient envisager ces mêmes collectivités pour assurer le respect de la réglementation environnementale.

2.4. Limitation de l’affichage et libertés publiques

Il convient toutefois de prendre en considération quelques éléments tendant à une approche publique « mesurée » à l’égard de la publicité extérieure :

CONCLUSIONS

Au titre de la Convention européenne du paysage, la place de plus en plus importante que prend la publicité extérieure, dans ses diverses formes de supports, de formats et de technologies, dans les paysages naturels ou urbains, justifierait que les États signataires de la Convention envisagent l’adoption de diverses mesures. Les approches réglementaires pour des motifs d’ordre paysager n’excluent évidemment pas que d’autres préoccupations puissent justifier des interventions législatives, réglementaires ou administratives : sécurité routière, protection des propriétaires, des consommateurs, fiscalité et autres. Même si l’on peut concevoir une « gradation » dans la protection et la mise en valeur des paysages, il semblerait intéressant de privilégier une approche globale dans laquelle tous les paysages méritent une protection à l’égard de la publicité extérieure, plutôt qu’une approche qui identifie de façon limitative des secteurs à protéger, le reste du territoire permettant une expression publicitaire plus ou moins contenue par la législation. Une telle approche globale pourrait résulter de la combinaison de mesures publiques de protection, de réglementation et de contrôle.

Politiques publiques de protection

Les secteurs les plus sensibles ou vulnérables du point de vue des paysages devraient faire l’objet de protections importantes à l’égard des intentions d’installation de dispositifs publicitaires. Cette sensibilité ou vulnérabilité paysagère ne devrait pas prendre uniquement en compte l’occupation du sol (le caractère naturel, agricole, forestier ou urbain), mais aussi la superposition du paysage fondamental (relief, hydrographie, climat…) et du paysage perçu (lignes de fuite, courbes, lignes de crête, points d’appels visuels, horizontalité ou verticalité, effet de masse, covisibilités, cônes de vue, champs visuels…).

Ces protections pourraient ainsi notamment concerner :

Les inventaires paysagers engagés par les États parties à la Convention européenne du paysage devraient notamment permettre d’identifier les paysages vulnérables, de formuler des objectifs de qualité à l’égard de la présence publicitaire, puis d’envisager, au regard de ces objectifs, d’y limiter les risques d’atteinte que les publicités ou enseignes pourraient y porter.

Politiques publiques de réglementation

Quelle que soit leur qualité urbaine ou architecturale propre, les paysages bâtis ne devraient admettre la publicité que selon des conditions encadrées ; il s’agirait d’y limiter les « excès publicitaires », par exemple en limitant les surfaces, voire le nombre de dispositifs, et en définissant des conditions d’utilisation publicitaire des supports (bâtiments, clôtures, dispositifs spéciaux, mobilier urbain, véhicules publicitaires…). Les « lisières urbaines » devraient faire l’objet d’une attention spécifique, compte tenu des enjeux que ces espaces de transition entre les espaces naturels et urbains constituent pour la publicité extérieure aux abords des axes de circulation (« entrées de ville »). Les réglementations nationales (et locales) devraient urgemment prendre en compte – si elles ne l’ont pas encore fait – les médias contemporains de communication extérieure que constituent les écrans numériques et les bâches de grands et très grands formats, afin de réguler leur présence qui risque, en cas contraire, d’être très rapidement et durablement invasive dans de nombreux paysages. Selon le système institutionnel propre à chaque État, il serait intéressant que les réglementations nationales puissent être adaptées par les autorités locales (provinciales, régionales, cantonales, communales…), de manière à ajuster au mieux les prescriptions en matière de publicités et d’enseignes aux spécificités des paysages locaux ; ces autorités locales pourraient dès lors être particulièrement pertinentes pour assurer l’instruction des autorisations préalables qui seraient requises le cas échéant. Un rapprochement des procédures et réglementations applicables aux publicités et aux enseignes de celles qui concernent l’urbanisme et la construction semblerait de nature à favoriser une prise en compte plus cohérente des préoccupations de paysage ; certains États (Royaume-Uni, Allemagne ou Belgique notamment) ont d’ores et déjà privilégié cette approche globale des paysages urbains et intégré le droit de l’affichage publicitaire au droit de l’urbanisme. Conformément aux principes inscrits dans la Convention européenne du paysage, la définition des réglementations – qu’elles soient nationales ou locales – doit permettre une participation effective de l’ensemble des acteurs concernés, qu’il s’agisse du public – puisque c’est d’une part à lui que « profitent » les paysages qu’il convient de préserver des excès publicitaires et d’autre part lui qui est la « cible » des messages publicitaires (la liberté de « recevoir » des messages publicitaires peut être utilement confrontée à la liberté d’expression très souvent mise en avant) – mais aussi des professionnels concernés, afficheurs ou enseignistes, annonceurs ou commerçants notamment –, des autorités publiques locales et régionales, des cabinets d’études et de conseil, et autres auteurs. Dispositions tendant à assurer le contrôle des législations Même si « nul n’est censé ignorer la loi », la mise en oeuvre efficace des principes de protection des espaces les plus sensibles et de réglementation des dispositifs impose aussi que les interdictions et réglementations soient contrôlées, de préférence a priori, dans le cadre d’autorisations préalables que de nombreux États ont instituées (indépendamment ou non des autorisations d’urbanisme, de construire ou de bâtir), avec, le plus souvent, une réelle efficacité environnementale. Ces contrôles préalables doivent aussi être suivis du contrôle de la régularité des dispositifs installés, permettant la mise en oeuvre de procédures judiciaires ou administratives destinées à supprimer ou à mettre en conformité des dispositifs qui auraient été irrégulièrement installés.

Références

En savoir plus

BIBLIOGRAPHIE

  • Antoine F. et Heinderyckx F. (2011), État des lieux des médias d’information en Belgique francophone, Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

  • Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques - CERTU (1995), Publicité extérieure à l’étranger : un effet miroir sur la situation française, éd. Dossiers du CERTU, Lyon.

  • Dupont A. (2009), Publicité extérieure, enseignes et préenseignes, rapport du sénateur Ambroise Dupont, remis le 9 juin 2009 à Mme Chantal Jouanno (secrétaire d’État à l’Écologie) et M. Hubert Falco (secrétaire d’État à l’Aménagement du territoire).

  • Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (2006), Règlement régional d’urbanisme – titre VI : Publicités et enseignes, arrêté du 21 novembre 2006.

  • Institut d’études, de sondages, de recherches, marketing, sociologiques et psychosociologiques - Procom (2000), Le marché de l’affichage. www.institut-procom.com/affichage.pdf.

  • Mouandjo B.-Lewis P. et Mbianda P. (2010), Théorie et pratique de la communication, L’Harmattan, Paris.

  • Union des annonceurs - UDA (2015), Les chiffres clés des annonceurs. www.uda.fr/fileadmin/documents_pdf/publications_etudes/Chiffres_cles_des_annonceurs_2015.pdf.