La CORETET (Communauté de Sites REssources sur les Territoires Et la Transition) dans une perspective historique

Pierre Calame, noviembre 2023

La création d’une Communauté de sites ressources sur les territoires et la transition, CORETET, est une proposition toute nouvelle mais est aussi et surtout le fruit d’une longue histoire, résultat du tissage de quatre fils directeurs qui tous sont nés de l’histoire et de l’action de la FPH, Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme, fondation indépendante de droit suisse et à vocation internationale que Pierre Calame a animée depuis sa création en 1982 jusqu’en 2014.

1. Le défi de la documentation, de la mutualisation et de la capitalisation de l’expérience

La société n’est pas un laboratoire où on teste des produits. Ce sont les expériences elles-mêmes qui sont la source principale de la connaissance et c’est la confrontation de nombreuses expériences entre elles qui permet de tirer des leçons de portée générale, qui ne sont jamais des « bonnes pratiques » transposables d’un contexte à l’autre. Or, les organisations documentent rarement ces expériences, quand cette documentation existe, elle est rarement mutualisée et les processus de capitalisation de l’expérience sont plus rares encore. Ce constat a poussé la FPH dès les années 80, avant que le développement d’internet ne rende le partage aussi facile, à construire des banques d’expériences, à inviter ses partenaires à les nourrir, à financer même des travaux de capitalisation.

2. La revanche des territoires

Tout au long de la révolution industrielle, les territoires, villes et bassins de vie, n’ont cessé de voir leur importance économique et politique décroître au profit des grandes entreprises et des États. Ce processus de déclin s’est inversé à la fin du 20ème siècle au point de parler de « revanche des territoires ». En effet, les grandes entreprises et les États ont été les acteurs majeurs de la « première modernité », celle qui du 18e au 20e siècle a tiré son efficacité opérationnelle de la spécialisation et de la segmentation. Mais elle a abouti dans la seconde moitié du 20e siècle à une crise généralisée des relations, entre humanité et biosphère, entre les personnes, entre les sociétés, entre une science dominée par le découpage en disciplines et les besoins de la société, entre gouvernants et gouvernés, entre des politiques publiques sectorielles et les besoins d’une approche plus systémique. Le réchauffement climatique, auquel la communauté internationale depuis quarante ans s’avère incapable d’apporter une réponse, est l’illustration des dérives de la première modernité qui entraînent l’humanité à sa ruine. Le temps est venu d’une « seconde modernité » dont la vocation est de créer ou recréer les relations de toutes natures. Ce qui supposera que de nouveaux acteurs, capables de gérer les relations, remplacent progressivement États et grandes entreprises. Ce seront les territoires d’un côté et les filières mondiales de production de l’autre. D’où l’importance des territoires dans la conduite de la transition mais rares sont encore les territoires conscients de ce nouveau rôle et capables de l’assumer

3. Une transition systémique : passer de la rhétorique à la réalité

Chacun répète que la transition doit être systémique et comporter de nombreuses dimensions politiques, économiques, culturelles, technologiques. Mais, dans la pratique ce discours se limite à la rhétorique et les politiques demeurent presque toujours sectorielles car les disciplines scientifiques, les modes d’organisation des organismes publics et privés, les connaissances elles-mêmes restent sectorielles. Si l’on regarde sur de nombreux sites web par exemple comment est organisée l’information, comment les expériences concrètes sont présentées, on constate que c’est toujours selon un découpage thématique. Pour dépasser cet état de fait, il faut disposer d’outils techniques d’indexation de l’information qui rendent compte des multiples dimensions de l’action. C’est cet outil, qualifié « d’atlas relationnel » car, comme un atlas géographique, il montre des cartes de petite ou grande échelle mettant en évidence les liens entre les questions comme autant de routes sur la carte qu’a créé Citego, avec l’aide de la FPH.

4. Mutualiser les connaissances tout en renforçant l’identité de ceux qui la produisent : comment résoudre la quadrature du cercle ?

Lorsque pour mutualiser des connaissances et expériences, venues de partout, on les présente sur un site web unique, les différents réseaux porteurs de ces expériences se sentent un peu dépossédés : c’est grâce à eux que la connaissance existe mais c’est le site qui réunit les différentes expériences qui au bout du compte est mis en valeur. La FPH a mis longtemps à résoudre cette contradiction. Elle y est parvenue en gagnant sur les deux tableaux avec l’idée de passer d’un site unique de mutualisation à une communauté de sites ressources : chacun des membres de la communauté se voit valorisé, les internautes qui accèdent au site web de la communauté bénéficient de toute l’information mais sont conduits à aller visiter le site de chacun des membres. La FPH a créé avec succès au début des années 2000 une première communauté de ce genre. L’idée d’une communauté de ressources sur les territoires et la transition permet cette fois d’aller beaucoup plus loin : comme tous les membres de cette nouvelle communauté s’intéressent au même sujet, celui des territoires et de la transition, mais en l’abordant chacun avec son propre angle de vue, il devient possible d’indexer l’ensemble des ressources cumulées avec le même atlas relationnel, créant un formidable corpus d’expériences au sein duquel on peut naviguer grâce à cet atlas.

Para ir más allá